Et si nous réglions notre problème de réchauffement et de climat en répandant dans l’atmosphère des matériaux permettant d’augmenter très légèrement la réverbération des rayons solaires? Un peu à l’image de ce que font naturellement les éruptions volcaniques dont certaines ont provoqué dans l’histoire de mini-périodes glaciaires. Plus près de nous, les 15 mois qui ont suivi l’éruption du volcan du Mont Pinatubo en juin 1991 ont été marqués par une baisse moyenne des températures sur terre de 0,6 degré Celsius.
L’ingénierie solaire, c’est cela. Régler sans douleur ou presque notre problème d’émissions de gaz à effet de serre qui, comme leur nom l’indique, empêchent une partie de la chaleur solaire qui touche la surface du globe de repartir dans l’espace. Si la terre en reçoit moins le problème est réglé. L’humanité a d’ailleurs déjà augmenté la réverbération par l’atmosphère des rayonnements solaires, appelée albedo en jargon scientifique, en répandant des aérosols. Mais nous avons mis beaucoup plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère que d’aérosols… et ces derniers sont aussi très souvent des polluants.
Entre la théorie et la pratique
L’albedo est mesuré aujourd’hui à 30%. Cela signifie que 30% du rayonnement solaire reçu par la terre est renvoyé dans l’espace. Si cet albedo passait à 31%, à la suite par exemple d’une augmentation de 5% de la présence nuageuse dans l’atmosphère, cela suffirait à compenser en terme de réchauffement le doublement de la quantité de CO2 dans l’atmosphère.
Voilà pour la théorie de l’ingénierie solaire. Dans la réalité et la pratique, c’est autre chose. D’abord, il s’agit pour la plupart des écologistes d’une aberration. Au-delà des incertitudes et inconnues scientifiques, le fait que l’humanité puisse ainsi échapper à sa «juste» punition et au changement de système économique qui est le cœur de leur idéologie depuis cinquante ans leur est insupportable. Maintenant sur le fond, ils ont raison quand au côté apprenti sorcier que prendrait une telle stratégie, au moins en l’état actuel de nos connaissances. C’est même ce que disent les scientifiques et l’Académie américaine des sciences, de l’ingénierie de la médecine qui a réalisé un rapport sur la question et organisé un débat. Et cela même si elle considère que les recherches doivent être poursuivies et qu’il pourrait s’agir un jour, si la situation climatique se dégrade trop, de la solution de la dernière chance.
L’académie précise que l’ingénierie solaire recouvre les stratégies destinées à refroidir la terre soit en répandant des particules réfléchissantes dans la haute atmosphère, soit en augmentant la couverture nuageuse réfléchissante dans la basse atmosphère ou encore en épaississant les nuages de haute altitude qui absorbent une partie de la chaleur.
Comprendre toutes les solutions à notre disposition
Il ressort du rapport publié par l’Académie que l’impact du changement climatique rend aujourd’hui indispensable la compréhension de toutes les solutions et possibilités à notre disposition et que nous ne pouvons pas ignorer les possibilités offertes par la géo-ingénierie, c’est-à-dire la transformation par l’homme de la planète mais cette fois volontairement et avec pour ambition de réparer les dégâts commis involontairement.
La conclusion du document de l’Académie des sciences est la suivante. «Le rapport conclut qu’un investissement stratégique dans la recherche est nécessaire pour améliorer la compréhension des possibilités de réponses au défi climatique des décideurs. Les Etats-Unis doivent développer un programme de recherche pluridisciplinaire, en collaboration avec d’autres nations, pour améliorer notre compréhension de la faisabilité et de l’efficacité de l’ingénierie solaire et ses impacts possibles sur la société et l’environnement en incluant des dimensions sociales comme la perception du public, les dynamiques politique et économique et les questions éthiques et d’égalité».
Tous les intervenants au débat mené ensuite pour présenter le rapport, sans exception, ont reconnu que cette l’ingénierie solaire est aujourd’hui une possibilité en grande partie inexplorée et qui ne peut être prise en considération qu’après des recherches bien plus approfondies et extensives. Il existe de nombreuses inconnues sur les conséquences de l’ingénierie solaire et son efficacité. Par exemple, elle pourrait se traduire par des sécheresses dans certaines régions ou des fluctuations climatiques de plus grande ampleur que celles attendues dans d’autres régions du monde. Bien sûr un certain nombre de modèles ont été créés, mais ils sont loin d’être parfaits, comme tous les modèles climatiques, et dépendent aussi de la pertinence des données existantes.
Des modèles plus solides
Il est indispensable de construire des modèles plus solides. «Car une fois que vous êtes arrivés dans une situation où il devient trop difficile de vous adapter et que vous n’avez pas été capable de limiter les évolutions de la situation climatique, que pouvez-vous faire alors?», s’interroge Marcia McNutt, Présidente de l’Académie des sciences et géophysicienne.
Pour aller dans ce sens, des travaux publiés l’an dernier dans la revue scientifique Environmental Research Letters par une équipe de chercheurs de l’université de Harvard, soulignaient que le potentiel de la géo-ingénierie solaire pouvait être considérable. Et qu’il s’agissait d’une technologie certes non maîtrisée, mais dont les coûts de mise en œuvre pouvait être relativement limités.
La première question, essentielle, mise en avant par l’Académie américaine des sciences est d’abord celle de l’acceptabilité sociale et politique de l’ingénierie solaire. Elle est comme l’ont souligné les intervenants au débat, plus compliquée encore que les questions techniques. Les premières expérimentations menées au cours des dernières années se sont heurtées à des oppositions farouches. Si elles ne sont pas surmontées d’une façon ou d’une autre, l’ingénierie solaire restera une utopie.