Le fond des océans recèle un immense gisement d’énergie décarbonée, renouvelable et totalement inexploré et inexploité. Il pourrait changer la donne de l’équation énergétique estime la société française de conseil en géosciences CGG dans une étude récente (voir son schéma ci-dessus). Alors évidemment, y accéder et exploiter la chaleur du magma qui affleure au fond des océans n’est pas sans poser des défis technologiques et économiques, mais le potentiel est tel que l’humanité aurait tort de le négliger.
Parmi les renouvelables, le solaire et l’éolien ne permettront pas de se passer des énergies fossiles. Ils sont intermittents par nature et nécessitent des surfaces et des quantités de matériaux considérables. La géothermie est une source d’énergie renouvelable bien plus prometteuse en fait. Parce qu’elle n’est pas intermittente, parce qu’elle peut permettre de produire de l’électricité et de fournir de la chaleur et parce que son potentiel théorique est presque illimité par rapport aux besoins de l’humanité.
La géothermie, négligée et oubliée
Pourtant, la géothermie est négligée et représente moins de 1% de la production mondiale d’énergie. Elle n’a bénéficié jusqu’à aujourd’hui du soutien d’aucun lobby économique et idéologique et nécessite des investissements de départ en général assez importants que personne ne veut assumer. Cela même si les équipements géothermiques sont là ensuite pour des décennies et pour un coût de fonctionnement extrêmement réduit. Pour la géothermie dite de surface qui permet d’alimenter les bâtiments, les sondes géothermiques ont une durée de vies estimée à un plus d’un siècle…
Pour la géothermie profonde qui donne accès à des sources de chaleur beaucoup plus importante, l’élément clé est la géologie. Les sources de chaleur sont beaucoup plus faciles à atteindre dans certains endroits où elles sont plus proches de la surface. Le problème est que les forages d’exploration géothermique sont coûteux et pas toujours couronnés de succès. Les entreprises du secteur qui en général ne sont pas des géants ont donc tendance à ne pas prendre beaucoup de risques.
Maintenant comme l’explique CGG, elles commencent à s’intéresser à la « ceinture de feu » indo-pacifique, une ceinture tectonique qui s’étend le long de la côte ouest des Amériques jusqu’à la pointe orientale de la Russie, en passant par l’Asie de l’Est et jusqu’à la Nouvelle-Zélande. En gros, là où il y a des volcans et donc du magma proche de la surface. Mais CGG souligne que ces zones volcaniques sont très complexes et variées, ce qui nécessite des approches sur mesure pour chacune d’entre elles, et les températures diminuent rapidement au fur et à mesure que l’on s’éloigne des volcans.
Un projet lancé l’an prochain en Islande va forer directement dans la chambre magmatique d’un volcan en activité
CGG met en avant une vaste ressource considérable bien plus facile selon elle à exploiter. Au fond des océans, à l’endroit même où les plaques tectoniques s’éloignent constamment l’une de l’autre, le magma affleure. Ces immenses failles sous-marines représentent environ 65.000 kilomètres carrés où le magma se déverse littéralement à travers l’espace créé par l’écartement des plaques et se solidifie pour former de nouvelles roches. Ces zones offrent des températures constantes et des fluides géothermiques inoffensifs. Elles reproduisent les meilleures conditions que l’on peut trouver à terre dans des endroits comme le sud de l’Islande.
L’Islande qui a d’ailleurs annoncé son intention de forer directement dans la chambre magmatique d’un volcan en activité pour y puiser une énergie presque illimitée. C’est un projet baptisé Krafla Magma Testbed qui doit être lancé l’année prochaine.
Utiliser la chaleur captée au fond des océans pour fabriquer de l’électricité, de l’eau douce et de l’hydrogène par électrolyse
Maintenant, pour en revenir aux zones de fracture tectonique au fond des océans, si elles sont relativement faciles à sonder elles sont par nature très éloignées des zones de consommation d’énergie et des réseaux électriques. CGG affirme qu’il serait judicieux d’utiliser la chaleur captée au fond des océans pour fabriquer sur place dans des navires ou des plateformes de l’hydrogène avec des électrolyseurs et de l’eau de mer et d’expédier ensuite l’hydrogène vert ou décarboné vers les lieux de consommation. L’eau douce serait également un sous-produit commercialisable de cette activité.
CGG est vraiment convaincu du potentiel de l’exploitation de la chaleur du fond des océans. La société a déposé une demande de brevet pour sa « nouvelle combinaison de technologies géologiques, géophysiques et d’ingénierie pour aider à l’exploration et au développement de ses ressources ». Elle affirme que sa « motivation pour obtenir le brevet est de s’assurer qu’il n’y aura pas de « bloqueurs » de brevets qui retarderont le développement rapide de ces technologies ». Elle prévoit de concéder des licences à un « coût raisonnable » dans les pays développés et à un « coût facilement abordable » dans les pays en développement.