Les arbres sont des éléments importants de notre paysage urbain. Avec plus de 50% de la population mondiale vivant en ville, il serait inimaginable de se passer des nombreux services écosystémiques (les bénéfices aux résidents) qu’ils nous rendent.
Nous en avons bien eu la preuve dans les mois précédents lorsque les mesures sanitaires étaient des plus restrictives: les parcs urbains ont vu leur taux de fréquentation s’accentuer de façon faramineuse. Et ce n’est pas le fruit du hasard! La présence d’arbres a pour effet de favoriser la santé physique et mentale des individus, et c’est entre autres ce qui peut expliquer le fait que les citadins ont senti le besoin de se retrouver dans des espaces verdoyants.
De plus, les arbres que nous côtoyons chaque jour sur les terrains privés, dans les rues ou dans les parcs fournissent une multitude de bienfaits pour l’environnement et la régulation du climat, incluant l’atténuation de bruit en ville, la captation du carbone, et la contribution à l’infiltration plus lente de l’eau dans les sols.
Bien que l’ensemble du patrimoine arboré d’une ville joue un rôle sur la qualité et la quantité des services écosystémiques rendus, les arbres à l’échelle individuelle n’ont pas tous les mêmes caractéristiques, et donc n’ont pas tous la même capacité à livrer des services écosystémiques. Il est alors pertinent de se demander quels arbres sont les plus efficaces dans la livraison de ces bénéfices, pourquoi, et quelles pratiques d’aménagement permettraient de les favoriser.
Nous sommes membres de la Chaire de recherche sur l’arbre urbain et son milieu de l’Université Laval, qui a pour objectif de trouver des solutions pour aider la survie à long terme des arbres dans les milieux urbains.
Les bienfaits des grands arbres sont infiniment supérieurs?
De façon générale, les arbres de grande taille ont une meilleure capacité à stocker du carbone (donc, à capter le carbone de l’air pour réduire le CO2 dans l’atmosphère), à diminuer la pollution atmosphérique, et permettent d’éviter plus efficacement le ruissellement des eaux pluviales. En effet, les arbres ayant un diamètre de tronc plus grand ont une plus grande biomasse ligneuse (quantité de bois), ce qui leur permet de stocker davantage de carbone que les plus petits arbres. De la même manière, l’interception des précipitations et des polluants atmosphériques augmenterait avec la plus grande taille de la canopée (les cimes des arbres dominants) et la surface foliaire totale (surface totale de toutes les feuilles) associée à une plus grande taille. Les grands arbres sont donc généralement plus efficaces que les plus petits pour fournir ces services de régulation, indispensables en milieu urbain et surtout dans un contexte de changements climatiques.
L’inclusion d’essences d’arbres de grande taille dans les plantations amène également des avantages non négligeables sur le plan économique. Une étude relate que le bénéfice net annuel de la plantation d’essences d’arbres de grande taille est de 44 % supérieur à celui d’une essence d’arbre de taille moyenne, et de 92% supérieur à celui d’un arbre de petite essence. De plus, selon cette même étude, il faudrait moins de cinq ans à partir du moment où l’arbre est planté pour que les avantages nets de ces arbres l’emportent sur les coûts nets. Ceci peut être expliqué notamment par le fait que les arbres de grande taille ont pour effet d’augmenter les prix de l’immobilier et les valeurs foncières des terrains où ils se trouvent, en plus de réduire les coûts énergétiques liés au chauffage et à la climatisation à travers la régulation du microclimat.
Toutefois, les espaces aériens ou souterrains disponibles en milieu urbain ne permettent pas toujours l’emploi d’arbres à grand déploiement. Dans ces conditions, des arbres de plus petites tailles peuvent aussi apporter une contribution intéressante.
Aménager les forêts urbaines de façon optimale
Tel que mentionné plus tôt, les arbres de grande taille jouent un rôle capital dans la livraison de services écosystémiques. Mais la capacité à livrer ces services est conditionnelle à une chose: les arbres doivent être en bon état! Ceux qui sont en mauvais état auront une moins grande capacité à fournir des services écosystémiques, puisque les mauvaises conditions entravent la croissance, ralentissent la séquestration du carbone et peuvent également conduire à un dépérissement de la canopée.
En milieu urbain, il n’est pas rare de constater des milieux hostiles qui pourraient faire obstacle à la croissance et au bon développement des arbres. Le manque d’espace pour le système racinaire, la compaction du sol, l’humidité limitée du sol, l’emploi de sels de déglaçage et la pollution de l’air représentent des défis pour la survie de jeunes plantations. De ce fait, plusieurs pratiques d’aménagement favorables à la croissance et au développement des arbres existent. En voici quelques exemples :
- Choisir le bon arbre au bon endroit. Certaines essences d’arbres seront plus adaptées à certains climats, ou plus tolérantes que d’autres à des quantités limitées d’espace, par exemple. Plusieurs guides pour dicter les choix de plantation en fonction des caractéristiques du milieu existent.
- Éviter un élagage trop fréquent des grands arbres qui aurait pour effet de diminuer significativement la surface foliaire et la biomasse ligneuse des individus. Une des clés pour réduire le besoin d’élagage est notamment de choisir une espèce d’arbre adaptée à un endroit donné.
- Reconnaître officiellement la valeur des services écosystémiques rendus par les grands arbres pour introduire des politiques qui soutiendraient la conservation de ceux-ci.
Favoriser la diversité des espèces
Même s’il a été souligné que les arbres de grande taille étaient généralement plus efficaces que les plus petits pour générer certains services écosystémiques, dans un contexte où le climat est changeant et où la résilience des forêts est primordiale, il importe de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier et de ne pas uniquement planter des essences d’arbres à grand déploiement.
D’ailleurs, à l’échelle d’une forêt, les caractéristiques qui sont corrélées positivement avec la production de services écosystémiques sont notamment l’hétérogénéité verticale (le nombre de strates de la végétation, en allant des herbacées aux arbres dominants) et la richesse en espèces arbustives, qui est le nombre de différentes espèces présentes.
Finalement, ce qu’il faut surtout retenir, c’est que les grands arbres sont extrêmement importants, et que nous sommes gagnants à déployer des efforts pour la préservation de ceux-ci. De plus, la plantation d’essences d’arbres de grande taille devrait être encouragée, puisqu’on remarque souvent dans les villes une tendance à planter des essences de petite envergure. Ainsi, des actions concrètes peuvent être posées dès aujourd’hui pour tirer profit au maximum des arbres urbains maintenant et à long terme.
Il n’en tient qu’à nous de les appliquer!
Alison Munson Écologie forestière, écologie urbaine, sols urbains, Université Laval
Anaïs Paré Professionnelle de recherche pour la Chaire de recherche sur l’arbre urbain et son milieu (CRAUM) de l’Université Laval, Université Laval
Cet article est republié à partir de The Conversation Canada sous licence Creative Commons. Lire l’article original sur The Conversation.