L’hydrogène est une des clés de la transition énergétique, qu’on le veuille ou non. Tout simplement, parce que dans un grand nombre de domaines allant des transports sur longue distance (aérien, maritime voire terrestre) à l’industrie lourde, il est souvent le seul substitut crédible aux combustibles fossiles. Mais ce n’est pas pour autant une source d’énergie. Il faut le fabriquer comme l’électricité. Et c’est là que les choses se compliquent. A partir de carburants fossiles, ce qui ne règle aucun problème, ou par électrolyse avec de l’électricité bas carbone, ce qui coûte particulièrement cher et demande de très grandes quantités d’électricité.
A moins que l’hydrogène blanc ou géologique, produit comme son nom l’indique naturellement dans le sous-sol soit exploitable en grande quantité. Il s’agirait alors d’une source d’énergie renouvelable et décarbonée. On croyait jusqu’à très récemment que l’hydrogène naturel s’évaporait rapidement dans l’atmosphère compte tenu notamment de la légèreté de sa molécule. Mais de grandes quantités seraient finalement piégées depuis des millénaires par la croute terrestre. On a trouvé récemment, en France, en Albanie, en Afrique de l’ouest des « gisements » d’hydrogène naturel. Aux Etats-Unis, des milliardaires comme Bill Gates (Microsoft) et Jeff Bezos (Amazon) parient aujourd’hui résolument sur cette source d’énergie « miraculeuse ».
Seulement 2% des réserves potentielles pourraient alimenter la transition pendant des centaines d’années
Ils ont suffisamment d’argent pour prendre des risques et ont peut-être raison. A en croire une étude récente réalisée par des chercheurs du très sérieux United States Geological Survey(Institut d’études géologiques américain) et publiée par la revue scientifique Science Advances, il y aurait plus de 5.600 milliards de tonnes d’hydrogène géologique sous nos pieds. Cela représente 26 fois la quantité de pétrole connue se trouvant dans le sous-sol…
Les auteurs de l’étude, Geoffrey Ellis et Sarah Gelman, préviennent que « la grande majorité de cet hydrogène est probablement impossible à récupérer ». Il se trouve probablement à des profondeurs trop importantes sous la croute terrestre ou enfoui sous les océans. Bon nombre de réservoirs naturels sont aussi probablement trop petits pour être exploités d’une façon économiquement rentable.
Mais il suffirait d’être capable d’aller chercher seulement 2% de la quantité estimée se trouvant sous nos pieds, environ 112 milliards de tonnes, « pour satisfaire la demande mondiale d’hydrogène bas carbone permettant d’atteindre pendant des centaines d’années l’objectif de zéro net émissions de gaz à effet de serre », explique Geoffrey Ellis. Il n’y aurait même pas besoin de le stocker comme celui qui est fabriqué. Il suffirait d’aller chercher dans les gisements sous terrains la quantité qui est nécessaire.
Des découvertes récentes de « gisements » ont tout changé
Pour estimer la quantité d’hydrogène présente sous la croute terrestre, les chercheurs ont utilisé un modèle qui tient compte de la vitesse à laquelle le gaz est produit naturellement sous terre, de la quantité susceptible d’être piégée dans des réservoirs et de la quantité perdue dans l’atmosphère.
L’hydrogène géologique est fabriqué à la suite de réactions chimiques dans les roches. Mais jusqu’à récemment, les géologues pensaient que les quantités produites étaient faibles et que cette molécule très légère s’échappait facilement dans l’atmosphère et ensuite dans l’espace et n’était pas piégée sous la surface de la Terre. La découverte de « gisements » d’hydrogène en Lorraine, en Albanie et en Afrique a tout changé. L’hydrogène s’accumule dans des réservoirs sous nos pieds et dans des quantités peut-être considérables…
Maintenant, il faut rester prudents par rapport aux premières estimations des chercheurs de l’United States Geological Survey. Ils reconnaissent eux-mêmes que les résultats de leur étude théorique sont incertains. Selon leur modèle, il pourrait y avoir entre mille milliards et 10 mille milliards de tonnes d’hydrogène dans le sol, même si l’hypothèse statistiquement la plus vraisemblable est d’après eux celle de 5.600 milliards de tonnes. Geoffrey Ellis reconnait « avoir été surpris de constater que les résultats étaient plus importants que ce que je pensais au départ… Mais la conclusion est qu’il y en a beaucoup en bas… ».