<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Jusqu’où peuvent monter les cours du baril de pétrole?

5 avril 2024

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Barils de pétrole wikimedia commons
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Jusqu’où peuvent monter les cours du baril de pétrole?

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Avec des risques grandissants d’escalade militaire au Moyen-Orient entre Israël et l’Iran, les attaques ukrainiennes répétées sur les installations pétrolières russes et le maintien de la stratégie du cartel élargi Opep+ de réduction de l’offre, la hausse des cours du pétrole pourrait bien se poursuivre. Au cours des cinq derniers mois, le baril a regagné plus de 25%. Le Brent, la référence européenne, a dépassé jeudi 4 avril 90 dollars et même atteint brièvement 91 dollars. Il pourrait bien franchir le seuil des 100 dollars d’autant plus que selon des informations de la presse américaine, la CIA a avertit Israël d'une attaque iranienne dans les 48 heures. Mais selon les analystes, il reste peu vraisemblable que les prix du pétrole aillent beaucoup plus loin que le niveau des 100 dollars compte tenu des conséquences que cela aurait sur la demande, qui baisserait, et sur l’offre, qui augmenterait.

Depuis maintenant 5 mois, les cours du pétrole sont repartis résolument à la hausse. Le baril de Brent, la référence européenne, a dépassé les 90 dollars jeudi 4 avril pour la première fois depuis octobre 2023 et même atteint brièvement 91 dollars et affiche une progression de 25% depuis décembre. Même tendance pour le WTI (West Texas Intermediate), la référence américaine, dont la hausse atteint 26% depuis décembre à près de 87 dollars.

Si cette tendance se poursuit, ce sera une mauvaise nouvelle pour les économies européennes en général et française en particulier menacées par la récession. Il ne faut pas perdre de vue l’importance du pétrole, de loin la plus importante source d’énergie qui assure encore aujourd’hui un tiers du mix énergétique mondial. Le pétrole a un impact considérable sur les anticipations d’inflation, la politique monétaire et les prix des actifs.

La demande est repartie à la hausse en Chine comme aux Etats-Unis

La remontée continue des prix du pétrole depuis 5 mois s’explique pour plusieurs raisons. D’abord, par les déclarations et les actes du cartel élargi Opep+ qui regroupe les 13 membres de l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) menée par l’Arabie Saoudite et leurs 10 alliés menés par la Russie. Cette semaine encore, à l’occasion d’une réunion technique rassemblant les différents ministres de l’Energie, l’organisation a réaffirmé sa stratégie de limitation de sa production au moins jusqu’à la fin du mois de juin pour soutenir les cours. Une stratégie qui fonctionne, mais seulement quand d’autres facteurs pèsent sur le marché. L’an dernier, la faiblesse de la demande et l’augmentation sensible de la production de pays n’appartenant pas au cartel comme les Etats-Unis, le Brésil ou le Guyana avaient entraîné une chute des cours. Mais depuis, la situation a changé.

Tout d’abord, la demande est repartie à la hausse aux Etats-Unis comme en Chine et cela devrait continuer dans les prochains mois. C’est ce qu’indiquent de bons chiffres de l’activité manufacturière aux Etats-Unis et les perspectives de baisse de ses taux d’intérêt par la Réserve fédérale américaine (Fed) et d’augmentation dans la foulée de la croissance et de la consommation. L’économie chinoise donne aussi des signes de redémarrage. En mars, l’activité manufacturière a atteint son plus haut niveau depuis treize mois et cela reflète une reprise à la fois des exportations et des ventes au détail.

Risques géopolitiques et menaces sur les approvisionnements

Du côté de l’offre, les risques géopolitiques peuvent créer des problèmes d’approvisionnement qu’il s’agisse d’une possible escalade au Moyen-Orient entre Israël et l’Iran ou en Europe des attaques ukrainiennes répétées contre les raffineries russes qui pourraient affecter la disponibilité de produits raffinés sur le marché mondial.

Reste à savoir jusqu’où peuvent monter les cours du baril. Une envolée au-delà de 100 dollars le baril est aujourd’hui une réelle possibilité. Fin mars, les attaques ukrainiennes ont temporairement réduit de 600.000 à 900.000 barils par jour la capacité des raffineries russes. Et au début de la semaine une frappe israélienne sur le complexe diplomatique iranien à Damas a tué deux hauts responsables de la Force Quds des Gardiens de la révolution. Selon des informations de la presse américaine, la CIA aurait même averti Israël d’une attaque de l’Iran dans les 48 heures. Que ce soit de nouveaux dommages infligés à des installations pétrolières russes – y compris les oléoducs et les terminaux d’exportation – ou une escalade régionale du conflit au Moyen-Orient, qui pourrait fortement perturber les expéditions de pétrole de la région, pourraient faire grimper rapidement les prix au-dessus de 100 dollars le baril.

Personne n’a vraiment intérêt à avoir des cours au-delà de 100 dollars le baril

Maintenant, pour que les cours se maintiennent ensuite durablement à un tel niveau dépend de l’équilibre entre l’offre et la demande. Le marché est aujourd’hui indéniablement tendu. D’un côté, une activité économique plus dynamique signifie que la demande augmente de 1,5 à 2 millions de barils par jour en glissement annuel. D’autre part, l’Opep+ reste discipliné et limite l’offre au point que les producteurs non Opep+ peinent aujourd’hui à augmenter leur production pour combler le déficit.

Mais si les cours dépassent le seuil des 100 dollars le baril, plusieurs facteurs vont alors peser sur l’offre et la demande pour limiter la hausse. Aux Etats-Unis, un baril de pétrole à 100 dollars se traduirait par un prix du gallon (3,7 litres) d’essence au-delà de 4 dollars contre environ 3,5 dollars aujourd’hui. Cela contribuera à une forme de destruction de la demande pendant l’été et la période des vacances comme cela s’était produit l’an dernier à la même époque. De la même façon, avec un baril devenu cher il est peu vraisemblable que la Chine continue à accumuler des réserves.

Du côté de la production, les Etats-Unis pourraient continuer à surprendre les observateurs. En 2022, ils pronostiquaient presque tous un déclin ou une stagnation de la production américaine compte tenu de la baisse du nombre de gisements de pétrole de schiste en exploitation. Résultat… en 2023 la production quotidienne moyenne de pétrole brut aux États-Unis a atteint le chiffre record de 12,9 millions de barils. Le précédent record de 12,3 millions de barils par jour remontait à 2019. Et la production continue à augmenter. En décembre, elle a dépassé le niveau sans précédent de 13,3 millions de barils par jour. Cela est notamment lié à des progrès techniques permanents qui permettent de sortir beaucoup plus de pétrole qu’attendu des vieux puits.

Réserves stratégiques

Les Etats-Unis peuvent aussi et toujours avoir recours à leurs réserves stratégiques pour faire baisser les prix du baril, surtout à l’approche de l’élection présidentielle de novembre. Même si les réserves ont été en partie vidées par des injections massives sur le marché en 2022 et toujours pas reconstituées, elles restent à des niveaux respectables. Les Etats-Unis peuvent facilement mettre sur le marché 100 millions de barils et être toujours capables d’avoir des réserves couvrant trois mois d’importations.

Enfin, il faut aussi prendre en compte les intérêts de l’Opep+ qui affirme sans cesse que son objectif est la stabilité des prix. Les principaux pays exportateurs de pétrole n’ont pas intérêt à voir la demande baisser avec des prix trop élevés et les consommateurs chercher plus intensément des alternatives à commencer par les véhicules électriques. L’Arabie Saoudite notamment a fait des efforts considérables en ramenant sa production quotidienne depuis plusieurs mois à 9,2 millions de barils par jour tout en ayant un quota au sein du cartel de 10,5 millions de barils quotidiens. Des cours compris entre 80 et 100 dollars permettent à l’Arabie Saoudite de financer son économie et ses ambitieux plans de modernisation et d’investissements. Donner un coup d’arrêt à la reprise des économies chinoise et américaine ne lui rapporterait rien.

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