Les adversaires de l’automobile en France ont gagné. Leur travail de sape idéologique a détruit l’industrie automobile française plus précisément l’industrie automobile sur le sol français. Il ne faudrait pas maintenant qu’ils viennent se lamenter de l’effondrement industriel du pays. La part de l’industrie dans le PIB (Produit intérieur brut) est maintenant au niveau de la Grèce, à 9%… Avec des conséquences sociales qui sont catastrophiques, la perte irréversible d’emplois qualifiés et bien rémunérés et la désertification économique des petites villes et des zones périurbaines. En Allemagne, la part de l’industrie dans le PIB est de 19%, en Italie de 15% et en Espagne de 12%. L’année 2022 a été marquée en France par un record historique de déficit du commerce extérieur (-164 milliards d’euros) et un niveau tout aussi historique du déficit commercial automobile du pays à 19,9 milliards d’euros. Et dans ce dernier cas la crise énergétique n’y est pour rien.
Depuis 2010, la dégringolade de la production automobile en France ne cesse de s’accélérer. Et nous n’avons pas encore tout vu avec la transition forcée en cours vers les véhicules électriques qui ouvre la voie à une déferlante à venir de voitures chinoises. France Stratégie, organisme placé sous l’autorité du Premier ministre, ne cherche même plus à donner le change et écrivait l’an dernier: «l’automobile est à l’origine de près de la moitié de la dégradation du solde des produits manufacturés depuis 2000 et explique une large part de la désindustrialisation qu’a connue le pays».
La situation de l’automobile en France dissociée de celle des constructeurs nationaux
Les 19,9 milliards d’euros de déficit commercial automobile se décomposent de la façon suivante, 15,6 milliards pour les véhicules et 4,3 milliards pour les équipements. Autre illustration d’un déclin continu, l’automobile représentait 13,2% des exportations françaises en 2000, 10% en 2010 et 9,4% l’année dernière. Encore plus parlant, en 2000 l’industrie automobile dégageait un excédent extérieur de 9,4 milliards et même de 12,3 milliards d’euros en 2004. Il est devenu un déficit de 3,7 milliards en 2010 et n’a cessé depuis de se creuser. Jusqu’en 2008, l’industrie automobile avait toujours apporté des excédents commerciaux à la France…
Aujourd’hui, la situation de l’industrie automobile en France doit être en fait totalement dissociée de celle des constructeurs nationaux (Renault comme Stellantis) qui n’ont cessé de délocaliser leurs investissements et leurs productions. Année après année et depuis près de 20 ans, les constructeurs automobiles fabriquent de moins en moins de véhicules en France. Selon les données officieuses d’IHS Markit, seuls 1,37 million de véhicules ont été construits dans l’hexagone l’an dernier, un retour au niveau de 1973! La production automobile sur le sol français représentait encore 2,2 millions de véhicules il y a tout juste trois ans en 2019 et… 3,66 millions en 2004. La France n’est tout simplement plus une puissance automobile et ne représente plus que 8,5% de la production européenne et 1,6% des volumes mondiaux. La France était encore le deuxième pays constructeur d’automobiles en Europe en 2011. Elle est aujourd’hui le cinquième… Et encore, heureusement que le japonais Toyota, installé en France depuis vingt ans à Valenciennes où il produit des Yaris pour l’ensemble de l’Europe, continue d’y investir. La Yaris Cross a ainsi été la voiture la plus produite sur le sol français l’an dernier avec plus de 161.000 exemplaires…
Des raisons structurelles
L’industrie automobile est devenue en France un secteur sinistré pour des raisons avant tout structurelles, comme le fut la sidérurgie il y a cinquante ans. L’explication est en fait assez simple. Une spécialisation des constructeurs français vers le bas et le milieu de gamme qui est incompatible avec les coûts très élevés du travail en France. La production des citadines, des petits SUV et parfois même des SUV de plus grande taille a été en grande partie délocalisée dans des pays et des régions du monde où le coût horaire de la main d’œuvre est inférieur, que ce soit la Slovénie, la Roumanie, l’Espagne, le Maghreb… Les équipementiers ont évidemment suivi.
Il faut y ajouter maintenant un véritable retard technologique. Qu’il s’agisse de l’hybride, de l’électrique et même de l’hydrogène, les constructeurs français, focalisés trop longtemps sur le diesel, ont manqué de volonté d’innover, de moyens financiers pour investir, de capacités d’anticipation et même d’ambitions par rapport à leurs concurrents japonais, coréens, américains, allemands et maintenant chinois. Où alors ils sont partis bien trop tôt et avec de mauvais choix technologiques (la location de batteries) comme Renault sur l’électrique il y a une douzaine d’années.
Et la bascule aujourd’hui à marches forcées vers les véhicules électriques ne peut que compliquer encore la situation. Pour la bonne et simple raison que ce qui représente la part la plus importante de la valeur ajoutée d’une voiture électrique, son groupe motopropulseur et avant tout sa batterie, ne sont pas fabriqués aujourd’hui en France. Et les projets qui se multiplient de gigafactories de batteries n’effaceront pas avant de nombreuses années l’extrême dépendance envers les cellules de batteries et les métaux stratégiques fabriqués et raffinés massivement et à moindre coût dans les usines chinoises.