La construction du réacteur nucléaire EPR de Flamanville aura été un réel chemin de croix. Entre malfaçons, dérapages budgétaires et retards à répétition, ce chantier maudit a instauré de sérieux doutes sur les capacités françaises à construire des réacteurs de 3ème génération. Il a aussi révélé le considérable affaiblissement de la filière nucléaire malmenée et parfois même sabotée par les gouvernements successifs pendant près de deux décennies.
Essais concluants de requalification
Mais la fin du supplice est apparemment pour bientôt. Le chantier a été lancé en 2007 et c’est avec douze années de retard que le réacteur devrait enfin produire de l’électricité dans quelques mois. Le coût de sa construction aura dépassé 14 milliards d’euros et était estimé initialement à 3,3 milliards d’euros…
Les essais dits de requalification, ultime phase de test ayant débuté au début de l’automne, se sont terminés quelques jours avant les vacances de noël. Ils ont été concluants d’après le directeur de projet. Fait notable : cette annonce confirme que le calendrier semble – pour une fois dans ce projet – être respecté.
Les essais en question se déroulant sous pression et à chaud, ils font office de véritable répétition générale avant le démarrage du réacteur. Ils avaient notamment pour but de valider les réparations effectuées sur certaines soudures essentielles qui présentaient des défauts et ont dû être refaites.
Chargement du combustible en mars 2024
Avec la fin des essais de requalification, une page se tourne. Celle de la construction du réacteur qui peut ainsi être considérée comme achevée. Et une autre s’ouvre, celle de la production d’électricité. La prochaine étape est donc annoncée pour mars 2024 avec le chargement du combustible. Cette opération sera la dernière avant le démarrage de l’unité. Les premiers électrons devraient ainsi être injectés sur le réseau dès le printemps 2024, faisant de Flamanville 3 le 57ème réacteur en production en France.
Une très bonne nouvelle pour EDF qui en a bien besoin
La conclusion enfin positive de ce chantier est essentielle pour EDF pour plusieurs raisons. La première, est bien entendu économique. Au cours des 16 années de travaux, le projet aura coûté énormément mais n’a évidemment rien rapporté. Le début de la production va permettre de commencer à amortir l’investissement et contribuer au redressement de la situation économique du groupe public.
La deuxième est marketing et d’image, d’autant plus qu’un autre chantier EPR, celui d’Hinkley Point au Royaume-Uni, donne du fil à retordre à l’énergéticien public. Et puis parce qu’il a été décidé par Emmanuel Macron et le gouvernement de construire six EPR2 supplémentaires en France (avec huit de plus en option), il est important de démontrer à l’opinion, aux médias et aux décideurs politiques que l’opérateur est capable de le faire. Flamanville, c’est le passé, l’EPR2 c’est l’avenir.
Et cela même si l’EPR2 est une version optimisée et simplifiée de son grand frère l’EPR. Il intègre un grand nombre de modifications visant à la fois à raccourcir les délais de construction, à éviter un nouveau dérapage des coûts, à réduire les complications inutiles et à permettre une fabrication en série. Pour donner un ordre d’idée, le passage de l’EPR à l’EPR2 permet, entre autres, de passer de 13.309 références de robinet à 571…, de 1.517 types de câbles à 14, de 214 modèles de portes à 91, de 836 gabarits de tuyauterie à 257, et de 800 modèles de pompes à 63.
Poursuite du redressement de la production électrique nucléaire
Enfin, la troisième raison pour laquelle la mise en service de Flamanville est vraiment bénéfique est tout simplement que cela permet d’accompagner la remontée de la production électrique nucléaire. EDF a ainsi profité de cette annonce pour confirmer ses objectifs de production pour les trois prochaines années, avec des fourchettes prévues entre 315 et 345 TWh en 2024 et entre 335 et 365 TWh en 2026. Et cela, sans prendre en compte la production de l’EPR de Flamanville.
Des objectifs considérés comme très prudents par les spécialistes du secteur. Ils rappellent qu’EDF produisait il y a peu encore jusqu’à 430 TWh et que la simple fermeture des deux réacteurs de Fessenheim ne peut suffire à expliquer cette baisse. Un nouveau réacteur sur le réseau d’une puissance théorique presque équivalente, 1.600 MW, à celle des deux réacteurs fermés de 900 MW chacun permet de compenser en grande partie ce qui restera comme une des plus grosses erreur des dernières années en termes de politique énergétique.
Philippe Thomazo