La fameuse taxonomie européenne, définissant les sources d’énergies dites vertes qui bénéficieront de financements avantageux, est devenue l’enjeu d’une bataille politique acharnée. Elle oppose notamment adversaires et partisans du nucléaire. L’Allemagne en tête, les écologistes et nombre de bureaucrates et parlementaires européens ne veulent pas entendre parler du nucléaire dans les sources d’énergie durables. Même si l’électricité nucléaire est la plus décarbonée qui soit et si la transition énergétique a normalement pour unique objectif de réduire les émissions de gaz à effet serre… Peu importe si le GIEC et l’Agence Internationale de l’Energie considèrent que le nucléaire est indispensable à la transition. N’étant pas à une contradiction près, les mêmes adversaires du nucléaire sont d’ailleurs tout disposés à permettre à l’Allemagne et ses alliés de faire du gaz naturel, une source d’énergie verte. Un comble.
Le gaz naturel émet 490 grammes de CO2 par kWh à comparer aux 12 grammes du nucléaire. Mais l’hypocrisie règne en maître à Bruxelles et il faut bien remplacer les centrales à charbon. Ce ne sont pas les éoliennes et les panneaux solaires qui le permettront car, par nature, ce sont des énergies intermittentes. Pour preuve, faute de vent, l’Allemagne a connu au premier semestre cette année une envolée de ses émissions de CO2 provenant de la production d’électricité. Ce qui évidemment n’est pas le cas de la France. Comme le montre le graphique ci-dessous publié sur twitter, la France est même avec l’Islande, la Suède… et la Tasmanie le pays au monde dont l’électricité a été la plus verte au cours des trois dernières semaines.
Qui dit gaz naturel en Europe et plus particulièrement en Allemagne dit évidemment Russie. Cette dernière vient de terminer la construction du très controversé gazoduc NordStream 2 qui va lui permettre de doubler la quantité de gaz qu’elle exporte vers l’Europe. Autant ne pas être soumis dans les prochaines années et décennies à la concurrence de l’électricité nucléaire…
Pour la première fois, Jean-Bernard Lévy, le Pdg d’EDF, de plus en plus inquiet sur les négociations en cours à Bruxelles, a mis les pieds dans le plat. Il faut dire qu’il est échaudé par l’échec des précédentes négociations sur l’avenir d’EDF du fait des exigences européennes insensées de démanteler le groupe français. Il a expliqué la semaine dernière, à l’occasion d’une audition publique au Parlement devant la commission résilience nationale, quels sont les intérêts cachés à la manœuvre pour faire sortir le nucléaire de la taxonomie verte. La Russie pour promouvoir son gaz et aussi… la Chine dont les ambitions de supplanter la France dans le nucléaire civil ne sont un secret pour personne. On peut ainsi toujours compter sur la Commission européenne pour sacrifier les intérêts stratégiques de ses Etats membres au nom de soi-disant grands principes…
Jean-Bernard Lévy a expliqué aux députés que «derrière ceux qui combattent l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne se profilent les grands conglomérats étatiques situés à l’est de l’Europe, à proximité et plus lointains». On peut difficilement être plus clair.
La Commission européenne doit décider à l’automne si le nucléaire, bas carbone mais qui fait peser des risques sur l’environnement, va figurer parmi les sources d’énergies considérées comme «vertes» dans la future taxonomie. Outre le Commissaire français au marché intérieur, Thierry Breton, qui s’est exprimé fortement et en public il y a quelques semaines en faveur du nucléaire, le PDG d’EDF semble lui aussi de plus en plus inquiet sur le rapport de force qui s’installe à Bruxelles. Après le camouflet subi en Australie par l’industrie française de l’armement, un autre coup porté à l’automne à l’avenir de l’industrie nucléaire française, cela commencerait à faire beaucoup de la part de pays (et d’institutions) qui sont en théorie nos alliés.