Les nouveaux bâtiments possèdent des ouvertures vers l’extérieur de plus en plus grandes, témoignant de la recherche de confort visuel. Le vitrage est ainsi devenu un élément essentiel de nos habitations et son utilisation s’intensifie de façon continue.
Mais une part importante de la production mondiale d’énergie est consommée par les bâtiments. En moyenne, plus de la moitié de cette énergie est utilisée pour le confort thermique, c’est-à-dire chauffer ou climatiser les espaces de vie.
Ainsi, les vitres ont deux fonctions essentielles mais antagonistes : la transparence d’une part et l’isolation face aux éléments extérieurs, et en particulier les variations de température en été comme en hiver, d’autre part.
En effet, un verre simple n’est pas un bon isolant thermique. On peut l’aider en ajoutant par exemple de l’air ou un autre gaz entre les deux vitres d’un double vitrage, car ils ont de meilleurs pouvoirs isolants que le verre. Pour aller plus loin, on pourrait imaginer empiler un très grand nombre de vitres séparées par de l’air pour gagner en isolation… mais le poids et la perte de transparence ne seraient plus acceptables.
Laisser entrer les rayons du soleil… mais pas tous
Heureusement, la lumière du soleil est composée de différentes parties, que l’on peut séparer les unes des autres : l’idée est alors d’en laisser passer certaines et d’en filtrer certaines. Idéalement, il s’agirait de poser un film très mince sur une vitre – un film dont les propriétés optiques lui permettraient de laisser passer la lumière visible pour obtenir un bon confort visuel (propriété de transparence), tout en filtrant les « rayons de chaleur » pour le côté isolation thermique… un peu comme un tamis qui laisse passer les grains de sable les plus fins en bloquant le passage des plus gros.
En été, il s’agit d’empêcher les rayons de chaleur (rayonnement infrarouge du soleil) de rentrer depuis l’extérieur ; en hiver, il faut au contraire empêcher la chaleur de sortir vers l’extérieur. Ainsi la partie visible de la lumière et celles associées à la sensation de chaleur peuvent être gérées séparément en utilisant des fenêtres conçues spécialement.
L’été, il faudrait idéalement laisser entrer la lumière visible, mais que la chaleur reste à l’extérieur et soit évacuée depuis l’intérieur. En hiver, la lumière visible doit aussi passer, mais le comportement vis-à-vis de la chaleur est inversé. Linshuang Long et Hong Ye/Scientific Reports 2014, traduit par Elsa Couderc, CC BY-NC-ND
Les produits commerciaux actuels sont essentiellement obtenus par « dépôts sous vide », c’est-à-dire qu’ils sont fabriqués dans des enceintes dont l’atmosphère est parfaitement contrôlée. Mais il existe aussi de nouveaux types de revêtements : des encres qui permettent de réaliser de nouvelles combinaisons de matériaux aux propriétés optiques spécialement choisies, et qui ouvrent aussi la possibilité de l’amélioration des vitrages existants lors de rénovations. On parle aussi de « retrofit », qui consiste principalement à améliorer le bâti existant.
Isoler en été et isoler en hiver, deux défis techniques bien différents
Pour isoler un bâtiment en été, il faut surtout empêcher certaines longueurs d’onde infrarouge solaire d’entrer par les fenêtres, tout en permettant aux rayons infrarouges thermiques de sortir. Par contre, l’hiver, il faut empêcher ces derniers de s’échapper vers l’extérieur : le verre doit donc les réfléchir vers l’intérieur.
Pour un usage « 4 saisons », on exploite généralement une isolation intermédiaire des infrarouges solaires : ils ne font pas d’excellents produits d’isolation d’hiver ou d’été, mais permettent d’obtenir un bon confort moyen toute l’année.
Pour trouver des solutions « 4 saisons » plus performantes l’hiver comme l’été, il faut regarder du côté des « vitrages actifs », qui peuvent changer de couleur et s’adaptent ainsi aux besoins au fil des saisons. Il existe par exemple des dispositifs « électrochromes » qui changent de couleur ou de propriétés optiques quand l’utilisateur actionne un interrupteur ; d’autres « photochromes », modifiés par l’action du soleil ; ou encore « thermochromes », qui changent quand leur température monte ou descend. Ces solutions sont encore aujourd’hui assez coûteuses et vont plutôt intéresser les fabricants de bâtiments de bureau ou l’automobile de luxe, mais plus rarement être installés chez des particuliers.
De nouveaux matériaux pour améliorer les performances de gestion du spectre solaire
Revenons aux encres qui sont développées, notamment pour être appliquées in situ sur des fenêtres existantes, par exemple lors de rénovations thermiques.
Des chercheurs ont montré que l’on peut modifier les propriétés optiques d’un panneau de verre en le revêtant par une encre liquide contenant des particules dont la présence permet de réduire la proportion de rayonnements solaires, ultraviolets et infrarouges, qui passent à travers la fenêtre. Ce revêtement peut être apposé dans un double vitrage avec un verre déjà équipé d’un produit de « faible émissivité », c’est-à-dire qui empêche la chaleur de sortir (« low-e » en anglais).
Une version très simple d’un isolant faible émissivité, qui vise à garder les rayons du soleil qui portent la chaleur à l’extérieur de l’habitacle (dans ce cas, le réflecteur étant à l’intérieur, une partie de la chaleur est coincée entre la vitre et l’isolant). Mattes, Wikipedia, CC BY
En peignant directement le verre sur la face disponible à l’intérieur de la maison, la transmission de lumière visible n’est quasiment pas réduite, alors que l’isolation thermique augmente drastiquement.
Notre équipe franco-japonaise a de son côté développé une famille de composés moléculaires (des « nanoclusters » de métaux de transition) aux propriétés optiques et électroniques variées, ce qui permet d’envisager leur utilisation dans des revêtements nanocomposites fonctionnels pour le vitrage à contrôle solaire. En effet, ces « nanoclusters » présentent des pics d’absorption très sélectifs des UV et des IR solaires – ces pics peuvent de plus être modulés en longueur d’onde et/ou intensité.
La sélectivité et la modularité de ces composés rappellent celles des colorants organiques, mais ceux-ci se dégradent facilement, en particulier à haute température (au-delà de 250 °C, une température largement dépassée lors de la fabrication d’un vitrage, dans l’étape de trempe). Ces nanoclusters pourraient constituer une sorte de chaînon manquant entre les particules inorganiques, choisies pour leur durabilité, et les molécules organiques, convoitées pour leurs propriétés optiques.
Ces deux exemples montrent que des solutions alternatives au marché actuel existent déjà dans les laboratoires. Ces nouveaux types de revêtements obtenus par le dépôt de formulations liquides innovantes offrent de nouvelles possibilités de combinaisons de matériaux jusqu’alors difficiles à obtenir et ouvrent aussi la possibilité de l’amélioration des vitrages existants par retrofit.
Stéphane Cordier Directeur de recherche CNRS à l’Institut des sciences chimiques de Rennes, Université de Rennes 1 – Université de Rennes
Fabien Grasset Directeur de recherche CNRS à l’Institut des sciences chimiques de Rennes, Université de Rennes 1 – Université de Rennes
Cet article a été co-écrit avec Maxence Wilmet et est basé sur ses travaux de thèse, soutenue en 2018, et ceux de la thèse de Clément Lebastard, soutenue en 2020.
Le laboratoire de recherche international LINK entre le Japon et la France est piloté par le NIMS, le CNRS et la société Saint-Gobain en collaboration avec l’Université de Rennes 1 et l’ENSI Caen. Il est basé à Tsukuba au Japon.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons Lire l’article original sur The Conversation.