A en croire les travaux publiés le 20 mars dans la revue scientifique Environmental Research Letters par une équipe de chercheurs de l’université de Harvard, le potentiel de la géo-ingénierie solaire peut être considérable. Et cela même si cette technologie qui consiste à manipuler l’atmosphère pour lui faire réfléchir une plus grande partie du rayonnement solaire a un côté inquiétant voire apprenti sorcier.
Les techniques de la géo-ingénierie solaire consistent à augmenter le pouvoir réfléchissant du système climatique. Cela permet de refroidir les hautes couches de l’atmosphère pour compenser tout ou partie du réchauffement résultant de l’accumulation de gaz à effet de serre. La technologie la plus connue consiste, en théorie, à injecter des composés soufrés dans la stratosphère. Un peu à l’image de ce que font naturellement les éruptions volcaniques dont certaines ont provoqué dans l’histoire de mini-périodes glaciaires.
A la fois prometteur et dangereux
Voilà pour la théorie. Dans la pratique, les choses sont compliquées à la fois sur le plan politique et technique. D’un point de vue purement économique, la mise en place d’un tel dispositif semble relativement peu coûteuse. Mais il faut qu’elle soit constante. Pour modifier sur la durée les températures atmosphériques, l’épandage de particules doit se faire dans la durée. Si l’injection est de courte durée, comme lors d’une éruption volcanique, l’effet est également limité dans le temps.
Il existe par ailleurs un risque difficile à anticiper de fluctuations climatiques de plus grande ampleur que celles attendues dans certaines régions du monde. C’est là ou intervient la dernière étude publiée par The Keith Group de l’université de Harvard. Elle utilise un modèle climatique de dernière génération. Les simulations effectuées permettent d’avoir une représentation précise des effets des injections d’aérosols dans la stratosphère.
Parvenir à utiliser les aérosols «à la bonne dose»
«La plupart des études se concentrent sur un scénario où la géo-ingénierie solaire compense tout le réchauffement futur» explique Peter Irvine, le principal auteur de l’article de Environmental Research Letters «Bien que cela réduise considérablement le changement climatique mondial, nous montrons que dans ces simulations cela va trop loin à certains égards». Selon les chercheurs, dans ce scénario près de 10% de la superficie terrestre subirait des changements climatiques très importants.
«Cependant, si seulement la moitié du réchauffement est compensée, nous constatons que la géo-ingénierie (…) n’exacerbe les changements climatiques que sur 1,3% de la superficie terrestre» souligne Peter Irvine. «Nos résultats suggèrent que lorsqu’elle est utilisée à la bonne dose et en parallèle à la réduction des émissions de gaz à effet de serre la géo-ingénierie solaire peut alors être très utile pour gérer les impacts du changement climatique».
«Faut-il faire confiance aux modèles? Les incertitudes sont grandes et aucun résultat isolé n’est fiable. Mais cette étude est une étape vers une modélisation plus réaliste de l’injection d’aérosols et ses conséquences régionales» ajoute David Keith, co-auteur de l’étude.
Il explique aussi qu’il s’agit d’une technologie presque de dernier ressort. Elle vise avant tout à permettre de gagner du temps et à diminuer les symptômes du réchauffement pour se donner la possibilité de réduire suffisamment les émissions. Des arguments pour contrer l’hostilité viscérale des écologistes à la géo-ingénierie.