<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le marché de l’électricité en France : surproduction, prix trop élevés et demande atone

26 novembre 2024

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Le marché de l’électricité en France : surproduction, prix trop élevés et demande atone

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La France se félicite de battre des records historiques d’exportation d’électricité. Elle a tort. Car cela est la conséquence d’un marché dysfonctionnel marqué par une surproduction record, des prix qui restent pourtant trop élevés et en conséquence une demande atone. Difficile dans ses conditions de réussir la transition énergétique qui passe par l’électrification des usages. Il faut totalement repenser le système des heures pleines et des heures creuses pour l’adapter à la réalité de la production et de la consommation du pays.

Le débat énergétique en France est souvent réduit à un affrontement entre « pro ». Avec les « pro nucléaire » d’un côté et les « pro » renouvelables de l’autre. Mais les uns et les autres commettent la même erreur. Ils mettent l’accent uniquement sur les capacités de production ce qui s’apparente à une véritable hémiplégie sur les sujets touchant à l’énergie. On pense à construire des moyens de production, sans se préoccuper de savoir s’il y a des clients, de savoir quelles sont leurs habitudes de consommation ou de penser qu’ils n’habitent pas dans une centrale ou une éolienne et que donc le réseau est aussi stratégique que les capacités de production en elles même.

Le résultat de cet aveuglement est problématique. La crise de 2022 marquée par des risques de pénuries d’électricité, du fait d’un parc nucléaire affecté par une série de problèmes de maintenance, étant désormais loin derrière nous, le pays se retrouve dans une situation ubuesque. Il fait face à une surproduction électrique majeure qui se traduit par un record mondial d’exportation que la France détenait déjà mais qui tenait depuis plus de 20 ans. Cette surproduction, qui a pour effet de rendre encore plus difficile l’amortissement des équipements, s’accompagne aussi de prix de l’électricité qui ne baissent pas (assez) et en conséquence d’une demande qui reste atone.

Des solutions simples et faciles à mettre en œuvre

Pourtant, les solutions à ses difficultés existent et sont simples et relativement faciles à mettre en œuvre. Depuis les années 1960, la question des modes de vie – on consomme plus dans la journée que la nuit – a été source de problèmes de stabilité du réseau électrique et a poussé EDF à mettre en place le système devenu célèbre et populaire des heures pleines et des heures creuses. Son principe est simplissime. L’électricité coûte moins cher la nuit afin d’inciter les consommateurs à décaler certains de leurs usages (lave-vaisselle, machine à laver le linge, chauffe-eau) pour réduire le besoin « en pointe » (ici en journée) et l’augmenter la nuit pour couvrir la production.

En 1990, l’énergéticien va encore plus loin en proposant l’offre Tempo. Elle enrichit le système des heures pleines et heures creuses en proposant trois types différents de jours (bleus, blancs, et rouges) en fonction de la tension sur le réseau. Les heures creuses en jour bleu sont ainsi extrêmement peu chères, quand l’heure pleine en rouge (21 jours par an) se retrouve elle à un prix prohibitif pour inciter à ne pas consommer ces jours-là. Le système d’ajustement de la demande intègre ainsi une dose de thermosensibilité. Le réseau électrique français est impacté par la saison froide du fait du poids de l’électrique dans le chauffage des bâtiments et des logements. Les trois types de tarification en fonction des jours bleus, blancs et rouges permettent ainsi dans une certaine mesure de limiter la pointe de consommation les jours les plus froids.

Modifier les heures pleines et les heures creuses

Mais ces solutions ne sont plus du tout adaptées aujourd’hui à la production et la consommation électrique du pays. Le développement des renouvelables et notamment du photovoltaïque, qu’il soit en injection sur le réseau ou en autoconsommation, change profondément la donne. En injection sur le réseau, il offre un pic de production entre 10 heures et 16 heurs, en heure pleines. En autoconsommation, il réduit d’autant les besoins sur cette même période.

Résultat. Du photovoltaïque obligé d’écrêter (réduire sa production), du nucléaire obligé de moduler, et des « rampes » de demande (augmentation rapide de la demande) de plus en plus violentes au coucher du soleil. Le stockage pourrait être une solution. Mais il coûte très cher et ne peut pas être mené à grande échelle à moins de multiplier les investissements dans les STEPs (Stations de transfert d’énergie par pompage) ou de produire massivement de l’hydrogène vert par électrolyse. Bref, ce n’est pas pour demain. Et surtout, le pilotage de la demande fournit le même service, rapidement et pour beaucoup moins cher.

Recommandations et consultations

RTE (le Réseau de transport d’électricité) vient ainsi de publier un ensemble de recommandations pour adapter son réseau à son nouvel environnement. La plus importante est de modifier les plages d’heures creuses. Créer des heures creuse l’été en cœur de journée, quand il y a beaucoup de soleil, permettrait d’inciter les consommateurs à déplacer une partie de leurs usages afin de réduire le gap entre production et consommation.

Il faut également améliorer le pilotage de la consommation dans les logements. La technologie offre beaucoup de possibilités. Les têtes thermostatiques connectées permettent d’affiner la température par pièce (quand les premiers thermostats n’avaient qu’une maille à l’échelle du logement), sèche-serviettes connectés, chauffe-eau connecté, borne de recharge de véhicule électrique… Aujourd’hui, seuls 3% des logements sont équipés de systèmes de gestion domestique de l’énergie (HEMS). L’objectif de 17% à horizon 2030 permettrait un gain estimé à 3,8 GW sur la pointe du soir, tout en augmentant d’un peu plus de 4 GW la consommation en heures creuses.

Des évolutions qui sont de pur bon sens. On ne peut que s’étonner qu’il faille autant de « consultations » et de « recommandations » pour les mettre en œuvre dans un pays devenu réfractaire à tout changement.

Phillipe Thomazo

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