<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Géothermie: passer de la parole aux actes

16 décembre 2024

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Installation géothermique
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Géothermie: passer de la parole aux actes

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L'Agence internationale de l'énergie, les institutions européennes, les ministres de l’énergie des 27 pays de l’Union, le Département américain de l’énergie et l’administration Biden mettent beaucoup d'espoirs et d'ambitions dans le développement de l’énergie géothermique. Mais si elle présente un grand nombre de qualités et d’avantages, elle nécessite des investissements importants pour construire les équipements permettant d’aller chercher les calories du sous-sol. Et pour l’instant, leur financement n'est pas du tout à la hauteur des ambitions.

Sur le papier, la géothermie a tous les avantages ou presque. C’est une source d’énergie renouvelable, non intermittente, bas carbone, accessible presque partout sur la croute terrestre (pour la géothermie dite de surface) et dont les équipements et installations sont extrêmement durables. Une sonde géothermique a une durée de vie d’un siècle. La géothermie permet de chauffer et climatiser les bâtiments et pour la géothermie dite profonde de produire de l’électricité et de la chaleur industrielle. En outre, il s’agit par définition d’une source d’énergie locale, aucunement affectée par les questions de souveraineté et de transport. Elle a pourtant deux handicaps. Les investissements de départ sont importants, même s’ils sont toujours rentabilisés, et plus encore, il n’existe pas de lobby et de grands intérêts économiques et politiques pour militer pour la géothermie, contrairement aux combustibles fossiles, au nucléaire et aux renouvelables intermittents…

Résultat, la géothermie ne bénéficie pas de l’intérêt, de l’attention et des moyens qu’elle mérite et sa place dans la transition est marginale. En Europe et un peu partout dans le monde, le discours sur la géothermie change depuis quelques années. Il est temps. Il faudrait maintenant qu’il se transforme en actes…

Les espoirs et les ambitions de l’Agence internationale de l’énergie

C’est ce pour quoi milite l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui a publié il y a quelques jours une étude approfondie de 125 pages sur la géothermie dans le monde. Elle souligne que la géothermie fait partie du système énergétique mondial depuis plus d’un siècle mais de façon marginale. Elle a beau être utilisée dans une quarantaine de pays, elle ne représente que 0,8% de l’énergie consommée dans le monde. Et cela peut et doit changer. L’AIE estime que la géothermie pourrait assurer jusqu’à 15% de l’augmentation de la demande d’électricité dans le monde d’ici 2050. Selon elle, le potentiel d’augmentation des capacités géothermiques mondiales est de 150 GW d’ici 2035, contre seulement 15 gigawatts aujourd’hui, et pourrait atteindre 800 GW d’ici 2050, l’équivalent de la consommation actuelle d’électricité des Etats-Unis et de l’Inde. L’AIE perd parfois le sens des réalités…

Son rapport met l’accent sur les progrès technologiques qui « permettent d’accéder à des ressources jusqu’alors inexploitées, tandis que les réductions de coûts et les modèles de financement innovants ouvrent la voie à l’accroissement du rôle de la géothermie dans les systèmes énergétiques du monde entier. Les techniques développées par l’industrie pétrolière et gazière – notamment une meilleure connaissance du sous-sol, le forage et le fonctionnement des puits, la prévision des flux et la gestion de projets à grande échelle – peuvent rapidement faire baisser les coûts et aider à exploiter les ressources géothermiques plus profondément dans le sol ».

Mieux gérer le développement des projets

« Les nouvelles technologies ouvrent de nouveaux horizons à l’énergie géothermique dans le monde entier, offrant la possibilité de répondre de manière sûre et propre à une part importante de la demande mondiale d’électricité qui croît rapidement », a déclaré Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE. « De plus, la géothermie est une opportunité majeure de tirer parti de la technologie et de l’expertise de l’industrie pétrolière et gazière. Notre analyse montre que la croissance de la géothermie pourrait générer des investissements d’une valeur de 1.000 milliards de dollars d’ici à 2035 ». En clair, un engagement massif de l’industrie pétrolière et gazière est indispensable. Car les techniques de forage maîtrisées par les industries pétrolière et gazière peuvent être mises à contribution afin que la géothermie ne soit pas réservée aux zones d’activité volcanique ou tectonique comme c’est le cas actuellement.

Mais l’AIE, qui a souvent tendance à prendre ses désirs pour la réalité, reconnait aussi que le développement de l’énergie géothermique nécessite impérativement de mieux gérer « les risques liés au développement des projets, les processus d’autorisation et de délivrance des licences, les préoccupations environnementales et l’acceptation sociale… ».

Un accord entre les ministres de l’énergie des 27 pays de l’UE

A l’échelon politique, les ministres de l’énergie des 27 pays membres de l’Union européenne (UE) se sont mis d’accord en décembre sur un texte exigeant un engagement en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant des systèmes de refroidissement et de chauffage et d’un engagement à travailler sur le potentiel de l’énergie géothermique pour remplacer les hydrocarbures dans la production d’électricité et le chauffage.

« L’utilisation de l’énergie géothermique contribue aux objectifs stratégiques de l’Union européenne en réduisant la dépendance énergétique et les importations de combustibles fossiles », indique le texte. Il suggère également que l’utilisation de l’énergie géothermique pourrait faire baisser les coûts de l’électricité qui sont nettement plus élevés en Europe qu’aux Etats-Unis et en Chine, appauvrissent les populations et sont en partie à l’origine de la désindustrialisation européenne.

Le problème majeur du financement

Maintenant, la géothermie occupe une place très limitée dans le paysage énergétique européen et il est difficile de voir comment l’Union peut financer des investissements massifs dans des équipements géothermiques. Cette source d’énergie a produit moins de 3% de l’énergie consommée par l’UE en 2022. Selon le groupe industriel European Geothermal Energy Council (Conseil européen de l’énergie géothermique), elle a le potentiel pour couvrir les trois quarts des besoins en chauffage et en climatisation des bâtiments résidentiels et commerciaux de l’UE d’ici 2040. Le principal problème est le financement. En juillet dernier, les ministres de l’énergie de l’UE avaient déjà travaillé sur la promotion de cette forme d’énergie et les moyens de la financer. Aucune décision n’avait été prise…

Les ambitions américaines

L’Europe n’est pas la seule à faire, en paroles, de la géothermie une priorité. Aux Etats-aussi, le Département de l’énergie fait des plans grandioses. Selon lui, les Etats-Unis pourraient produire jusqu’à 90 gigawatts (GW) d’électricité à partir de sources géothermiques d’ici 2050. Et dans un scénario encore plus ambitieux, cette production pourrait même atteindre 300 GW avec le développement de nouvelles technologies d’exploitation de la chaleur du sous-sol. Sous l’administration Biden, le Geothermal Technology Office (GTO) du ministère de l’énergie a publié un important rapport intitulé Next Generation Geothermal Liftoff report qui évalue les technologies géothermiques actuelles et futures.

Géothermie et pompes à chaleur

En France plus prosaïquement, le développement de la géothermie pour le chauffage des logements passe avant tout par le développement des pompes à chaleur qui utilisent les calories provenant des sondes géothermiques. Le problème est que le marché des pompes à chaleur est très loin d’atteindre les objectifs annoncés…

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