Quand l’hydrogène devient un métal aux propriétés extraordinaires

15 mai 2020

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Jupiter wikimedia commons
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Quand l’hydrogène devient un métal aux propriétés extraordinaires

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En 1935, deux très grands physiciens, Eugene Wigner et Hillard Bell Huntington, prédisent que soumis à des pressions gigantesques, les atomes d'hydrogène formeraient un métal libre de conduire l’électricité. En 2020, une équipe de chercheurs français a prouvé la véracité de cette théorie.

Après 85 ans de recherche, la théorie selon laquelle l’hydrogène soumis à une pression considérable peut devenir un métal aux propriétés extraordinaires vient d’être prouvée. Tout remonte à 1935, deux très grands physiciens, Eugene Wigner, prix Nobel, et Hillard Bell Huntington, publient un article intitulé «De la possibilité d’une transition métallique de l’hydrogène». Ils prédisent que soumis à des pressions gigantesques, les atomes les plus simples et les plus abondants de l’Univers, les atomes d’hydrogène, éjecteraient leur unique électron pour former un cristal régulier de protons et donc deviendrait un métal. Celui-ci serait alors libre de conduire l’électricité.

Selon leurs calculs, pour parvenir à cet état de la matière, l’hydrogène doit être soumis а une pression d’environ 25 GPa (Gigapascals). Pour donner un ordre d’idées, 25 GPa correspond à 250.000 fois la pression moyenne de l’atmosphère! C’est environ la pression qui existe entre le manteau supérieur et inférieur de la terre, à plus de 500 kilomètres de profondeur…

Supraconducteur à 17°C

En 1968, un autre grand physicien, Neil William Ashcroft, calcule que cet hydrogène métallique serait supraconducteur à une température ambiante de 17°C. Rien à voir avec les températures proches du zéro absolu nécessaires pour parvenir à la supraconduction (-273°C) et, au mieux, à -23°C. Mais faut-il encore que l’hydrogène métal existe vraiment et être capable d’atteindre une pression suffisamment élevée pour le créer.

Expérience après expérience, les progrès se succèdent notamment grâce à une cellule à enclume de diamant. Il s’agit de créer une pression extrêmement forte en la concentrant sur une très petite surface. En 1989, 250 GPa sont atteints par une équipe américaine. Bien que dix fois supérieure aux calculs de Wigner et Bell, elle ne parvient pas à faire de l’hydrogène un métal. De nouveaux calculs sont réalisés, ils montrent qu’il faut atteindre 400 GPa…

En 1998, une équipe américaine de l’université Cornell atteint 342 GPa. En 2016, deux chercheurs américains de l’université d’Harvard annoncent enfin avoir créé de l’hydrogène métallique à une pression invraisemblable de 495 GPa. Mais leur mesure, contestée dès le départ, est invalidée. Ils présentent leurs excuses.

Et finalement, c’est une équipe française, constituée de Paul Loubeyre et Florent Occelli, du CEA de Saclay, et de Paul Dumasdu, chercheur du CNRS détaché au synchrotron Soleil, qui en janvier 2020 parvient à prouver sans contestation que l’hydrogène métallique existe bien… à une pression de 425 GPa!. Un tel niveau de pression n’existe évidemment pas sur Terre à l’état naturel. Pour le trouver, il faut aller au cœur de Jupiter ou de Saturne. Le noyau de ses deux planètes serait d’ailleurs constitué en partie d’hydrogène métallique. Le compte rendu de cette découverte extraordinaire est publié dans la revue Nature.

Un état encore réversible

Les trois chercheurs expliquent dans l’article que c’est grâce à «la mise au point d’un nouveau type de presse à enclumes de diamant dépassant 4 millions d’atmosphères, associée à une mesure non intrusive du passage isolant-métal à l’aide d’un rayonnement infrarouge synchrotron très brillant, pouvant sonder un échantillon de quelques microns de diamètre qui a permis d’observer le changement de phase, d’obtenir la signature du caractère métallique de l’échantillon sous pression et de déterminer avec une grande précision la pression d’apparition du phénomène.»

Mais cet état métallique de l’hydrogène est encore réversible. L’équipe de chercheurs français a pourtant bon espoir qu’en continuant à augmenter la pression, elle puisse produire de l’hydrogène métallique conservant ses propriétés une fois la pression relâchée. Il faudrait dépasser les 500 GPa.

Si ce matériau unique peut être stabilisé, supraconducteur à température ambiante, il pourrait servir, par exemple, à la fusion nucléaire et à la réalisation des champs magnétiques surpuissants dont elle a besoin. En tant que carburant, l’hydrogène métal serait parfait aussi pour les voyages dans l’espace avec une densité 9 fois supérieure à l’hydrogène liquide utilisé actuellement pour propulser les fusées et les engins spatiaux (comme Ariane 5 ou la navette spatiale américaine). Et puis, comme l’explique l’article de Nature: «si l’hydrogène métallique était supraconducteur à température et à pression ambiantes, cela constituerait une avancée considérable pour le stockage de l’hydrogène qui est un enjeu énergétique primordial.»

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La rédaction

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