<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Hydrogène, la France redescend sur terre

17 avril 2025

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Photo : Element One HES avion hydrogene
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Hydrogène, la France redescend sur terre

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Après deux ans d’attente, le gouvernement a enfin annoncé la révision de sa stratégie nationale pour l’hydrogène. Au grand soulagement de la filière, elle revoit nettement à la baisse les objectifs de production et de consommation d’hydrogène vert ou décarboné d'ici 2030-2035. On ne crée pas une filière industrielle compétitive et des besoins en le décrétant, même en apportant des milliards d’euros. L’hydrogène vert se trouve aujourd’hui face à un problème de poule et d’œuf. Pour que les coûts baissent, il faut que des projets nombreux soient déployés. Mais tant qu’ils ne sont pas déployés, les coûts sont trop élevés pour convaincre des acheteurs... ce qui ne permet pas de lancer les projets.

La création ex-nihilo d’une économie de l’hydrogène était la grande ambition soudain mise en avant par Emmanuel Macron en septembre 2020. Emboitant le pas à l’Allemagne, la France avait alors décidé d’apporter 7 milliards d’euros puis rapidement 9 milliards d’argent public pour développer la production d’hydrogène et ses usages dans l’industrie, les transports, le stockage de l’électricité et la production de carburants synthétiques. Six mois auparavant, les pouvoirs publics étaient encore hostiles ou au mieux indifférents au développement de l’hydrogène vert ou décarboné. La fameuse Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) y faisait à peine allusion.

Mais les politiques suivent irrésistiblement les modes et ont pris alors, une fois de plus, leurs désirs pour la réalité. Construire de toutes pièces une économie mondiale de l’hydrogène est une tâche dont l’ampleur a été totalement sous-estimée. Voilà pourquoi de nombreux projets de développement sont aujourd’hui gelés ou abandonnés faute de compétitivité et de financements. On ne crée pas une filière industrielle compétitive et des besoins en le décrétant même en apportant massivement des aides et des subventions.

Un problème fondamental de demande

Les entreprises françaises qui se sont lancées avec enthousiasme dans l’aventure souffrent à l’image de la start-up McPhy qui après avoir été donnée en exemple est aujourd’hui au bord de la faillite et pourrait voir son activité de fabrication d’électrolyseurs reprise par le groupe belge John Cockerill. Autre illustration de cet excès d’enthousiasme, le projet d’Airbus d’avion à hydrogène a été repoussé… aux calendes grecques. Les rodomontades il y a cinq ans de Bruno Lemaire, alors ministre de l’Economie, qui annonçait un avion à hydrogène français en 2035 n’y ont rien changé. L’Etat avait alors apporté généreusement 1,5 milliard d’euros.

Le gouvernement vient enfin d’admettre cette réalité en rendant publique sa nouvelle stratégie hydrogène qui réduit nettement les grandes ambitions de la précédente feuille de route annoncée en 2020. Elle tient compte du fait que la demande d’hydrogène vert, dans l’industrie comme dans les transports, est bien plus faible qu’attendu parce qu’elle nécessite des investissements massifs dans des équipements et des systèmes dont la rentabilité est très incertaine. Et les capacités de production ne sont pas au rendez-vous pour les mêmes raisons. Iil n’y a pas de clients prêts à payer le prix élevé de l’hydrogène bas carbone. L’hydrogène vert se trouve face à un problème de poule et d’œuf. Pour que les coûts baissent, il faut que des projets nombreux soient déployés. Mais tant qu’ils ne sont pas déployés, les coûts sont trop élevés pour convaincre des acheteurs… ce qui ne permet pas de lancer les projets.

Il était plus que temps

« Si les premiers résultats montrent un potentiel prometteur pour la filière, la mise en œuvre des solutions de réduction des émissions de dioxyde de carbone par l’hydrogène prend du temps », a reconnu mercredi 16 avril le gouvernement en annonçant la mise à jour de la « stratégie nationale » hydrogène. A ce jour, plus de 150 projets ont été soutenus et doivent permettre le développement de 8.000 emplois directs d’ici 2030, selon le gouvernement. La nouvelle feuille de route prévoit « un lissage des objectifs d’installation d’électrolyse… en raison du décalage prévisible du marché et du temps de développement technologique encore nécessaire ». Il est prévu désormais « jusqu’à 4,5 gigawatts » de capacités installées de production d’hydrogène bas carbone en 2030 et 8 GW en 2035, contre respectivement 6,5 GW et 10 GW dans la feuille de route de 2020.

Il était temps. La filière attend cette mise à jour depuis longtemps. France Hydrogène, qui représente justement la filière, a salué la publication de cette stratégie révisée. « Je dirais enfin, puisqu’on l’attend quand même depuis presque deux ans », a déclaré Philippe Boucly, le président de France Hydrogène.

L’hydrogène bas carbone reste une brique indispensable à la transition

Cela n’enlève en rien à la nécessité de recourir à l’hydrogène dans la transition énergétique, mais avoir raison trop tôt est aussi dangereux économiquement que d’être en retard. L’hydrogène vert reste le seul substitut décarboné aux combustibles fossiles dans certaines activités essentielles dans l’industrie lourde (sidérurgie, chimie, cimenteries, engrais…) et les transports sur longue distance, notamment aérien et maritime. Pierre-Etienne Franc, directeur général du fonds d’investissement spécialisé dans l’hydrogène Hy24, affirme que l’hydrogène est critique pour l’avenir de l’industrie lourde. Des filières entières « n’ont pas d’autre choix pour se décarboner, notamment l’acier et la chimie… Si on ne les soutient pas massivement, ils partiront hors de France voire hors d’Europe. Et là, on les aura perdus. Les soutenir, c’est assurer la survie de bassins industriels et d’emplois pour les 30 prochaines années ».

Pour rappel, l’hydrogène est un vecteur d’énergie, comme l’électricité. Ce n’est pas une source d’énergie, il faut le fabriquer. L’hydrogène vert est produit par électrolyse avec de l’électricité décarboné et l’hydrogène bleu, également décarboné, est fabriqué avec du gaz naturel mais avec capture du carbone émis lors de sa production.

La France n’est pas un cas isolé

Maintenant en faire un carburant abondant et surtout compétitif est une tâche de très longue haleine. La France n’est d’ailleurs pas un cas isolé à devoir revoir ses ambitions à la baisse. La construction de toutes pièces en quelques années et à l’échelle planétaire d’une économie de l’hydrogène se heurte à des nombreuses résistances et aux réalités économiques, financières et technologiques.

Des déserts d’Australie et de Namibie aux détroits de Patagonie en passant par la Ruhr et l’Andalousie, les entreprises et les gouvernements du monde entier avaient prévu de construire près de 1.600 usines pour produire de l’hydrogène décarboné. Bon nombre de ses projets ne sont tout simplement pas économiquement viables et impossibles à financer.

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