Le gouvernement sacrifie EDF pour tenir ses promesses électorales

17 janvier 2022

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : edf logo
Abonnement Conflits
Abonnement Conflits

Le gouvernement sacrifie EDF pour tenir ses promesses électorales

par

Le gouvernement a décidé de faire supporter à EDF sa promesse inconsidérée de limiter à 4% cette année la hausse pour les particuliers des prix de l'électricité. Cela devrait coûter entre 7,7 milliards et 8,4 milliards d'euros à l'électricien public dont la dette dépasse largement 50 milliards d'euros et dont la rentabilité a été fortement impactée par les injonctions contradictoires de l'Etat depuis de nombreuses années. Le cours de Bourse de l'action EDF a brutalement décroché vendredi 14 janvier. Depuis son introduction en Bourse en 2005, le titre a perdu 70%. Les syndicats sont furieux et le Pdg Jean-Bernard Lévy a convoqué lundi 17 janvier les 200 plus hauts cadres de la société. Une augmentation de capital devient urgente pour rétablir la confiance.

Victime depuis de nombreuses années des injonctions contradictoires, des atermoiements et des stratégies à courte vue de son principal actionnaire l’Etat, EDF se trouve aujourd’hui dans une situation financière et industrielle considérablement dégradée. L’abandon en rase campagne il y a quelques mois, faute d’accord avec la Commission européenne, du projet de restructuration baptisé Hercule qui aurait permis à EDF de retrouver une marge financière a aggravé à la situation. Et le gouvernement vient encore d’affaiblir EDF en lui imposant de nouvelles charges pour pouvoir tenir sa promesse inconsidérée de limiter à 4% cette année la hausse des prix de l’électricité pour les particuliers bénéficiant des tarifs réglementés. Rien n’est trop beau et trop cher en année électorale pour maintenir le pouvoir d’achat…

Comme la baisse des taxes ne suffit pas à limiter la hausse à 4%, le gouvernement a donc décidé d’imposer à EDF de vendre une partie encore plus importante de sa production électrique nucléaire à prix cassée à ses concurrents. Il élargit ainsi le dispositif déjà aberrant baptisé Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) qui assure un prix d’achat préférentiel aux producteurs alternatifs. Cette usine à gaz a été construite par l’administration française pour créer une concurrence artificielle dans la distribution d’électricité et satisfaire ainsi les exigences de Bruxelles. Les consommateurs n’en ont pas bénéficié le moins du monde et EDF a été considérablement affaibli contraint de vendre à perte une partie de sa production électrique nucléaire amortie.

Un coût supplémentaire évalué entre 7,7 et 8,4 milliards d’euros

L’’Etat qui détient plus de 83% du capital d’EDF a décidé de porter de 100 à 120 térawatts-heure (TWh) les volumes que l’électricien public doit céder à prix réduits à ses concurrents. Cette décision devrait coûter une somme comprise entre 7,7 milliards et 8,4 milliards d’euros à EDF cette année

Les problèmes du groupe public ne s’arrêtent pas là. Il a annoncé parallèlement que le réacteur nucléaire de sa centrale de Penly, en Seine-Maritime, était lui aussi touché par un problème de corrosion sur le système de sécurité, déjà détecté ou soupçonné sur quatre autres réacteurs, les plus gros de Civaux et Chooz. Ils sont à l’arrêt jusqu’à la fin de l’année. En conséquence, la prévision 2022 de production d’électricité nucléaire a été ramenée entre 300 et 330 TWh contre 330-360 TWh auparavant, au plus bas depuis 1992. Au moment même où les prix de l’électricité flambent et les risques de pénuries en Europe et en France grandissent.

Il faut ajouter à cela l’énième report de la mise en service de l’EPR de Flamanvile, un chantier désastreux qui cumulent les retards, les dépassements de coûts et les malfaçons. Enfin, l’électricien fait face à un mur d’investissements colossal, à la fois pour entretenir son parc nucléaire existant et pour le renouveler.

De quoi nourrir un peu plus les craintes de son Pdg, Jean-Bernard Lévy. Le 29 juillet dernier Jean-Bernard Lévy qui présentait alors les résultats semestriels de l’entreprise mettait en garde. «Notre court terme est assuré, notre moyen et notre long terme ne le sont pas…».

Une augmentation de capital urgente pour rétablir la confiance

Dans une note d’analyse très récente sur la situation financière d’EDF, la banque JP Morgan souligne que pour compenser son manque de production l’électricien public devra sans doute acheter de l’électricité sur le marché de gros européen, ce qui se traduira par une hausse considérable de ses coûts et augmentera encore l’impact des mesures gouvernementales. Pour JP Morgan, il devient urgent pour EDF de renforcer son bilan. «Nous pensons qu’une augmentation de capital est probable à ce stade pour compenser la baisse importante de l’Ebitda à laquelle il sera confronté en 2022», explique la banque américaine. D’autant plus que la dette d’EDF dépasse largement 50 milliards d’euros…

EDF étant une nouvelle fois la variable d’ajustement de décisions politiciennes arbitraires. son action s’est logiquement effondrée en Bourse vendredi 14 janvier, perdant  jusqu’à 25% au plus bas dans la matinée C’est la plus forte baisse jamais enregistrée en séance par l’énergéticien dans son histoire. Le titre a fini en clôture sur un recul de 14,59%. Victime notamment des contradictions de l’Etat-actionnaire, l’action EDF a perdu 70% depuis son introduction en Bourse en 2005.

Jean-Bernard Lévy a convoqué lundi 17 janvier les 200 plus hauts cadres d’EDF. Quant aux syndicats, ils sont furieux. Dans un communiqué titré «Le Groupe EDF spolié par l’Etat sur l’autel des promesses électorales», les six administrateurs salariés d’EDF, dont le conseil d’administration compte 18 membres, se disent «scandalisés que l’Etat organise le pillage de l’entreprise EDF sur l’autel de considérations politiciennes». «(…) nous demandons à l’Etat actionnaire de compenser intégralement le coût du soutien provisoire demandé à EDF» pour limiter la hausse des prix de l’électricité, ajoutent-ils, jugeant que «d’évidence, EDF vend à perte» sa production électrique nucléaire.

Le problème est que l’État s’est piégé lui-même. Il a contribué à dégrader la rentabilité d’EDF et ne peut pas aujourd’hui, compte tenu du statut de l’entreprise et des contraintes de concurrence en Europe, souscrire à de massives et indispensables augmentations de capital. La machine à cash que représentaient pour EDF le nucléaire existant et l’hydraulique a été démolie à la fois par l’obligation de vendre aux concurrents une partie de sa production nucléaire et aussi par l’entrée subventionnée sur le marché des EnR (Énergies renouvelables) intermittentes. Enfin, EDF subit aussi le maintien de tarifs règlementés sur ses ventes de détail.

EDF, il faut s’en souvenir, a été le premier électricien mondial et le premier exportateur d’électricité de la planète. Il a été l’un des grands succès français technique et économique des Trente Glorieuses. Cette entreprise a fourni à tout le pays une électricité abondante et bon marché et en a fait un atout de sa compétitivité industriel. Elle est aujourd’hui tellement affaiblie financièrement et industriellement qu’elle est incapable en l’état d’être l’artisan indispensable en France de la transition énergétique. La faute à qui?

À propos de l’auteur

La rédaction

La rédaction

Newsletter

Voir aussi

Share This