La navigation à voile existe depuis des temps immémoriaux. Elle a permis le développement de civilisations maritimes depuis 3.000 ans. A partir de la Renaissance, elle a porté les grandes découvertes, et la mondialisation des échanges qui en a découlé. Mais au XIXe siècle, elle a été supplantée par les navires propulsés par des hélices et des moteurs. Ces derniers fonctionnaient d’abord avec des machines à vapeur et sont passés aux moteurs diesel au cours du XXe siècle.
L’idée de revenir à la voile est apparue depuis quelques années avec la nécessité de trouver des solutions opérationnelles pour réduire les émissions polluantes, notamment de soufre, et celles de gaz à effet de serre de la marine marchande. Les initiatives se multiplient ainsi depuis quelques années plus ou moins sérieuses mêlant nostalgie, communication et ingéniosité technique. Le problème de fond est que les routes maritimes ne suivent plus les vents dominants. Cela signifie qu’en l’état actuel des choses, l’utilisation du vent pour déplacer les navires marchands ne peut être que marginale. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas y recourir au moins de façon ponctuelle en utilisant des technologies nouvelles.
Une altitude opérationnelle de 150 mètres
Telle est l’idée développée depuis 2016 par la start-up toulousaine Airseas, une «spin-off» d’Airbus. Elle a utilisé l’expertise aéronautique de ces fondateurs pour créer Seawing, une aile-voile, qui permet en théorie de faire économiser 20% de carburant aux cargos. Ce qui est considérable.
L’aile Seawing exploite de façon optimale la puissance du vent, grâce à une altitude opérationnelle supérieure à 150 mètres qui lui permet de bénéficier d’un vent stable et puissant. Elle bénéficie également de capacités de vol dites dynamiques lui donnant une puissance de traction pouvant aller jusqu’à 100 tonnes. Seawing peut ainsi tirer des navires de plus de 200.000 tonnes. La voile a été encore testée il y a quelques semaines à Sarzeau (Morbihan) à la pointe de Penvins.
«Nous avons testé l’aile de 250 m2, une taille intermédiaire dans notre gamme qui s’étendra jusqu’à 500 m2 à la fin de l’année» a expliqué à Ouest-France Vincent Bernatets, le Pdg d’Airseas. À Penvins, nous avons plus particulièrement vérifié deux phases critiques: le déploiement de l’aile et son décollage».
Un contrat avec l’armateur japonais K Line
Airseas doit procéder à d’autres expérimentations en Méditerranée et à l’installation d’ailes sur des navires d’ici la fin de l’année. L’objectif commercial très ambitieux est d’équiper un jour 15% de la flotte de commerce maritime mondiale. L’entreprise doit déménager dans les prochains mois à Nantes où elle disposera d’un site de production de 5.000 m2.
La technologie Airseas a déjà des adeptes. L’entreprise a signé un contrat il y a deux ans avec l’armateur japonais Kawasaki Kisen Kaisha (K Line), qui possède la 5ème flotte mondiale. Il s’agit d’équiper 50 vraquiers, des navires très importants de 250 à 300 mètres utilisés pour transporter des marchandises en vrac comme par exemple des céréales entre l’Australie etle Japon. L’autorisation d’utiliser cette technologie leur a été donnée par les autorités maritimes l’été dernier. Airseas doit maintenant installer des ailes de 1.000 m2 sur les navirons de K Line. Le premier prototype pourrait fonctionner à la fin de l’année.