Le gouvernement s’est piégé lui-même. Il s’est engagé, quoi qu’il en coûte, à limiter à 4% cette année la hausse des tarifs réglementés de l’électricité pour les particuliers. Cela concerne 70% des ménages. Mais la mesure est extrêmement difficile à mettre en place et va coûter une fortune au budget de l’Etat. Fin septembre, le Premier ministre Jean Castex avait annoncé «un bouclier tarifaire» sur l’énergie pour protéger les Français d’une envolée historique des prix du gaz et de l’électricité en Europe. Une conséquence notamment d’une politique énergétique européenne irréaliste et mal planifiée. Le problème est que depuis l’annonce du gouvernement, les prix n’ont cessé de continuer à augmenter sans qu’il puisse revenir sur sa parole. Pas à quelques mois d’un scrutin présidentiel…
Que de mauvaises solutions
«On va tenir cet engagement. L’augmentation de l’électricité sera maintenu à 4% comme ça a été annoncé», a encore confirmé cette semaine la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Son ministère n’avait pas vraiment mesuré en septembre le risque d’une poursuite de l’envolée des prix de l’énergie… Car le gouvernement comptait à l’origine sur une baisse de fiscalité pour arriver à contenir le tarif mais cela ne suffira plus.
Le gouvernement a déjà baissé la taxe sur la consommation d’électricité (CSPE ou TICFE), «au plus bas de ce qui est possible au titre des règles européennes», a expliqué le ministre de l’Economie Bruno Le Mair. Mais cela ne couvre que «jusqu’à 16 ou 17% d’augmentation du prix de l’électricité». La hausse des prix de gros de l’électricité est aujourd’hui proche de 40%, d’où la nécessité de trouver un autre moyen pour réduire la facture. Et il n’y a que de mauvaises solutions.
La solution la plus simple consisterait à reporter les hausses en 2023… La Commission de régulation de l’énergie (CRE) propose chaque année l’évolution des tarifs réglementés au gouvernement, sur la base de formules qui prennent en compte de nombreux facteurs, reflétant l’évolution des coûts. Le gouvernement pourrait se contenter de passer outre à cette proposition, mais cela se traduirait alors par un rattrapage automatique des tarifs l’année suivante. «Je ne voudrais pas que le fait qu’on maintienne les prix en 2022 entraîne des augmentations en 2023», a indiqué Barbara Pompili.
Mais la CRE a une autre «solution» qui consiste à modifier la manière dont elle calcule le tarif. Elle doit normalement prendre en compte dans ses calculs les cours de l’électricité sur un certain nombre de jours de décembre. Or ils ont fortement augmenté à la mi-décembre après l’annonce par EDF de l’indisponibilité de certains réacteurs nucléaires. Elle envisage donc de ne pas tenir compte de certaines journées postérieures à cette annonce, ce qui limiterait ainsi la hausse des tarifs.
Tordre le bras une nouvelle fois à EDF
L’autre mesure envisagée consiste à augmenter le volume d’électricité nucléaire vendue à bas prix (42 euros du MWh au lieu de quelque 250 euros sur le marché actuellement) par EDF à ses concurrents dans le cadre du mécanisme absurde baptisé Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique)… inventé par l’administration française.
Le volume de cette vente massive d’électricité à prix bradés pour créer une concurrence artificielle a été fixé à 100 térawatt heures. Les fournisseurs alternatifs qui doivent distribuer plus d’électricité que leur quota alloué par EDF doivent aller l’acheter à prix d’or sur le marché de gros. Le gouvernement envisage donc de relever ce plafond de l’Arenh pour que les fournisseurs disposent de plus d’électricité bon marché à prix fixe, quitte à rémunérer un peu plus EDF. Mais cette solution se heurte à de nombreux problèmes et une sérieuse opposition. Il faut l’accord de Bruxelles, ce qui est loin d’être garantie et EDF est très réticent, qui est dans une situation financière devenue précaire à force de brader sa production. Les élus du Comité social et économique central d’EDF ne veulent pas entendre parler d’une augmentation du plafond de l’Arenh. Son secrétaire a qualifié cette semaine de «poison» ce dispositif responsable, au moins en partie, de l’endettement d’EDF qui dépasse largement 50 milliards d’euros.
«Je pense que d’ici la fin de la semaine, nous aurons la solution technique pour protéger et les Français et les entreprises» a annoncé lundi Bruno Le Maire. Une seule certitude, protéger les Français va coûter cher aux contribuables… français. Le gouvernement pensait initialement débourser 4 milliards d’euros. Le coût final pour le budget de l’Etat pourrait largement dépasser les 8 milliards. Mais le pouvoir d’achat étant devenu l’un des thèmes principaux de la campagne pour l’élection présidentielle, le gouvernement n’a pas le choix.
Et il doit aussi tenter de soutenir l’industrie qui ne bénéficie pas, elle, de tarifs réglementés. Plusieurs activités très dépendantes de l’électricité, comme la fabrication d’aluminium et la métallurgie, sont aujourd’hui menacées.