En réponse à la crise énergétique, conséquence de problèmes de sécurité d’approvisionnement en gaz naturel et dans une moindre mesure en pétrole et produits pétroliers raffinés, la France et l’Europe accélèrent le développement des renouvelables éolien et solaire et des véhicules électriques.
Le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables que le gouvernement entend faire adopter à l’automne en est une parfaite illustration. L’idée principale est de contourner les oppositions locales. On trouve ainsi dans le texte des mesures transitoires pendant 48 mois pour simplifier les procédures (allégement des obligations d’évaluation environnementale ou extension du vote du public par voie électronique), la multiplication des possibilités d’implantation des panneaux solaires (obligation d’équipement sur les gros parkings, possibilité d’installation sur les délaissés routiers) et une mutualisation des débats par façade maritime pour l’éolien en mer.
Pas de renouvelables et de véhicules électriques sans métaux, sans matières premières et sans… énergies fossiles
Il ne s’agit évidemment pas de solutions miracles. D’abord, parce qu’il ne faut pas confondre renouvelable et décarboné, une confusion soigneusement entretenue par les lobbys, les militants écologistes et les pouvoirs publics. L’éolien, le solaire et le véhicule électrique à batteries nécessitent pour être fabriqués, transportés, entretenus et recyclés l’utilisation de grandes quantités d’énergies fossiles… Avant tout parce qu’ils sont constitués de matériaux et de métaux qu’on n’obtient qu’en utilisant des énergies fossiles.
Les éoliennes pour commencer sont fabriquées et installées avec du béton, de l’acier et du plastique. Leurs fondations sont faites de centaines de tonnes de béton armé, en moyenne pour une éolienne terrestre 600 à 800 tonnes de béton et 25 à 40 tonnes d’acier. Les tours, nacelles et rotors sont fabriqués en acier et représentent près de 200 tonnes. Il faut y ajouter les pâles faites en matériaux composites d’environ 15 tonnes. Pour installer et transporter tout cela, il faut des camions surdimensionnés, des engins excavateurs, des grues géantes et les turbines doivent être lubrifiées tout au long de leur vie avec de l’huile…
Pour les batteries des véhicules électriques, c’est tout aussi spectaculaire. Une batterie de 350-400 kilos d’une voiture électrique récente contient environ 11 kilos de lithium, 14 kilos de cobalt, 27 kilos de nickel, 40 kilos de cuivre, 50 kilos de graphite et 180 kilos d’acier, d’aluminium et de plastique. Pour extraire les métaux et autres matières premières nécessaires à la fabrication de la batterie, il faut extraire du sous-sol 225 tonnes de minerais et ensuite les raffiner après un long processus industriel nécessitant beaucoup d’énergie.
Des besoins multipliés par 10 ou 20 dans les prochaines décennies
Tout cela pour dire que si une activité va connaitre dans les prochaines années et prochaines décennies un développement spectaculaire, c’est l’industrie minière. Et cela même s’il semble impossible qu’elle puisse répondre aux besoins tels qu’ils sont projetés par de multiples études qui consistent à faire fonctionner des modèles théoriques et pas vraiment à s’interroger sur leur aspect réaliste. Ainsi, pour remplacer les 100 millions de véhicules, thermiques pour la plupart, vendus neufs aujourd’hui dans le monde par an par des modèles électriques à batteries, la demande de lithium sera multipliée par 18 à 20 entre 2020 et 2050, celle de cobalt par 17 à 19, celle de nickel de 28 à 31. Voilà par les métaux dits critiques. Mais la demande d’acier, d’aluminium, de cuivre, de graphite devra elle aussi augmenter dans des proportions considérables.
Pas étonnant si les prix de l’ensemble des métaux critiques et des matières premières sont en hausse depuis des mois à quelques exceptions près. Le minerai de fer, par exemple, l’ingrédient essentiel de l’acier, est ainsi passé d’un peu plus de 82 dollars la tonne en novembre dernier à plus de 125 dollars la tonne. Le prix est bien inférieur aux sommets de plus de 227 dollars atteints l’année dernière, mais il s’agit toujours d’une augmentation significative au cours des six derniers mois. Le prix du cuivre est en hausse constante depuis 2020, doublant au cours de cette période. Enfin, les cours du lithium ont eux augmenté de 432% au cours de la dernière année.
Conséquence, les groupes miniers cherchent à rattraper les retards d’investissements des dernières années. Mais le monde de la production n’est pas celui du numérique… Il faut des années pour rendre opérationnels de nouveaux équipements. Selon le Wall Street Journal, citant des données de Bank of America, les dix premiers groupes miniers au monde vont investir 40 milliards de dollars cette année et autant l’année prochaine en nouveaux projets.
Développer une mine peut prendre une décennie
Mais les groupes miniers, comme leurs pairs dans le secteur pétrolier et gazier, ont pour priorité de restituer des liquidités aux actionnaires sous la forme de dividendes après des années de vaches maigres. Autre problème, comme dans le pétrole et le gaz, l’inflation généralisée fait grimper les coûts liés aux nouveaux développements et rend plus incertains les calculs de rentabilité. En outre, l’investissement minier, est plus compliqué que celui dans le pétrole ou le gaz de schiste. Si forer et exploiter un gisement de pétrole ou gaz de schiste prend des mois, développer une mine prend souvent une décennie ou plus, pour passer de la décision finale d’investissement au début de la production.
Un autre problème est celui de la baisse des teneurs de minerai dans les mines qui fait grimper les coûts de développement. C’est la conséquence de l’épuisement naturel irréversible des mines existantes et du fait qu’ont été exploitées celles qui étaient les plus rentables et situées dans des pays politiquement stables. Sachant en outre que dans les pays développés, les oppositions locales à l’ouverture de mines sont considérables.
La solution passe par davantage de nouvelles mines un peu partout dans le monde, mais en plus des longs délais pour les exploiter, elles se trouvent de plus en plus souvent dans des pays politiquement instables, ce qui complique la sécurisation de l’approvisionnement futur en métaux et minéraux indispensables à la transition.
Tout cela milite pour que les hausses de prix sur les marchés des métaux et des matières premières se poursuivent. Plus l’offre est faible, plus le prix est élevé, et les prix plus élevés ont tendance à éroder la demande, que ce soit pour l’essence ou les panneaux solaires.