Pour l’AIE, le Luxembourg doit investir massivement dans la transition

13 avril 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Luxembourg ville Wikimedia Commons
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Pour l’AIE, le Luxembourg doit investir massivement dans la transition

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Le Grand-Duché a une situation énergétique compliquée. Il importe l'essentiel de ce qu'il consomme et voit son bilan en matière d'émission dégradé par le «tourisme à la pompe» des Français, des Allemands et des Belges. Pour devenir exemplaire en matière de transition, il doit, comme le recommande l'AIE, investir massivement dans les renouvelables et la technologie.

Le Luxembourg veut devenir un modèle en matière de transition énergétique. Il annonce un programme ambitieux de baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 qu’il entend réduire de 50 à 55% en dix ans par rapport au niveau de 2005. Mais pour que la réalité corresponde au discours, le Grand-Duché va devoir investir massivement prévient l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un rapport publié il y a quelques jours.

Le cocktail énergétique du Luxembourg n’est pas très favorable aujourd’hui. Il se caractérise par la prédominance du pétrole qui représente 60% de la consommation nationale d’énergie primaire. La part de l’ensemble des énergies fossiles atteint 78%. Le pétrole assure les besoins des transports et une part importante de la demande de chaleur des bâtiments et des habitations.

L’impact du «tourisme à la pompe»

La consommation d’énergie a certes baissé au Luxembourg entre 2008 et 2015 mais elle a augmenté depuis, notamment à cause des transports routiers et plus particulièrement du fameux «tourisme à la pompe».  Les frontaliers, Français, Allemands et Belges, particuliers et entreprises, profitent de la situation géographique centrale du pays et viennent faire le plus souvent possible le plein de leurs véhicules dans les stations-service du Luxembourg. Ils bénéficient ainsi de prix à la pompe avantageux liés à des niveaux taxes comparativement peu élevés.

Cela explique pourquoi le Luxembourg avec ses 610.000 habitants compte pas moins de 234 stations-service dont plus de 60% sont installées à ses frontières… Et cela explique également pourquoi le transport représentait en 2017 pas moins de 54% de la demande en énergie. Le Grand-Duché se retrouve ainsi avec un bilan d’émissions de CO2 très défavorable. Le gouvernement luxembourgeois a donc décidé l’an dernier d’augmenter progressivement les taxes sur les carburants, ce dont se félicite l’AIE. Mais l’évolution ne peut être que progressive car si les émissions du pays proviennent à 44.5% de la vente de carburants au non résidents, environ 5% des recettes du pays proviennent des taxes prélevées sur les mêmes carburants.

Autre caractéristique propre au Luxembourg en matière d’énergie et également défavorable, le niveau très élevé de sa dépendance aux importations. Evidemment, la totalité des hydrocarbures est importée, mais aussi pas moins de 86% de l’électricité consommée.

Que ce soit la dépendance au pétrole et celle à l’électricité produite ailleurs en Europe, cette situation doit évoluer. D’autant plus que le Luxembourg connaît une croissance économique et démographique «robuste» selon le terme de l’AIE. Entre 2007 et 2017, sa population a augmenté de 24%, soit 120.000 habitants supplémentaires, et son Pib de 18%. Dans le même temps, la consommation d’énergie primaire a diminué de 7%, une évolution témoignant d’un «découplage entre la demande d’énergie et la croissance économique et démographique», dont se félicite également l’AIE. Les émissions de gaz à effet de serre ont également diminué de 21% entre 2005 et 2017. Mais le découplage a fonctionné jusqu’en 2015, plus ensuite.

Investissements massifs dans les renouvelables, les économies et la technologie

Pour tenir ses objectifs d’une baisse supérieure ou égale à 50% d’ici 2030, le Grand-Duché n’a plus le choix,  il lui faut accélérer fortement la transition, c’est-à-dire inciter fortement à utiliser des sources d’énergie propres et devenir moins dépendant des revenus fiscaux liés à la vente des carburants et à l’électricité produite en France, en Allemagne et en Belgique. Le Grand-Duché va ainsi se doter d’une taxe carbone à partir de 2021 sur les produits pétroliers et le gaz naturel. Le prix de départ est fixé 20 euros par tonne, «dans la moyenne des pays voisins», et des augmentations annuelles de 5 euros par tonne sont prévues en 2022 et 2023.

Tout cela doit se traduire par un développement des énergies renouvelables qui devraient assurer pas moins de 25% de la consommation d’énergie finale brute en 2030. Cela sera d’autant plus nécessaire que l’électrification dans les transports et le chauffage doit également s’accélérer. Le gouvernement prévoit ainsi «un déploiement constant de l’éolien, du solaire et des pompes à chaleur» grâce à un renforcement des aides à l’investissement et des subventions aux particuliers et aux entreprises. Le développement de renouvelables et l’accent mis sur les économies d’énergie devraient permettre de réduire la part des importations. Le Luxembourg travaille dans le même temps avec les pays voisins pour renforcer les interconnexions électriques et profite grandement de la production nucléaire française et belge tout en la rejetant par principe…

Les ambitions luxembourgeoises sont également grandes en matière de mobilité électrique avec pour objectif de disposer de «49% de voitures électriques dans le parc automobile d’ici 2030». Mais cela ne se fera pas sans un déploiement massif d’infrastructures de recharge et sans des subventions tout aussi massives compte tenu notamment du coût réduit des carburants fossiles dans le pays. Le Grand-Duché de Luxembourg a déjà pris des initiatives importantes et originales en rendant gratuits tous les trajets en transports publics sur son territoire depuis le 29 février 2020.

La place financière de la transition

Enfin, les investissements dans les réseaux et la technologie seront indispensables. Si le solaire photovoltaïque se développe aussi rapidement que prévu avec une production de près de 1,1 TWh en 2030 contre 108 GWh en 2017, le déploiement de «smart grids» ou réseaux intelligents sera indispensable pour intégrer des productions électriques intermittentes. Il faudra aussi déployer des solutions de stockage de l’électricité propre et une certaine flexibilité de la demande.

Le Luxembourg a d’autant plus de raison d’être exemplaire qu’il joue déjà et qu’il entend encore plus jouer à l’avenir un rôle de place financière majeure de la transition énergétique. La première obligation verte au monde a été cotée sur son marché en 2017 et il est devenu depuis «le leader européen dans cette catégorie d’actifs». Les moyens financiers d’investir dans la transition et l’innovation énergétique ne doivent donc pas manquer.

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