Il existe une plaisanterie fréquente sur l’hydrogène: cela fait 60 ans que ce gaz est présenté comme l’énergie de demain… Au début des années 1970, au moment des chocs pétroliers, le gouvernement français avait même demandé à une armée de hauts fonctionnaires de préparer la transformation de l’économie française en une économie de l’hydrogène… Inutile de dire que le projet est resté dans des cartons et le choix s’est porté avant tout sur le nucléaire.
Dans les années 1990, l’hydrogène a à nouveau attiré l’attention au Japon, au Canada et en Allemagne… sans suite. Dans les années 2000, avec la montée en puissance des enjeux climatiques, le véhicule à hydrogène a vu le jour. Mais faute de prix compétitif et de réseaux de distribution, il n’a pas percé et s’est fait largement damner le pion par la voiture électrique à batterie qui a attiré elle des milliards d’investissements… qu’il faut aujourd’hui chercher à rentabiliser.
Mais l’économie de l’hydrogène pourrait bien cette fois devenir une vraie alternative au pétrole. Deux évènements presque simultanés militent dans ce sens. D’abord, pour la première fois, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) annonce dans un rapport intitulé «L’Avenir de l’hydrogène» l’arrivée massive du carburant hydrogène dans les prochaines années.Une étude qui a été présentée au G20 de Tokyo. L’autre évènement important pour l’avenir de l’hydrogène est la décision prise par les pouvoirs publics chinois de construire une économie de l’hydrogène et de mettre les moyens nécessaires industriels et financiers pour y parvenir.
En théorie, l’hydrogène a les vertus du pétrole et de l’électricité. C’est un vecteur énergétique qui peut être produit à partir de plusieurs sources (gaz, charbon, pétrole, biomasse et électricité renouvelable) et être utilisé pour de multiples usages, de la production de chaleur et d’électricité à la motorisation de tous les moyens de transports terrestres et maritimes, en passant par l’industrie.
Comme il s’agit d’un gaz, il peut être stocké et transporté, même si c’est plus complexe que pour le pétrole et le gaz naturel, car il faut le mettre sous pression. L’hydrogène peut être produit un peu partout, en fonction des ressources, et donc réduire la dépendance de nombreux pays aux producteurs de pétrole et de gaz.
Mais cela signifie que ni la Russie, ni les États-Unis, ni les pays du Golfe, ni les groupes pétroliers, ni les électriciens, ni la quasi totalité des constructeurs automobiles n’ont intérêt à favoriser son émergence. Heureusement, il y a la Chine… et l’Allemagne.
Le gouvernement chinois a annoncé vouloir mettre un million de voitures à hydrogène sur ses routes d’ici à 2030. Outre-Rhin, l’opérateur Rhein-Main-Verkehrsverbund vient de commander 27 trains hydrogène à Alstom pour remplacer des locomotives au diesel. En Allemagne toujours, Arcelor Mittal va pour la première fois utiliser de l’hydrogène pour produire de l’acier.
La France est à la traîne. Malgré le plan Hydrogène de 100 millions d’euros de 2018, obtenu de haute lutte par Nicolas Hulot alors ministre de la Transition écologique et solidaire, et plusieurs pépites industrielles de l’hydrogène, les choses avancent très lentement. Les intérêts contraires à l’hydrogène sont trop puissants.
Pourtant, les technologies de production de l’hydrogène, celles des piles à combustible nécessaires à la conversion en électricité, et celles du transport et du stockage existent. Mais pas encore à l’échelle industrielle et pas de façon optimisée. Aujourd’hui, la filière hydrogène n’est pas économiquement compétitive.
L’AIE se veut pourtant optimiste. Qu’il soit vert (par électrolyse de l’eau), bleu (à partir de gaz avec captage de CO2), gris (gaz sans captage), brun (à partir du lignite) ou noir (à partie du charbon), l’AIE estime que les coûts de l’hydrogène pourraient baisser de 30% d’ici à 2030. C’est le moment ou jamais.