Il ne se passe plus une semaine sans que l’installation d’éoliennes fasse l’objet quelque part en France de contestations et de recours juridiques et administratifs qui souvent aboutissent. Il ne s’agit pas d’ailleurs d’un phénomène uniquement français. L’Allemagne, le pays des renouvelables, qui a installé sur son territoire trois fois plus d’éoliennes (près de 30.000) que la France (8.000) ne parvient plus à en implanter que quelques centaines par an face à une véritable révolte des populations locales.
Plus de 70% des projets éoliens font l’objet de recours
Ce qui a de frappant en France est que la contestation grandissante des projets éoliens s’inscrit dans l’opposition entre la France dite périphérique, qui les conteste, et celle des métropoles et plus particulièrement de Paris, qui les encourage. Et les deux camps se revendiquent de la défense de l’environnement. Les adversaires des éoliennes le font la plupart du temps au nom de la défense de la qualité de leur environnement immédiat, et les partisans des éoliennes le font au nom de l’écologie et de la nécessité d’avoir des sources d’énergie renouvelables émettant peu de gaz à effet de serre!
Aujourd’hui en France, au moins 70% des projets éoliens terrestres font l’objet de recours. «Les collectifs d’opposants apprennent petit à petit à se concerter, en dépassant les obstacles que sont l’éparpillement géographique des projets, la variété des acteurs industriels et la diversité des positions politiques et points de vue sur la question énergétique», écrit un témoignage publié par le site Reporterre.
Les objectifs de la PPE sont déjà compromis
Les freins qui existent aujourd’hui au développement de l’éolien rendent encore plus hypothétiques les objectifs fixés par la fameuse PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie 2023-2028), publiée en avril et qui prévoit de multiplier par 2,5 les capacités de production éoliennes terrestres d’ici 2028. Cette PPE est en fait un pur exercice théorique qui un peu plus de six mois après sa sortie est déjà en total décalage avec la réalité. Elle évoquait à peine, par exemple, la création d’une filière hydrogène.
Pour en revenir à l’éolien, la filière représente aujourd’hui la deuxième source de production électrique à partir d’énergies renouvelables, loin derrière l’hydraulique, avec une puissance raccordée théorique de 17 gigawatts. L’éolien fournit 8,7% de la consommation électrique française avec pour principal handicap d’être une production intermittente, quand il y a du vent, et aléatoire, presque impossible à anticiper. Les limites de l’éolien ont été encore soulignées par le fait qu’en septembre, le manque de vent en pleine période de maintenance des réacteurs centrales nucléaires et après la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim, a contraint à rallumer ses centrales du charbon. En quelque sorte, le modèle allemand qui a consisté depuis 20 ans à développer l’éolien et le solaire tout en abandonnant le nucléaire et s’est traduit par un recours massif aux centrales au charbon très polluantes.
3.000 éoliennes pour remplacer Fessenheim… de façon intermittente
Juste pour donner un ordre d’idée, il faut 3.000 éoliennes pour remplacer les deux réacteurs de Fessenheim qui émettent aussi peu de gaz à effet de serre que les éoliennes et ont nécessité beaucoup moins de béton et d’acier pour leur construction.
La possibilité de développer aujourd’hui rapidement l’éolien en France semble très limitée. Ce que reconnaissait le Président de la République au début de l’année début janvier. La limite est déjà géographique puisque 47% du territoire national ne peut recevoir de mâts. Terrains militaires, zones couvertes par des radars, proximité avec des bâtiments classés, respect de sites naturels classés, couloirs de migrations des oiseaux… Autre obstacle: celui lié cette fois à la hauteur des mâts qui est souvent limitée dans certaines zones pour réduire l’impact sur les paysages.
Les Français veulent bien des éoliennes… mais loin de chez eux
Enfin, ce qui est frappant est l’ambivalence de l’opinion à l’égard des éoliennes. Selon un sondage OpinionWay rendu public en février, près de 94% des Français sont «tout à fait» ou «plutôt» favorables au développement des renouvelables. Mais ils sont seulement 45% à être prêt à accepter «qu’un parc de 5 à 10 éoliennes soit installé à moins d’un kilomètre de chez elles». La réglementation fixe comme limite minimum 500 mètres. Ceux qui refusent évoquent le bruit comme principale raison. C’est une parfaite illustration du NIMBY paradoxe, acronyme de Not In My Backyard, («pas dans mon jardin»). Les partisans les plus fervents de la transition énergétique et des renouvelables, y compris des groupes écologistes, deviennent soudain des opposants farouches à de nouveaux équipements s’ils sont installés près de leur domicile.
L’énergie éolienne est incontestablement un élément de la transition énergétique. Mais sans doute un élément bien plus marginal que l’espéraient à la fois les lobbys éoliens et des administrations centrales coupées des réalités territoriales.