Les dénonciations des responsables à l’origine des pénuries de carburants qui compliquent sérieusement la vie d’un grand nombre de Français depuis maintenant près de deux semaines se multiplient. C’est au choix la faute du gouvernement, des dirigeants des compagnies pétrolières et notamment de Total qui ne veulent pas partager une petite part de leurs profits records ou des grévistes et des syndicats, notamment la CGT, qui ne peut pas résister à l’opportunité d’établir un rapport de force en sa faveur et de bloquer le pays.
Mais il y a aussi une question qui passe inaperçue et joue un rôle non négligeable dans cette situation, le fait que le nombre de stations-service n’a cessé de baisser dans le pays au cours des dernières décennies et que celles qui existent sont contraintes de répondre aux besoins d’un nombre toujours plus grand d’automobilistes et doivent donc être approvisionnées plus souvent. A la fin de l’année dernière, la France comptait 11.151 stations-service selon les chiffres d’Ufip Énergies et Mobilités..
Passer de 47.500 stations à 11.151 en 46 ans
Le nombre de stations-service en France s’est ainsi stabilisé depuis quelques années après avoir connu une baisse continue pendant plus de 40 ans. En 1975, on dénombrait près de 47.500 stations-service en France métropolitaine. Entre 1980 et 2010, leur nombre a été quasiment divisé par quatre tandis que dans le même temps le parc automobile français a presque doublé.
Cela est la conséquence de plusieurs facteurs. La rentabilité de plus en plus faible des stations-services dont les marges sont en général, pas dans la période actuelle marquée parfois par de véritables rackets, très faibles de l’ordre de 1 à 2 centimes par litre. Et surtout, elles sont victimes de la concurrence très forte menée par les stations de la grande distribution qui ont fait des carburants un produit d’appel en écrasant leurs marges et en attirant ainsi les automobilistes dans leurs supermarchés et hypermarchés.
Il faut y ajouter le fait que les normes de sécurité sont devenues de plus en plus sévères et que souvent la faible rentabilité des stations ayant un débit peu important ne permet pas de justifier les investissements nécessaires. Par ailleurs, de nombreuses grandes villes à commencer par Paris ont systématiquement cherché à évincer les stations existantes, pour des raisons de normes de sécurité et aussi pour rendre l’usage des voitures plus compliqué. Paris intramuros comptait 300 stations-service en l’an 2000 et en compte moins d’une quarantaine aujourd’hui.
Et dans le périmètre des 131 communes qui constituent la métropole du grand Paris et compte tout de même 7 millions d’habitants, il n’y avait plus que 402 stations service lors d’un recensement effectué il y a trois ans. Et sur ce nombre, une centaine au moins semblaient alors condamnées à la fermeture.
GMS: stations des Grandes et Moyennes Surfaces. Source: Ufip Energies et Mobilité.
En fait, le nombre de stations-service dites «traditionnelles», à savoir celles des réseaux des compagnies pétrolières et des indépendants, ne cesse de diminuer sur tout le territoire tandis que celles des grandes surface ne cesse d’augmenter comme le montre le graphique ci-dessus. En 1992, les stations de la grande distribution étaient cinq fois moins nombreuses que celles des pétroliers et des indépendants. Fin 2021, les stations des grandes surfaces représentaient près de 48% des 11.151 stations en service et surtout elles ont réalisé plus de 63% des ventes annuelles de carburants en volume à l’échelle nationale.