<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le gouvernement s’interroge, enfin, sur ses objectifs d’investissements massifs dans le solaire

12 mars 2025

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Le gouvernement s’interroge, enfin, sur ses objectifs d’investissements massifs dans le solaire

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La France doit-elle investir massivement dans l’électricité solaire après avoir produit l’an dernier 95% d’électricité décarbonée? D’autant plus, que la demande stagne et que la production nucléaire et hydraulique est amplement suffisante. Au point d’avoir battu l’an dernier des records d’exportations. La question mérite d’être posée. Elle est en fait esquivée, mais apparait en filigrane dans les objectifs de la troisième édition de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) mise « en consultation » le 7 mars… et élaborée laborieusement depuis 2021. Le gouvernement y revoit très légèrement à la baisse les ambitions concernant le solaire. Tandis que la précédente version prévoyait de 54 à 60 gigawatts (GW) de capacités installées, en 2030, et une cible haute de 100 GW, en 2035, l’exécutif mise désormais sur 54 GW au maximum à la fin de la décennie et 90 GW au plus haut, en 2035.

La France a-t-elle besoin de développer rapidement et massivement la production d’électricité photovoltaïque ? C’est une question que se pose le gouvernement… sans vraiment le dire. Il faut dire que le solaire photovoltaïque est l’énergie renouvelable préférée des écologistes et des technocrates bruxellois. Les prix des panneaux se sont effondrés depuis une décennie notamment grâce à la surproduction chinoise qui au passage a éliminé toute concurrence. La dernière usine de fabrication de panneaux a fermé en France et les industriels chinois qui contrôlent totalement le marché mondial ont même fini par s’organiser en cartel pour limiter l’effondrement des prix. Par ailleurs, les parcs solaires ne mobilisent pas d’oppositions locales farouches comme les éoliennes terrestres et marines et les méthaniseurs. Enfin, les panneaux sont faciles à installer y compris chez les particuliers pour leur autoconsommation.

Pour autant, le solaire photovoltaïque n’est pas sans désavantages, surtout à l’échelle des réseaux électriques. Sa production est par nature intermittente. Elle dépend étroitement de la météorologie et des conditions d’ensoleillement et… elle disparait la nuit. Elle est faible en hiver quand la demande est la plus importante. Elle déséquilibre les marchés de gros de l’électricité puisqu’elle est par définition abondante quand la demande est relativement limitée, en milieu de journée, et absente en fin de journée ce qui nécessite le recours aux moyens de production dits pilotable quand les éoliennes ne peuvent pas prendre le relais, faute de vent.

Prix négatifs de l’électricité

Cela se traduit de plus en plus fréquemment par des variations de prix insensées sur le marché de gros de l’électricité avec des tarifs négatifs dans la journée qui s’envolent quelques heures plus tard. Le phénomène des prix négatifs a représenté 235 heures au premier semestre de 2024, soit 5,4% du temps selon la Commission de régulation de l’énergie. Enfin, l’efficacité énergétique réelle des installations photovoltaïques est limitée et n’a rien à voir avec leur puissance nominale affichée. Elles produisent en moyenne sur une année un peu plus de 20% de leur puissance nominale.

EDF a ainsi fait savoir au début de l’année que les ambitions en matière de solaire étaient « trop élevées ». « Les débouchés du parc nucléaire se réduisent déjà et les fortes variations de puissance demandées font apparaître des contraintes sur les équipements et les organisations jamais rencontrées jusqu’alors », affirme l’entreprise publique. Le haut-commissaire à l’énergie atomique, Vincent Berger, estime, selon Les Echos, que la croissance du photovoltaïque doit être revue à la baisse pour éviter une « surproduction très pénalisante pour le consommateur ou pour le contribuable ». Michel Gioria, délégué général de France Renouvelables, ne conteste pas vraiment ce constat. « Les investissements dans les renouvelables coûtent plus cher s’il y a moins de clients. Il est légitime de s’inquiéter pour l’économie générale du système ».

Une question esquivée

Faut-il donc continuer à investir massivement dans l’électricité solaire pour un pays comme la France qui l’an dernier a produit 95% d’électricité bas carbone et qui fait face à une demande d’électricité stagnante et une production abondante nucléaire et hydraulique. Au point d’ailleurs, d’avoir battu l’an dernier des records d’exportations ? La question mérite d’être posée. Elle est en fait esquivée mais apparait en filigrane dans les objectifs de la troisième édition de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) mise « en consultation » le 7 mars et élaborée laborieusement depuis 2021 avec des objectifs… irréalistes et avant tout politiques.

Ainsi, par exemple, les deux tiers des ventes de voitures neuves devront être 100% électriques d’ici 2030, dans seulement cinq ans. Et le bâtiment devra réduire ses émissions à 35 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an, toujours en 2030, contre 62 millions de tonnes en 2022. Par quels miracles ? Tout cela après un énième débat public, inutile, et des décrets dans les prochains mois, pas de loi débattue au Parlement. Une façon de ne pas avoir à faire face aux contradictions.

Des ambitions revues légèrement à la baisse dans le solaire

En tout cas, le gouvernement revoit très légèrement à la baisse, dans ce document, les ambitions concernant le solaire. Tandis que la précédente version prévoyait de 54 à 60 gigawatts (GW) de capacités installées, en 2030, et une cible haute de 100 GW, en 2035, l’exécutif mise désormais sur 54 GW au maximum à la fin de la décennie et 90 GW au plus haut,
en 2035.

Le document précise que le rythme de développement, initialement fixé à 4 GW par an, sera ajusté à partir de l’horizon 2028- 2029, « pour être porté, si besoin est, au maximum à 7 GW par an ». Il devra « tenir compte des prévisions d’évolution de la consommation d’électricité et de développement des flexibilités ».

Eliminer le rachat de l’électricité provenant des toitures

Evidemment, la filière du photovoltaïque est vent debout contre cette nouvelle PPE. Elle « souffre d’être la dernière arrivée dans un système électrique français dont l’offre dépasse en ce moment la demande », explique Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables. Daniel Bour, président du syndicat professionnel Enerplan, regrette que « la filière apparaisse comme la seule variable d’ajustement » de la gestion de l’offre et de la demande d’électricité.

Les professionnels du solaire sont d’autant plus remontés que le gouvernement entend aussi réduire le soutien public aux petites et moyennes installations solaires sur les toitures. Il souhaite diminuer le tarif d’achat de l’électricité produite par ses panneaux, avec un effet rétroactif. Le 12 février, l’État a présenté un projet visant à recentrer les aides sur les installations en autoconsommation tout en réduisant le tarif payé pour le surplus injecté dans le réseau. Un changement qui s’appliquerait de manière rétroactive au 1er février de cette année.

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