Depuis le site de fabrication des turbines à vapeur nucléaires Arabelle, redevenues françaises depuis quelques heures, Emmanuel Macron a présenté jeudi 10 février sa stratégie ambitieuse de transition énergétique d’ici 2050. Il lui aura fallu près de 5 ans pour la définir et un revirement total sur l’énergie nucléaire qu’il n’avait cessé d’affaiblir Pour le chef de l’Etat, mener la transition énergétique est le «chantier du siècle… La sortie du pétrole et du gaz à horizon de 30 ans implique que nous remplacions une part de notre consommation d’énergie fossile par de l’électricité», a analysé le président de la République. Et de l’électricité décarbonée. «Nos voitures essence et diesel seront progressivement remplacées par des véhicules hybrides et électriques» et «les chaudières au fioul par des pompes à chaleurs… Le monde de demain sera plus électrique.»
«Nous devrons être en mesure de produire jusqu’à 60% d’électricité de plus qu’aujourd’hui et donc, quand bien même nous allons réduire notre consommation, nous devons réussir les innovations et les changements évoqués parce que nous allons vers une électrification de toutes nos pratiques, nos manières de produire, de nous déplacer et de transporter l’énergie. Nous aurons besoin de produire beaucoup plus d’électricité et la clé pour produire cette électricité la plus décarbonée, la plus sûre, la plus souveraine, est justement, d’avoir une stratégie plurielle. »
«Le temps de la renaissance nucléaire»
Pour parvenir à produite de l’électricité décarbonée en quantité suffisante et avec une production sûre, stable avec des coûts maîtrisés, les réponses sont à la fois nucléaires et renouvelables. Car «nous voyons la fragilité de notre modèle économique lorsque nous sommes dépendants des autres pour produire notre énergie».
«Nous n’avons d’autre choix que de miser en même temps sur ces deux piliers [le nucléaire et les énergies renouvelables].C’est le choix le plus pertinent d’un point de vue écologique et le plus opportun d’un point de vue économique. Enfin, le moins coûteux d’un point de vue financier», a affirmé le Président. «Oui, le temps de la renaissance nucléaire est là».
14 nouveaux EPR et une prolongation de vie au-delà de 50 ans des réacteurs nucléaires en service
Emmanuel Macron a ainsi annoncé la construction de six nouveaux EPR améliorés, baptisés EPR 2, et le lancement d’une étude pour la construction de huit autres réacteurs de ce type. «Une large concertation du public aura lieu au second semestre 2022», a indiqué le chef de l’État, ainsi que des discussions parlementaires en 2023. Après sa réélection… Le début du chantier est prévu pour 2028, pour une mise en service du premier réacteur à l’horizon 2035. EDF propose de les construire par paires sur trois sites: d’abord à Penly (Seine-Maritime), près de Dieppe, puis à Gravelines (Nord) et enfin à Bugey (Ain) ou Tricastin (Drôme).
Autre annonce forte sur le nucléaire, la prolongation des réacteurs existants «qui peuvent l’être, sans rien céder à la sûreté». «Je souhaite qu’aucun réacteur nucléaire en état de produire ne soit fermé à l’avenir, sauf si des raisons de sûreté s’imposaient», a-t-il affirmé. Comme l’aveu d’un regret d’avoir fait fermer les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim parfaitement opérationnels. Emmanuel Macron a précisé avoir demandé à EDF «d’étudier les conditions de prolongation au-delà de 50 ans».
Les nouveaux EPR seront complétés par de petits réacteurs modulables (SMR) et des réacteurs «innovants» produisant moins de déchets, c’est-à-dire des réacteurs à neutrons rapides de quatrième génération, avec l’objectif de «25 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires d’ici 2050», a annoncé Emmanuel Macron. Encore un paradoxe, car la recherche française sur les réacteurs de quatrième génération, le projet Astrid, a été abandonné en catimini sur décision de l’Elysée à l’été 2019…
Une cinquantaine de parc éolien marins et dix fois plus de production solaire
Pour ce qui est des renouvelables, Emmanuel Macron a annoncé l’objectif de doter la France d’une cinquantaine de parcs éoliens en mer pour «viser 40 gigawatts en service en 2050… Dès cette année, nous mettrons en activité le premier parc éolien en mer, au large de Saint-Nazaire. Mais, là aussi, ce que nous avons commencé de faire, c’est de recréer et déployer une filière industrielle française: les usines du Havre, de Saint-Nazaire, de Cherbourg permettront de fournir tous les équipements nécessaires et nous allons continuer de développer l’emploi industriel et les investissements pour que ces choix forts de l’éolien en mer soient accompagnés de créations d’emplois partout sur notre territoire.»
Le chef de l’Etat compte aussi multiplier par deux la capacité de l’éolien terrestre. Pour y parvenir, Emmanuel Macron a annoncé «la levée des barrières réglementaires tant que les projets sont acceptés localement». Il a dit «comprendre les réticences» liées aux installations éoliennes terrestres, car «personne ne souhaite voir [les] paysages remarquables [de la France] ou [les] sites classés abîmés par des grandes pales blanches».
Enfin, priorité sera aussi donnée au solaire, «car moins cher et qui s’intègre mieux dans le paysage». «Nous multiplierons par dix la capacité du solaire d’ici 2050 pour dépasser 100 gigawatts… en veillant à un juste équilibre entre les installations en toiture et celles aux sols».
Une critique des projets écologistes
Il a répondu aussi par anticipation aux critiques à venir des écologistes. «À ceux qui disent que nous n’aurions pas besoin de nucléaire: imagine-t-on une France où il y aura d’ici 30 ans 40.000 éoliennes au lieu de 8.000 aujourd’hui et 90 parcs éoliens offshore quand notre pays a mis 10 ans pour en faire un, imagine-t-on une France totalement dépendante en termes d’énergie intermittente et devant réimporter une énergie décarbonée?»
Sur le nucléaire comme les renouvelables, Emmanuel Macron a enfin mis en avant les besoins en main-d’œuvre qualifié et les opportunités industrielles. «Ce sont des filières d’avenir dans lesquelles nous formerons davantage et créerons des emplois car ces filières sont au cœur de la stratégie de la nation».