<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le match voiture électrique à batteries contre voiture électrique à hydrogène

18 avril 2020

Temps de lecture : 14 minutes
Photo : Batteries contre pile à combustible
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Le match voiture électrique à batteries contre voiture électrique à hydrogène

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Article paru dans le N°3 du magazine Transitions & Energies.

Quels sont les atouts et les faiblesses des voitures électriques à batterie et des voitures électriques à hydrogène et à pile à combustible?

  1. La conception des véhicules. Comparer un véhicule à batteries et un véhicule à hydrogène revient en fait à tester deux véhicules à moteurs électriques. Cela signifie que la façon de conduire, les sensations, la présence instantanée du couple moteur, sont très semblables. La différence provient de la façon dont est fourni l’électricité aux moteurs. Dans le cas du véhicule à batteries, elle est stockée dans une batterie qu’il faut recharger à intervalles réguliers. Dans le cas du véhicule électrique à hydrogène, il fabrique sa propre électricité via une pile à combustible qui transforme avec l’aide de l’oxygène de l’air l’hydrogène stocké dans son réservoir en électricité pour alimenter les moteurs. Il faut à intervalles réguliers remplir ce réservoir.

Un véhicule à hydrogène présente des attraits indéniables : zéro émission de CO2 en fonctionnement comme l’électrique à batteries mais une recharge nettement plus rapide (similaire à un plein d’essence) et une autonomie en général bien plus grande. Pour autant, les débuts de cette technologie sont lents et timides. Il y a très peu de véhicules en circulation, quelques milliers dans le monde, très peu de modèles à la vente et ils sont très chers (72 000 euros minimum). Il y a très peu de stations permettant la recharge, peu de production d’hydrogène vert (sans émissions de CO2) et le coût du carburant est élevé, comparable pour les mêmes distances à celui de l’essence.

En revanche, les véhicules électriques à batteries sont déjà des millions sur les routes dans le monde, tous les grands constructeurs automobiles développent des gammes, les infrastructures pour les recharger sont encore très insuffisantes, mais se développent rapidement. L’Allemagne veut construire un million de bornes d’ici à 2030. Les véhicules électriques à batteries restent chers à l’achat, mais l’offre est diversifiée et les prix réels (subventions comprises) vont maintenant de 24 000 à 180 000 euros.

Ces véhicules ont tout de même des handicaps sérieux. Le fait notamment qu’ils obligent à un changement radical d’usage. Il faut prévoir par avance où et quand les recharger. Leur autonomie, même si elle progresse, reste assez limitée et dépend grandement des conditions de circulation et des éléments extérieurs (température, chauffage, climatisation, montagne…). Les infrastructures sont très insuffisantes et encore plus celles permettant une recharge rapide.

 

  1. Les émissions de CO2. La question fondamentale, justifiant l’existence de ces véhicules, est celle de leur impact environnemental. Contrairement à une idée fausse, on ne peut pas dire qu’ils n’émettent pas de gaz à effet de serre et même qu’ils sont systématiquement « meilleurs pour la planète » que des véhicules thermiques. Comme toujours dans le domaine de l’énergie, la réalité est plus complexe.

S’il ne sort pas de CO2 des tuyaux d’échappements des véhicules à batteries et à pile à combustible, leurs processus de fabrication émettent du CO2, en grande quantité pour les batteries, et les conditions de production de l’électricité et de l’hydrogène pour les recharger ont un impact considérable sur leurs émissions. De l’électricité provenant d’une centrale à charbon et de l’hydrogène fabriqué par le processus de «réformage » du méthane réduisent considérablement les avantages des véhicules électriques.

Le problème des véhicules à batterie est d’abord celui du coût élevé en terme de CO2 de la fabrication et du recyclage des centaines de kilos de batteries lithium-ion qu’ils embarquent. Une voiture électrique nécessite de ce fait trois à quatre fois plus d’énergie qu’une voiture à essence pour être fabriquée. La fabrication d’une batterie pour une Tesla modèle 3 se traduit par l’émission de 15 tonnes de CO2 qui tiennent notamment à l’extraction, souvent à l’autre bout de la planète, du lithium, du cobalt et du manganèse indispensables aux cellules lithium-ion.

Fabriquer une batterie puissance de 100 kWh revient à émettre dans l’atmosphère environ 20 tonnes de CO2. Cette batterie aura une durée de vie de 250 000 kilomètres, ce qui représentera 80 grammes de CO2 émis au kilomètre par le véhicule l’utilisant. Et ce n’est pas tout. Il faut prendre en compte le coût, en CO2, de l’électricité produite pour la recharger et parcourir les 250 000 kilomètres.

Si cette électricité provient d’éoliennes, de panneaux solaires, de barrages hydroélectriques et de centrales nucléaires émettant peu de CO2, il y aura quelques grammes de plus au kilomètre parcouru. Si l’électricité provient de centrales à charbon ou même à gaz, il faudra ajouter des dizaines de grammes de CO2 par kilomètre.

Dans certains cas extrêmes, le véhicule électrique à batteries ne devient jamais au cours de sa vie moins émetteur de CO2 qu’un véhicule thermique. C’est notamment le calcul effectué dans les conditions de la production électrique allemande, dont une partie importante (46 % sur les neuf premiers mois de l’année) provient du charbon, du lignite et du pétrole, par l’ancien président de l’Institut de recherche économique Ifo de Munich, Hans-Werner Sinn, et le professeur de physique, Christoph Buchal de Cologne. Ils ont comparé les émissions de CO2 de deux voitures de même gamme (une Tesla Model 3 avec une batterie de 75 kWh et une Mercedes C 220 d) et sont arrivés à la conclusion qu’en Allemagne, la voiture électrique émet 11 à 28 % de CO2 supplémentaire par kilomètre tout au long de sa vie.

Dans les détails, MM. Buchal, Hans-Dieter Karl et Hans- Werner Sinn ont calculé que sur dix ans et avec un kilométrage annuel de 15 000 kilomètres, la Tesla Model 3 émet 73 à 98 grammes de CO2 par kilomètre. À cela s’ajoutent les émissions de CO2 liées à la production électrique allemande qui font monter les émissions entre 156 et 181 grammes de CO2 par kilomètre, nettement plus que la Mercedes C 220d.

En France, où l’électricité provient à plus de 91% de sources émettant très peu de CO2 (nucléaire, hydraulique, éolien, solaire), les émissions d’une voiture électrique à batteries sont bien plus réduites.

Pour ce qui est du véhicule à hydrogène, il a aussi une batterie, de plus petite dimension, dont la fabrication et le recyclage émettent des gaz à effet de serre. Mais son problème principal est celui de l’origine de l’hydrogène. S’il est vert et a été fabriqué par électrolyse avec de l’électricité émettant peu de CO2, la filière est alors presque totalement décarbonée. Si l’hydrogène provient d’hydrocarbures, par l’opération dite de «réformage», la fabrication d’une tonne d’hydrogène revient alors à émettre 11 tonnes de CO2. Autant dire que l’intérêt environnemental est alors totalement inexistant. Selon plusieurs calculs, une Toyota Mirai alimentée par de l’hydrogène «sale» émet environ 120 grammes de CO2 par kilomètre au cours de son existence.

 

  1. L’efficacité énergétique. Il se pose aussi le problème, essentiellement pour l’hydrogène vert, de l’efficacité énergétique. C’est-à-dire de la déperdition d’énergie au cours du processus. Car il y a une double transformation. Fabriquer de l’hydrogène consomme de l’électricité et de l’eau et il faut ensuite transformer cet hydrogène en électricité.

Une étude réalisée par le cabinet Horváth & Partners compare l’efficacité énergétique des deux technologies. Pour les modèles à batterie, « seulement 8 % de l’énergie est perdue pendant le transport » avant stockage dans les packs. Ensuite « 18 % sont perdus » dans la conversion en amont de l’alimentation du moteur. Soit « un niveau d’efficacité compris entre 70 et 80 % ». Il n’est que de « 25 à 35 % » pour l’hydrogène avec déjà « 45 % de perte lors de la production d’hydrogène par électrolys. Sur les 55 % restants, 55 % sont perdus lorsque l’hydrogène est converti en électricité dans le véhicule ».

 

  1. L’autonomie. L’autonomie des véhicules à batteries dépend évidemment de la puissance de leurs batteries, le composant le plus coûteux de la voiture, de celle de leurs moteurs et de leur mode d’utilisation qui a un impact considérable. L’autoroute à vitesse soutenue, les basses températures et la montagne ne leur conviennent pas.

L’autonomie des voitures à hydrogène dépend, elle, de la capacité de leur réservoir sous pression. Pour l’hydrogène, en gros, un kilo correspond à 100 kilomètres.

Une Hyundai Nexo que nous avons essayé (voir p. 37) a un réservoir de 6,33 kilos d’hydrogène (à une pression de 750 bars) et une autonomie théorique de 666 kilomètres qui est assez proche de celle de la voiture à batteries Tesla Model S, la meilleure de la catégorie avec une autonomie théorique de 600 kilomètres, plus proche dans la vie réelle et selon plusieurs essais de 450 kilomètres. Le magazine Autocar a testé précisément l’autonomie de la Nexo et l’a mesuré à 660 kilomètres.

En moyenne, les véhicules à batteries ont entre 200 et 350 kilomètres d’autonomie théorique et ceux à hydrogène de 500 kilomètres. Mais ces chiffres sont assez peu fiables, surtout pour les batteries.

L’Argus a ainsi testé l’autonomie du dernier modèle de DS, la DS3 Crossback E-Tense, sur deux types de parcours, autoroutier et routier. Sans surprise et comme toutes les voitures électriques, elle n’apprécie pas les allures soutenues continues. L’autonomie théorique d’une DS3 Crossback E-Tense est de 320 kilomètres. L’Argus est parti avec une batterie chargée à 92 % et avait « consommé » les deux tiers de l’énergie au bout de 100 kilomètres. Sur autoroute et à 130 kilomètres heure, dans les conditions de cet essai, l’autonomie de la DS3 est de 161 kilomètres… Sur un parcours sur des voies secondaires et à allure nettement moins soutenue, l’autonomie remonte, toujours selon l’Argus, à 272 kilomètres.

La DS3 n’est pas un cas particulier. L’Argus a fait également l’essai du dernier modèle de la Zoe de Renault, par temps relativement froid (4 ou 5 °C) et sur autoroute à 130 kilomètres heure. L’autonomie homologuée de ce véhicule est de 386 kilomètres. Rechargée à 90 %, la batterie donnait une autonomie théorique de 307 kilomètres. Après 108 kilomètres parcourus sur autoroute, l’autonomie potentielle restante était inférieure à 80 kilomètres…

 

  1. La facilité d’utilisation. Un obstacle majeur au passage au véhicule à batteries est d’ordre psychologique. Le conducteur doit s’adapter à un écosystème et à un mode d’utilisation qui n’ont rien à voir avec la voiture à moteur thermique. C’est aussi un des principaux atouts, en théorie, du véhicule à pile à combustible. Il ne change pas le mode d’utilisation avec passage à la pompe et autonomie relativement confortable. À condition, de trouver des stations…

Quand vous achetez une voiture thermique, vous vous en servez comme tous les conducteurs le font depuis un siècle. Vous roulez pendant plusieurs centaines de kilomètres avant de refaire le plein. Quand vous avez besoin de carburant, vous allez à une station-service. Il y en a partout. Quand vous achetez une voiture électrique à batteries, vous devez vous demander: quelle est son autonomie, puis-je la charger à la maison, au travail ou entre les deux ? Comment adapter cette utilisation à mon mode de vie ?

Le conducteur d’un véhicule électrique doit renoncer à avoir les mêmes attentes qu’avec une voiture thermique. Certains changements ont des avantages. Vous pouvez recharger votre voiture chez vous le soir quand vous dormez. Mais quand vous quittez votre maison, ne pas savoir où et parfois même comment (à quelle vitesse) vous allez recharger le véhicule introduit de nouvelles incertitudes à la conduite. Si vous chargez votre voiture au travail et qu’un de vos enfants tombe malade et que vous devez l’emmener voir le médecin sans passer sur votre lieu de travail, cela peut, par exemple, devenir compliqué.

 

  1. L’offre existante. Les constructeurs ont investi des dizaines de milliards d’euros dans la transition vers les véhicules électriques et multiplient depuis plusieurs mois les annonces de sorties de nouveaux modèles. L’offre de véhicules électriques explose. Il est impossible de citer tous les modèles. Tesla, Renault, Nissan, BMW, Audi, Mercedes, Peugeot, Citroën, DS, Opel, Volkswagen, Jaguar, Hyundai, Kia, Porsche… en proposent.

En revanche, l’offre de véhicules à hydrogène est extrêmement limitée. Il y a en fait seulement deux modèles disponibles, la Toyota Mirai dont la nouvelle version, très élégante, sort en 2020 et la Hyundai Nexo mise sur le marché fin 2018.

L’offre devrait fortement se développer au cours des prochaines années. La Chine a annoncé en mars un plan visant à mettre sur les routes deux millions de véhicules à pile à combustible d’ici à 2030. La Californie veut avoir un million de voitures à hydrogène en 2030 sur les 15 millions en circulation. Le sud-coréen Hyundai investit 7 milliards de dollars dans les voitures à hydrogène et compte en produire 500 000 par an d’ici à 2030. Toyota, pionnier de l’hydrogène, a des ambitions encore plus grande et Mercedes a commencé la production de son gLC F-Cell.

 

  1. Les coûts d’achat et d’usage. À l’achat, les véhicules à batteries comme ceux à hydrogène restent chers. Mais il existe aujourd’hui dans le domaine des véhicules à batterie une offre large et des gammes distinctes. Elles vont, hors aides et TTC, de la Zoe de Renault à 23 900 euros (plus la location mensuelle des batteries au minimum de 74 euros) à la Leaf de Nissan à 43.700 euros en passant par la DS3 E-tense à 46 200 euros, la Tesla S à 84 800 euros, la Tesla 3 à 59 000 euros, la Jaguar I-Pace à 78 380 euros, la Audi E-Tron 55 Quattro à 83 880 euros et la Porsche Taycan Turbo S à 189 152 euros.

En revanche, le prix de la recharge est faible. La consommation en kilowatts heure/100 km est au moins quatre fois moins chère que celle en carburant d’une voiture à moteur thermique. Le « plein » d’une Zoe en heures creuses revient à 7,50 euros. L’accès aux bornes va de la gratuité (recharge à domicile, bornes publiques…) à une dépense modique (abonnement annuel cartes Pass, de 10 à 20 euros.) Il faut y ajouter pour un particulier, l’éventuel coût (de 500 à 1 000 euros) d’installation à son domicile d’une alimentation plus puissante dédiée. Sinon, la recharge sur une prise classique peut durer dix heures, voire plus.

L’entretien est aussi plus simple et moins coûteux que celui des véhicules thermiques. Un moteur électrique n’a quasiment pas de refroidissement, pas de fluides divers, d’éléments d’usure et peu de pièces en mouvement. Les autres éléments (chassis, freinage, suspension, direction, pneumatiques…) sont globalement les mêmes que pour les véhicules classiques, l’entretien est toutefois moindre, ces organes sont moins sollicités par une conduite plus coulée.

Les voitures à hydrogène sont aussi très coûteuses et l’offre très limitée. La Hyundai Nexo (hors aide et TTC) est affichée à 72 000 euros et la Toyota Mirai à 78 900 euros. Le plein d’un réservoir offrant une autonomie de 600 kilomètres coûte environ 60 euros, l’équivalent d’une consommation de huit litres au 100 kilomètres avec un véhicule thermique à essence. L’entretien est aussi bon marché que celui du véhicule à batteries, les moteurs étant identiques et la pile à combustible s’usant peu.

 

  1. Les infrastructures, bornes et stations. L’utilisation de ces véhicules dépend de l’existence d’infrastructures permettant leur utilisation. Les voitures électriques à batteries ont besoin de bornes de recharge rapides et puissantes en grand nombre, publiques et privées, et les véhicules à hydrogène ont besoin d’un quadrillage du territoire avec des stations-service pour remplir leurs réservoirs avec de l’hydrogène gazeux sous pression.

À peine 381 stations pour véhicules de ce type étaient opérationnelles dans le monde fin 2018, contre plus de 5,2 millions de points de recharge pour des véhicules à batterie lithium-ion, selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie.

Si les infrastructures de recharge des batteries sont insuffisantes mais se développent rapidement avec des engagements dans certains pays comme l’Allemagne de se doter d’un million de bornes d’ici 2030, pour ce qui est de l’hydrogène, les infrastructures sont aujourd’hui quasiment inexistantes.

L’avantage des bornes électriques est notamment qu’on peut les déployer progressivement et les rendre de plus en plus performantes, tandis que les pompes à hydrogène sont très chères à installer au départ (entre 1 et 2 millions d’euros par station). Mais elles sont, en revanche, nettement plus efficaces : une seule pompe équivaut à 600 bornes électriques. Les temps de recharge sont de l’ordre de trois à cinq minutes. Si bien que le déploiement de la voiture à batterie se heurtera sans doute un jour à une limite, tant le nombre de bornes nécessaires sera important. Par ailleurs, un supercharger, permettant de recharger un véhicule à batteries en moins d’une heure à 80 %, coûte 100 000 euros par poste de recharge. Il nécessite en outre des liaisons à hautes capacités avec le réseau électrique.

Les réseaux de stations hydrogène sont aujourd’hui, au mieux, embryonnaires. Il faudra attendre plusieurs années avant qu’ils commencent à quadriller les territoires. Mais ils devraient bénéficier d’aides massives de certains États. Au Japon, le gouvernement couvre d’ores et déjà la moitié des frais d’installation des pompes à hydrogène. La Californie qui vise un million de véhicules électriques à hydrogène à l’horizon 2030 entend les alimenter par 1 000 stations contre 50 aujourd’hui.

Si elle possède la moitié du parc mondial de véhicules électriques à batteries, la Chine fait aussi le pari de l’hydrogène et y investi des milliards de dollars. Elle projette d’avoir deux millions de véhicules à hydrogène en service d’ici à 2030. C’est également une priorité nationale au Japon et en Corée du Sud. Le Japon ambitionne de construire près de 10 000 stations à hydrogène sur son sol au cours des dix prochaines années.

  1. Le coût pour la collectivité. Le coût pour la collectivité des véhicules électriques à batteries ou à hydrogène est particulièrement difficile à mesurer. Il doit prendre en compte à la fois les investissements, les subventions, les pertes ou les gains d’emplois, la préservation et le développement d’un outil industriel et les questions d’indépendance et de souveraineté sur les technologies utilisées.

Une étude réalisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), publiée en mars 2019, conclut que « le coût de la décarbonation du parc automobile français tel qu’envisagé serait, avec toutes les précautions d’usage, de l’ordre de 500 milliards d’euros sur vingt ans ».

La perte de recettes fiscales provenant des carburants est potentiellement très importante. La TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) est la quatrième source de rentrées fiscales en France à plus de 33 milliards d’euros en 2018. Dans un rapport intitulé « Taxer les véhicules, le carburant et l’utilisation des routes », l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) préconise une autre méthode de taxation de l’automobiliste. Fini les taxes sur les carburants, les recettes fiscales se feraient sur l’utilisation des routes et via les péages urbains.

Pour les finances publiques, l’hydrogène présente théoriquement des avantages. C’est un carburant qu’on peut taxer à la pompe. En terme d’emplois, l’hydrogène est aussi probablement une meilleure proposition, car si les batteries lithiumion sont aujourd’hui presque toutes fabriquées en Asie, l’hydrogène est produit localement. En matière de piles à combustibles, l’Europe est également en meilleure posture qu’avec les batteries avec des fabricants comme le français Symbio et l’allemand Proton Motor.

  1. La maturité des technologies. L’avenir de la mobilité sur les routes appartient aux véhicules à moteurs électriques. Ils représentent la seule alternative existante aux moteurs thermiques utilisateurs de carburants fossiles et émetteurs de gaz à effet de serre. Il reste à savoir comment le marché se répartira au fil du temps entre batteries et hydrogène.

Indéniablement, les véhicules à batteries ont aujourd’hui l’avantage. Leur technologie est plus mature, plus facilement accessible et des moyens bien plus importants ont été consacrés depuis des années à leurs développements, leurs fabrications et aux infrastructures dédiées. Même si elle présente encore de sérieux inconvénients, le coût de cette technologie reste encore trop élevé. Cela réserve ainsi ce type de véhicules aux flottes d’entreprises et à la classe moyenne aisée.

Selon une étude réalisée par Auto Plus en novembre 2019, le particulier qui en France a acheté un véhicule électrique à batteries est avant tout un homme (à 85 %), âgé de 56 ans en moyenne, dont 71 % vivant en milieu urbain et dont le foyer possède au moins un deuxième véhicule.

Jusqu’en 2025-2030, selon une étude récente de Volkswagen, seuls les modèles à batteries peuvent être fabriqués à grande échelle et peuvent disposer d’un réseau de recharge satisfaisant. Par ailleurs, la production massive de véhicules et de batteries devrait permettre de faire baisser leurs prix et d’augmenter dans le même temps leurs performances, notamment l’autonomie.

L’hydrogène n’en est pas à ce stade de développement. Ces coûts sont plus élevés que ceux de l’électrique à batteries. L’offre et les infrastructures ont un retard de plusieurs années sur le combler. D’autant plus que l’hydrogène offre des atouts uniques. Il est bien mieux adapté aux usages intensifs et aux véhicules lourds (camions, bus) qui n’ont pas à emporter et à recharger des tonnes de batteries. Mais son avantage principal est d’ordre psychologique, il ne change pas le mode d’utilisation des véhicules.

La réponse finale se trouve entre les mains des consommateurs et des gouvernements. Jusqu’à aujourd’hui, les véhicules électriques à batteries ne se vendent en nombre que dans les pays offrant des subventions importantes pour compenser leurs limitations et les réticences des acheteurs. La demande de véhicules électriques a reculé de 16 % en août en Chine, le premier marché mondial, car les subventions ont considérablement baissé. Comme l’expliquait Ola Kallenius, le président de Daimler Mercedes-Benz, au Salon automobile de Francfort en septembre dernier, «la demande ne se décrète pas ».

Eric Leser

 

Hyundai Nexo

Hyundai Nexo

Au volant de la Nexo de Hyundai qui a battu le record d’autonomie

 Nous avons eu l’occasion, à Transitions & Energies, de prendre en mains un véhicule à hydrogène. Il s’agit du Nexo, un SUV conçu par le sud-coréen Hyundai exclusivement pour la propulsion électrique par hydrogène et pile à combustible.

Hyundai a tout particulièrement soigné l’aérodynamique de ce véhicule de près de 4,70 mètres et pesant plus de 1,8 tonne. Cela lui permet d’afficher un Cx de 0,33, de consommer relativement et d’afficher ainsi une autonomie nettement supérieure à 600 kilomètres pour bien souligner sa différence avec les véhicules électriques à batteries. C’est à bord de cette même Nexo de série que l’explorateur suisse Bertrand Piccard a battu, le 26 novembre, le record du monde d’autonomie d’un véhicule à hydrogène. Il a parcouru 778 kilomètres avec un seul plein des réservoirs et il restait encore une autonomie théorique de 49 kilomètres…

À l’arrière, se trouvent sous la banquette et le plancher du coffre trois réservoirs en fibre de carbone d’une capacité totale de 6,33 kg (soit 156,6 l) d’hydrogène stocké à une pression de 700 bars. Les 440 cellules de la pile à combustible, logée sous le capot au-dessus du moteur électrique, prennent en charge, par électrolyse, la mise en contact de l’hydrogène et de l’oxygène de l’air afin de produire l’électricité qui fait fonctionner le moteur. Celle-ci est envoyée à une batterie tampon puis au moteur électrique. La puissance de cette pile à combustible s’élève au total à 95 kW ou 163 chevaux. Il ne s’agit pas d’une voiture conçue pour les performances, mais les 395 nm de couple, disponibles à tout moment puisqu’il s’agit d’un moteur électrique, permettent des accélérations franches dans le trafic.

La voiture est spacieuse, facile à utiliser, très silencieuse, en quelque sorte aseptisée. Elle est aussi confortable. Le compromis de réglage des suspensions ménage les occupant tout en étant suffisamment rigide pour autoriser une tenue de route et de cap rassurantes. Il y a peu de roulis dans les virages. La finition est soignée. Les fonctionnalités électroniques sont très nombreuses, la console centrale massive et un brin futuriste entend illustrer le niveau de la technologie embarquée au point d’être littéralement couverte de boutons.

Seuls certains plastiques peu qualitatifs détonnent pour un véhicule de petite série vendu 72 000 euros. Il s’agit après cette première impression au volant d’un excellent compromis, aussi facile à conduire que n’importe quelle voiture électrique mais sans l’angoisse de l’autonomie et de la borne de recharge à trouver. Pourtant, pour qu’une telle voiture à hydrogène devienne un jour un achat raisonnable et raisonné, il faut que le réseau de station offrant des pompes à hydrogène se développe rapidement et quadrille le territoire et que les prix des véhicules baissent sérieusement.

E.L

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