Autant l’ex-patron de Stellantis, Carlos Tavares, avait dans le passé été publiquement critique de la stratégie européenne qui consiste à imposer coûte que coûte une transition rapide vers la motorisation électrique des véhicules, autant Luca de Meo, le patron de Renault, avait été bien plus prudent. Comme d’ailleurs la plupart des grands industriels qui ont même rivalisé un temps, à de rares exceptions près, de déclarations définitives sur le succès foudroyant et l’avenir radieux des voitures électriques. Seuls les patrons de BMW, Oliver Zipse et de Toyota, Akio Toyoda, avaient osé s’opposer à la pensée dominante. Cela leur avait valu les condamnations des analystes boursiers et des journalistes et les moqueries…
Mais les choses ont changé depuis quelques mois au moins pour Luca de Meo depuis notamment qu’il a pris l’an dernier la présidence tournante du syndicat des constructeurs européens (ACEA). Il est alors devenu le porte-parole d’une industrie qui pendant des décennies, sur le plan économique et technologique, était extrêmement compétitive voire même dominante et qui du fait des choix technologiques et réglementaires imposés au cours des dernières années par les dirigeants politiques a aujourd’hui un avenir sombre. Elle multiplie les annonces de fermetures d’usines. Tout simplement parce qu’elle est dominée par ses concurrents chinois et par l’Américain Tesla et parce que la majorité des consommateurs est toujours très loin d’être convaincue par les véhicules électriques.
Un amoncellement sans fin de réglementations et de normes
La prise de conscience des dirigeants de l’automobile est bien tardive. Ainsi, Luca de Meo, dans un entretien accordé au journal flamand De Tijd (L’Echo), livre un diagnostic très sombre sur l’avenir des véhicules électriques et des constructeurs européens. Tandis que bon nombre d’experts et de commentateurs, les mêmes qui annonçaient la marche triomphale de la motorisation électrique, parient maintenant sur une baisse rapide du coût des batteries et des véhicules, grâce à des technologies plus performantes, le directeur général de Renault annonce au contraire… une augmentation de 40% des coûts de production. Et tout cela du fait notamment d’une litanie invraisemblable de mesures contraignantes et de normes imposées dans les prochaines années par la législation et la technocratie européennes…
La cohérence et la responsabilité n’ont jamais été les points forts de la Commission européenne. Mais dans le domaine de l’automobile, on atteint des sommets. Non seulement, elle impose d’ici 2035 la disparition des motorisations thermiques sur les véhicules neufs, mais elle édicte depuis plusieurs années une avalanche de mesures contraignantes qui contraignent des constructeurs déjà affaiblis à des investissements considérables et réduisent encore leur capacité à faire face à la concurrence.
Rejet des consommateurs et retard grandissant sur les constructeurs chinois
Dans l’entretien à De Tijd, Luca de Meo cite les huit à douze nouvelles réglementations qui seront imposées… chaque année jusqu’en 2030 à des constructeurs déjà très mal en point. Il estime qu’ils seront contraints dans les cinq prochaines années de consacrer au moins un quart de leurs budgets de Recherche et Développement à se plier aux exigences de la Commission.
Non seulement, cela va se traduire par une poursuite des difficultés commerciales et financières de bon nombre de constructeurs, par leur incapacité à trouver des investisseurs intéressés par l’automobile, mais contribuer aussi au rejet par une grande majorité des consommateurs de la motorisation électrique. Car la principale raison pour laquelle ils se refusent à passer l’électrique tient au prix des véhicules. Et la petite voiture électrique accessible comme son équivalent thermique n’est pas pour demain.
Luca de Meo conclut sur le fait que les Chinois ont au moins dix ans d’avance en matière technologique et industrielle et possèdent une arme fatale qui est le contrôle de toute la chaîne d’approvisionnement et de traitement des métaux et matières premières indispensables à la fabrication des batteries. Un désastre.