<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Les géants du numérique ont aujourd’hui besoin du nucléaire

22 octobre 2024

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Les géants du numérique ont aujourd’hui besoin du nucléaire

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Pour alimenter des besoins en énergie électrique en croissance exponentielle, notamment pour nourrir les centres de données (data center) indispensables à la révolution de l’intelligence artificielle, les Amazon, Google, Meta et Microsoft n’ont pas vraiment le choix. Ils investissent massivement depuis des mois dans le nucléaire qui seul peut leur fournir l’électricité abondante, fiable et décarbonée dont ils ont un grand besoin.

On peut qualifier cela d’ironie de l’histoire. Qui aurait pu imaginer il y a quelques décennies ou même quelques années que les entreprises prestigieuses qui ont mené la révolution numérique s’intéresseraient de très près à une technologie associée alors à l’industrie lourde, aux accidents de Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima et qui faisait l’objet d’un rejet presque planétaire ? Pourtant, nécessité fait loi. Et c’est bien ce qui se produit aujourd’hui. Amazon, Google, Meta et Microsoft, les géants de l’internet, engagés dans une nouvelle révolution, celle de l’intelligence artificielle (IA), ont des besoins qu’ils ont le plus de mal à satisfaire de puissance électrique pour alimenter leurs centres de données (data center).

On compte aujourd’hui plus de 8.000 data centers dans le monde. Et le nucléaire répond parfaitement à leurs besoins de puissance électrique fiable, décarboné, non intermittente et à des coûts qu’il est facile d’anticiper. Voilà pourquoi presque tous les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ont annoncé en quelques mois et tour à tour des investissements conséquents dans le nucléaire. Une décision qui marque un tournant majeur dans le paysage énergétique mondial.

Une électricité abondante, fiable et décarbonée

Elle s’explique d’abord et avant tout par la croissance exponentielle de la consommation électrique liée aux activités numériques. Les centres de données sont des gouffres énergivores. Pour alimenter leurs serveurs et assurer la fluidité des services en ligne, ces entreprises ont besoin d’une énergie à la fois abondante et stable. Selon une étude récente de Goldman Sachs, une requête sur ChatGPT nécessite environ 10 fois plus d’électricité qu’une recherche sur Google.

Le nucléaire, avec sa densité énergétique élevée et sa capacité à produire de l’électricité décarbonée en continu, apparaît comme une solution particulièrement adaptée à ces besoins. En investissant dans cette filière, les géants du numérique visent plusieurs objectifs.

-> Décarboner leur activité : En remplaçant une partie de leur consommation d’énergie fossile par de l’énergie nucléaire, ces entreprises réduisent significativement leur empreinte carbone et contribuent à la lutte contre le changement climatique.

-> Assurer la sécurité d’approvisionnement : Le nucléaire offre une source d’énergie stable et prévisible, permettant de garantir la continuité des services numériques, même en période de forte demande.

-> Soutenir l’innovation : En investissant dans des projets de recherche et développement, ces entreprises contribuent à faire évoluer le secteur nucléaire et à développer de nouvelles technologies, comme les petits réacteurs modulaires (SMR), plus flexibles et moins coûteux à construire que les grandes centrales traditionnelles.

Voilà pourquoi depuis plusieurs années les géants du numérique ont multiplié les initiatives pour s’assurer un approvisionnement énergétique stable et décarboné. Meta, par exemple, a annoncé des partenariats avec des producteurs d’électricité nucléaire en Europe pour alimenter ses centres de données. Amazon, quant à lui, a signé plusieurs accords aux États-Unis, notamment avec des entreprises développant des SMRs, comme X-Energy. Google n’est pas en reste et a également investi dans des projets de développement de SMRs ainsi que dans la technologie de fusion nucléaire qui permettra peut-être un jour à l’humanité d’accéder à une énergie presque illimitée. Ces initiatives montrent une chose : ces entreprises extrêmement profitables ont de tels besoins énergétiques qu’elles se doivent de jouer un rôle actif dans la transition.

Le symbole de Three Mile Island

L’exemple le plus emblématique de cette nouvelle dynamique est sans doute la récente annonce de partenariat entre Microsoft et l’opérateur de la centrale nucléaire de Three Mile Island. Cette dernière est restée tristement célèbre pour l’accident en 1979 de son réacteur numéro 2 qui a marqué l’industrie nucléaire mondiale. Le groupe Constellation qui a racheté le réacteur numéro 1 de cette centrale a signé un contrat de longue durée avec un des acteurs majeurs du numérique pour le relancer en 2028 et lui fournir alors exclusivement l’électricité produite.

S’il y avait encore des doutes sur la réalité de la relance du nucléaire dans le monde, le rapprochement entre les géants du numérique et cette industrie devrait les balayer. Pour autant, il reste indispensable de mener une réflexion approfondie sur les enjeux sociétaux, environnementaux et économiques liés au nucléaire. Les promoteurs des SMRs vont ainsi devoir faire la preuve de la viabilité économique de leur concept, chose qui n’a pour l’instant pas encore été faite.

Ironiquement, tandis que la France pourrait sembler avoir des atouts pour attirer les centres de données des géants de la technologie avec son parc de 57 réacteurs en fonctionnement, ce n’est pas vraiment le cas. Le déficit d’attractivité du pays efface largement l’avantage que représente une importante capacité de production électrique fiable et décarbonée. Des atouts qui sont aussi menacés par les incertitudes sur les politiques publiques en matière d’énergie, sur les investissements à venir et sur la fiscalité de l’énergie

Philippe Thomazo

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