<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’industrie solaire européenne au bord de l’extinction dans l’indifférence générale

7 février 2024

Temps de lecture : 4 minutes
Photo :
Abonnement Conflits
Abonnement Conflits

L’industrie solaire européenne au bord de l’extinction dans l’indifférence générale

par

Ce qu’il reste de l’industrie européenne des panneaux photovoltaïques ne pourra pas survivre bien longtemps à la déferlante de panneaux à prix cassés venus de Chine. Il n’est pas sûr que l’appel au secours envoyé il y a quelques jours à la Commission européenne puisse la sauver. Pour la bureaucratie bruxelloise, accélérer l’équipement de l’Union en panneaux solaires, grâce à des équipements très bon marché, pourrait permettre d’atteindre les objectifs impossibles de production d’électricité décarbonée renouvelable. Et cela vaut bien le sacrifice final de l’industrie solaire européenne… Bruxelles veut déployer 750 GW de panneaux photovoltaïques dans l’Union d’ici 2030!

Si rien n’est fait, l’industrie européenne des panneaux solaire va purement et simplement disparaître. L’European Solar Manufacturing Council (ESMC), organisme qui représente les industriels des panneaux solaires via quelque 80 entreprises européennes appelle au secours dans une lettre ouverte adressée à la Commission européenne. Cette dernière envisage, avec sa nonchalance bureaucratique habituelle, d’étudier des mesures mais ne semble pas vraiment interpellée par l’urgence de la situation.

En décembre 2022, la Commission avait mis sur pied une Alliance européenne de l’industrie du solaire photovoltaïque pour (ESIA en anglais) pour « éviter de remplacer la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes par de nouvelles dépendances », avait expliqué Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur. Cela n’a strictement servi à rien. La majeure partie de l’industrie solaire européenne a déjà été sacrifiée il y a quelques années sur l’autel de la concurrence et les survivants n’en ont plus pour très longtemps si rien ne change.

Un choix cynique pour accélérer le déploiement des panneaux

« La situation est vraiment, vraiment inquiétante. Nous allons perdre la majorité de l’industrie européenne dans les prochains mois s’il n’y a pas de signal politique fort », affirme Johan Lindahl, le secrétaire général de l’ESMC. « Soit les industriels vont être condamnés à la faillite, soit ceux qui ont les ressources vont se délocaliser aux Etats-Unis», a déclaré M. Lindhal au Financial Times. L’administration américaine offre des subventions et des aides importantes aux industriels de la transitions énergétique qui s’implantent sur le sol américain via la loi IRA.

En fait, la situation est assez simple. Il y a une surproduction mondiale de panneaux qui a conduit à un effondrement des prix et l’industrie européenne est incapable de faire face à la déferlante depuis deux ans de productions chinoises à prix cassés. Et les institutions européennes semblent considérer qu’accélérer l’équipement de l’Union en panneaux solaires, grâce à des équipements très bon marché, pourrait permettre d’atteindre les objectifs impossibles de production d’électricité décarbonée renouvelable. Il y a eu 40% de plus de panneaux installés en Europe en 2023 qu’en 2022. Et cela vaut bien le sacrifice final de l’industrie solaire européenne… Bruxelles veut déployer 750 GW de panneaux photovoltaïques dans l’Union d’ici 2030 !

Le producteur néerlandais de panneaux Exasun et le fabricant autrichien de modules Energetic ont déposé le bilan au cours des derniers mois. Le groupe suisse Meyer Burger a annoncé qu’il allait fermer son usine allemande d’ici avril. Deux autres producteurs d’équipements solaires, Solarwatt et Heckert Solar, ont également menacé de fermer leurs portes. Ils sont incapables de faire face à leurs concurrents chinois. Ils accumulent les invendus.

Des stocks de 140 à 170 millions de modules dans les ports et entrepôts européens

La capacité de production à l’échelle du continent était estimée à 11 GW en 2023 par l’ESMC. Mais faute de compétitivité, « seuls 2 GW de modules ont été produits par les industriels européens » et encore environ « 1 GW sont conservés dans les inventaires », c’est-à-dire invendus.

Et ce n’est rien par rapport aux panneaux chinois prêts à être commercialisés. « Actuellement, il y a un stock estimé de 140 à 170 millions de modules photovoltaïques dans les ports et les entrepôts européens (l’équivalent de 70-85 GW) », souligne l’ESMC. « Si rien n’est fait maintenant, il n’y aura plus aucune industrie européenne en 2030 », prévient l’organisation. « Le plan de Xi Jinping visant à contrôler toute la chaîne de production des panneaux solaires aura fonctionné et la stratégie agressive de l’industrie chinoise subventionnée aura porté ses fruits. »

Le photovoltaïque fait partie des « trois nouveaux » piliers d’exportation de la Chine, aux côtés des batteries lithium-ion et des véhicules électriques. L’industrie solaire chinoise a ainsi bénéficié à la fois d’une politique massive de subventions publiques (foncier gratuit, crédit gratuit, aides directes) et d’un marché intérieur de grande taille qui lui est de fait réservé. Elle a pu dès l’origine construire des usines à plus de 1 GW, ce que n’osaient pas faire les industriels européens, nord-américains et japonais. En outre, en Europe les règles du marché intérieur empêchaient toutes subventions versées par les États.

Des mesures tardives et symboliques

Dans une démarche antidumping, la Commission a bien appliqué en 2013 des droits de douane de 50% sur les cellules et les panneaux chinois, auxquels la Chine a immédiatement riposté en menaçant de taxer les importations de véhicules et de vins européens. Ces mesures risquaient de toucher directement l’Allemagne au premier chef. Ce qui a conduit au retrait immédiat de cette taxe. Au bout du compte, la part de marché mondial des producteurs européens est passée de 30% en 2007 à moins de 1% aujourd’hui. Presque toutes les grandes entreprises européennes du panneaux PV ont fait faillite ou ont été rachetées : Q-Cells, Sunways, Solarwatt.

Et aujourd’hui, les prix cassés des panneaux chinois résultent également d’une concurrence interne féroce entre les groupes industriels chinois, d’économies d’échelle qu’ils sont les seuls à pouvoir réaliser et d’innovations rapides sur les lignes de production.

Pour sauver ce qu’il reste l’ESMC estime qu’il faut à la fois une aide financière et des mesures protectionnistes. Elle souhaite l’instauration « d’un dispositif facilitant le rachat des stocks de panneaux solaires européens invendus » et modifier le cadre juridique comme l’ont fait les Etats-Unis avec l’IRA « pour muscler le financement des projets avec des panneaux produits en Europe ». Difficile à imaginer ce type de mesures et de décisions avec ce que sont aujourd’hui les institutions européennes et les oppositions à tout ce qui pourrait entraver la marche vers les renouvelables. En novembre dernier, le ministre allemand de l’économie, l’écologiste Robert Habeck, a mis en garde la Commissions contre toute restrictions commerciales sur les importations de panneaux solaires chinois. Il craint que d’éventuelles freins aux importations de panneaux solaires chinois freine l’expansion rapide du solaire en Europe.

La Commission européenne pourrait doncéventuellement décider de quelques mesures de soutien à l’industrie et d’ouvrir une enquête pour dumping contre les fabricants chinois de panneaux. Elle l’a déjà fait au sujet des véhicules électriques produits en Chine. Mais tout cela risque d’être bien tardif et avant tout symbolique.

À propos de l’auteur

La rédaction

La rédaction

Newsletter

Voir aussi

Share This