Bill Gates, ancien Pdg et cofondateur de Microsoft, deuxième fortune et premier philanthrope du monde, suscite à la fois haine et admiration. Il est ainsi devenu depuis plusieurs années le «grand Satan» de tous les complotistes, les antivaccins et autres extrémistes et écologistes radicaux. Bill Gates a par ailleurs deux obsessions, la santé, qui est l’objet de sa fondation Bill and Melinda Gates, et le climat. Dans son dernier livre paru il y a quelques jours «Climat: comment éviter un désastre», il dresse un constat assez précis de la situation et propose des solutions qui se veulent efficaces, réalistes et opérationnelles. Il met en avant ce qu’il estime être «les solutions actuelles et les innovations nécessaires» pour passer de 51 milliards de tonnes d’émissions de CO2 par an d’origine humaine à zéro en 2050.
Le zéro carbone n’est pas négociable
Il explique que le zéro carbone est tout simplement une nécessité. Parce que chaque molécule de gaz libérée dans l’atmosphère peut y rester très très longtemps. «Près d’un cinquième du dioxyde de carbone émis aujourd’hui sera encore là dans dix mille ans». L’accumulation des gaz à effet de serre étant à l’origine, au moins en partie, du réchauffement climatique, plus on s’arrêtera tôt d’en émettre, mieux l’humanité se portera.
L’intérêt du livre de Bill Gates est qu’il apporte des solutions qui vont au-delà des injonctions moralisatrices ou simplistes et des imprécations à l’efficacité souvent douteuse. Ce n’est pas en se donnant bonne conscience, en adoptant «les bons comportements pour la planète» et en investissant dans les renouvelables et les voitures électriques que le problème sera derrière nous. Bill Gates l’expose avec clarté.
Un message qui s’adresse notamment à l’Europe qui aime se bercer d’illusions. D’abord, parce qu’elle n’a qu’un impact limité sur les émissions planétaires de gaz à effet de serre dont elle représente moins de 10%. Ensuite, parce que l’Europe est la seule encore à croire qu’elle peut servir de modèle au reste du monde. Ainsi, la façon dont elle fait face depuis un an à la pandémie, en comparaison avec l’Asie par exemple, suffit à démontrer qu’elle n’a pas ou plus de leçons à donner. Enfin, si les éoliennes, les panneaux solaires et les voitures électriques sont évidemment utiles, ils ne sont qu’une partie, de la transition.
La décroissance, une fausse solution
Bill Gates évacue ainsi rapidement les mesures gadgets comme celles, par exemple, de la Convention Citoyenne sur le Climat, et une partie de l’idéologie écolo qui consiste à recycler le marxisme anticapitaliste en le mêlant plus ou moins habilement à la transition. Il montre que la décroissance ne mène nulle part pour la bonne et simple raison que 95% de la planète et 95% des opinions n’en veulent pas et plus encore parce qu’elle n’est pas une solution efficace. Le test en grandeur réelle de décroissance résultant de la pandémie de Covid-19 le démontre. Avec un million de morts et des dizaines de millions d’emplois supprimés, la baisse des émissions aura été de l’ordre de 5% en 2020. Elle sera effacée en 2021 et on ne peut tout simplement par répéter l’expérience de l’appauvrissement de 2020 pendant 15 ans d’affilée…
Pour Bill Gates, il faut avant tout repenser la façon dont nous produisons plus que la façon dont nous consommons. cela concerne aussi bien l’électricité que la nourriture, les transport et la façon de chauffer et refroidir les bâtiments. L’auteur consacre trois chapitres à décrire avec minutie les technologies dont nous disposons et celles qu’il nous faut développer impérativement. Le livre est ainsi un plaidoyer pour l’innovation. Car nous ne disposons pas aujourd’hui des technologies nécessaires à la transition dans les transports, la chaleur et l’industrie. Ces trois secteurs représentent plus des trois quarts de la consommation d’énergie.
Investir massivement et mettre fin à l’hypocrisie
Bill Gates insiste sur la nécessité de produire massivement et rapidement de l’électricité sans carbone y compris avec des centrales nucléaires notamment de nouvelles générations et des réacteurs de petite taille. Une forme d’énergie décarbonée que les écologistes rejettent pour des raisons en grande partie irrationnelles et purement idéologiques. Ces mouvements sont nés dans les années 1970 de la peur du nucléaire. Le livre insiste également sur le stockage indispensable de l’électricité décarbonée, la transformation des moyens de transports, de l’agriculture, de l’élevage, de la production de ciment… Les investissements dans la recherche et le développement sont essentiels. Ils devraient ainsi dans l’idéal quintupler au cours des 10 prochaines années.
Le livre s’en prend aussi au monde de l’entreprise et à son hypocrisie. Il a fait de la transition un élément essentiel… de sa communication. Il ne suffit pas de planter des arbres! Il indique trois axes au monde des affaires pour avoir un impact réel. Investir en priorité dans les technologies permettant de réduire le «green premium», ou «surcoût vert», c’est-à-dire la différence de coût entre une technologie avec peu d’émissions et son équivalent fortement carboné. Pour cela, les chefs d’entreprise vont devoir accepter de miser sur des technologies expérimentales. Et les investisseurs et actionnaires devront accepter une moindre rentabilité. Les entreprises doivent aussi jouer sur leur politique d’achats en donnant la priorité aux produits bas carbone. Elles réduiront comme cela leurs propres émissions et permettront de développer le marché pour ces nouvelles solutions. Enfin, les entreprises doivent investir plus massivement dans la recherche et le développement pour rendre viable et efficace les technologies bas carbone et faire pression sur les gouvernements pour qu’ils les accompagne.
Le livre se termine par un appel à un débat moins idéologique et moins partisan sur la question du changement climatique. «Il faut qu’il redevienne constructif et réfléchi, et surtout, qu’il se recentre sur des plans précis et réalistes pour atteindre le zéro». Vaste programme.