L’effondrement des prix du lithium en 2023 n’est pas du tout une bonne nouvelle. Sur le moment, il a un impact favorable sur les prix des batteries, mais à terme il pourrait créer de sérieux problèmes à la transition vers les véhicules à motorisations électriques à batteries. Après avoir atteint un sommet historique de plus de 86.000 dollars par tonne en novembre 2002, les cours du lithium sont retombés autour de 13.000 dollars la tonne. Une chute de 85% !
Le lithium est sans doute le plus emblématique des fameux matériaux critiques indispensables à la transition énergétique et plus particulièrement à la fabrication des batteries. Il en faut 15 kilos dans une batterie lithium-ion de 400 kilos d’une technologie classique qui équipe un véhicule électrique moyen. Et pour obtenir cette quantité, il faut traiter 10 tonnes de saumure de lithium…
Une situation « intenable »
Les groupes miniers ont fortement accéléré la production de lithium en 2022 et le marché est ainsi passé d’un déficit de l’offre en 2022 à un excédent en 2023. L’excès d’offre a été d’autant plus important que l’année dernière a été marquée par le ralentissement de la croissance des ventes de véhicules électriques en Chine par rapport aux années précédentes. Une tempête s’est abattue sur le marché mondial du lithium : une offre soudain trop abondante et une demande en baisse inattendue. La banque Goldman Sachs estime aujourd’hui à 200.000 tonnes le surplus de lithium sur le marché, 17% de la demande annuelle, ce qui nécessite « des réductions substantielles de l’offre » pour équilibrer le marché.
Paradoxalement, tandis que la totalité des experts prévoit une forte augmentation de la demande à moyen et long terme de lithium à mesure que la transition énergétique va accélérer (l’Agence internationale de l’énergie s’attend même à des pénuries d’ici 2025), la faiblesse actuelle des prix est « intenable », affirme Kent Masters, Pdg du groupe minier américain Albemarle, premier producteur au monde de ce métal. « Nous pensons que les prix actuels ne sont pas viables. Ils sont inférieurs aux coûts d’exploitation de certaines mines en activité et sont très inférieurs aux niveaux de réinvestissement ».
Un métal qui n’est pas rare mais difficile et coûteux à exploiter
Le groupe Albermarle a annoncé en janvier qu’il repoussait des projets de développement, réduisait ses investissements, reportait certaines dépenses et prévoyait des suppressions d’emplois afin « d’optimiser sa structure de coûts en réponse à l’évolution des conditions du marché final, en particulier dans la chaîne de valeur du lithium ».
Le lithium, le métal le plus léger existant, n’est pas vraiment rare. Mais son exploitation est très exigeante. Parce que ce métal est très réactif au contact de l’air, il n’existe que quand il est enfermé et protégé dans une gangue d’autres matériaux. Ainsi, il est enfoui profondément dans la croûte terrestre. Cela signifie que pour l’extraire, il faut des mines importantes dont l’exploitation est coûteuse et qui nécessitent des investissements de long terme. Ce que les acteurs actuels ne sont plus capables de faire.
Des opportunités aussi
Albermarle n’est pas un cas particulier. Le groupe minier australien spécialisé dans le lithium Pilbara Minerals a averti qu’il était peu probable qu’il puisse verser un dividende pour le semestre se terminant le 31 décembre 2023 afin de préserver sa trésorerie. Plusieurs groupes miniers chinois ont également mis en garde au cours des dernières semaines contre une chute de leurs bénéfices et des dépréciations potentielles d’actifs. En Chine, les stocks invendus de batteries lithium-ion représenteraient plus de 200 GWh selon le cabinet Wood Mackenzie.
Cela dit, certains groupes chinois voient dans la situation actuelle des opportunités à saisir. Le producteur chinois Ganfeng Lithium a décidé de doubler ses achats de concentré de spodumène – un minerai dont on peut extraire du lithium – au cours des trois prochaines années à Pilbara Minerals.