La chasse aux passoires thermiques a maintenant réellement commencé en France. Ce n’est pas vraiment la première fois qu’un gouvernement promet une accélération spectaculaire des programmes de rénovation énergétique des bâtiments. Mais en mêlant depuis une décennie action sociale et écologie, en laissant la machine bureaucratique en roue libre avec une multiplication d’acteurs, de textes et de normes, les pouvoirs publics n’ont pas fait le moindre progrès mesurable. Jusqu’à aujourd’hui, les promesses n’ont jamais été tenues et se sont noyées dans la limitation des budgets ou la complexité. Cette fois, les incitations changent de nature. On est passé de la carotte au bâton.
Une pression forte sur les propriétaires de 17% du parc de résidences principales
Car avec pas moins de 44% de la consommation finale d’énergie et 27% des émissions de gaz à effet de serre du pays, le secteur du bâtiment (résidentiel et non résidentiel) doit être une priorité absolue de la transition. Ainsi, depuis le 24 août, les propriétaires de logements à étiquette énergétique F et G ne peuvent plus augmenter leurs loyers. Ce sont les pires notes du classement dont l’obtention est maintenant obligatoire pour la mise en vente ou en location d’un bien immobilier, qu’il soit nu ou meublé. En cas de prolongation du bail de location, ou de changement de locataire, le bailleur n’est plus autorisé à augmenter le montant de son loyer, à moins d’avoir réalisé des travaux de rénovation. Dans ce cas, il faudra a minima avoir atteint la note E.
Il s’agit de la toute première étape d’une série de restrictions au cours des prochaines années pour inciter les propriétaires à rénover leurs biens ou les retirer tout simplement du marché de la location et même de la vente. Et elle n’est pas anecdotique. Les étiquettes F et G du diagnostic de performance énergétique (DPE) correspondent à des logements consommant plus de 330 kilowattheures au mètre carré par an ou émettant plus de 70 kg d’équivalent CO2 au mètre carré par an. Cela représente tout de même 5,2 millions de logements, soit 17% du parc de résidences principales en France. En comptant les résidences secondaires et les logements vacants, on passe à 7,2 millions. Environ 1,6 million de ces logements seraient en location.
Un risque sur l’offre de logements
«Aujourd’hui, on ne peut pas laisser vivre des gens dans des passoires thermiques et ne pas agir en leur faveur», a déclaré le ministre délégué au Logement, Olivier Klein, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. «Et agir en leur faveur, c’est bloquer, à partir du 24 août les loyers, pour que les locataires soient protégés et que les propriétaires soient encore plus invités à mener les travaux nécessaires», poursuit le ministre.
Reste que l’impact s’annonce limité. Parce que peu de propriétaires vont engager des dépenses importantes de rénovation énergétique à la suite d’un blocage des loyers même s’ils peuvent bénéficier d’aides comme MaPrimeRénov’. Parce qu’il est difficile de faire des travaux importants dans un logement occupé. Et parce que pour des logements aujourd’hui classés F et G les loyers sont en général assez faibles ce qui permet difficilement de rentabiliser les travaux même en cas de possibilité de les augmenter.
Le ministre prend aussi un autre risque, celui de réduire encore l’offre et la construction de logements dans un pays qui en manque cruellement. D’autant plus que de nouvelles restrictions entreront en vigueur au fil des prochaines années pour augmenter les contraintes des propriétaires de logements dont le DPE est mauvais.
De nouvelles restrictions en 2025, 2028 et 2034
Dans cinq mois, à partir du 1er janvier 2023, les pires passoires thermiques, qui consomment plus de 450 kilowattheures par an au mètre carré (soit environ 500.000 logements), seront purement et simplement interdites à la location. Une mesure qui s’appliquera à partir de 2025 aux logements classés G (7% du parc actuellement), puis les F en 2028 (10% parc) et les E en 2034 (22% du pars).
L’ambition publique est de faire que la totalité du parc immobilier français soit transformé en «bâtiments basse consommation» d’ici à 2050, ce qui correspond à peu près aux catégories A et B actuelles. Elles ne représentent aujourd’hui que 2 et 3% du parc respectivement ce qui donne une idée de l’ampleur du chantier à réaliser et des investissements à engager dans un pays qui ne remplit jamais ses objectifs de construction et dépense des dizaines de milliards d’euros par an, souvent en pure perte, pour soutenir le secteur du logement.