Nous n’aurons certainement pas un réacteur nucléaire à fusion dans les dix prochaines années. Mais si l’humanité parvient à maitriser cette technologie, elle n’aura plus aucun problème pour disposer d’une source d’énergie surabondante, propre et renouvelable. Et les recherches progressent plus vite dans ce domaine que beaucoup l’imagine. La fusion nucléaire est le graal des scientifiques et chercheurs. Il s’agit de la réaction atomique qui se produit au coeur des étoiles. En théorie, un réacteur à fusion serait capable de produire une énergie presque sans limite, sans la moindre émission de CO2 et sans déchets. Toujours en théorie, deux grands réacteurs à fusion pourraient fournir en abondance toute l’énergie nécessaire à l’ensemble de la planète.
Le principe de la fusion, comme son nom l’indique, consiste a fabriquer de l’énergie par la fusion de deux noyaux atomiques légers tandis que les réacteurs nucléaires actuels utilisent, eux, la fission, c’est-à-dire cassent un gros noyau atomique en plusieurs morceaux, ce qui génère également de l’énergie. Mais la fusion en produit beaucoup plus. Le problème, de taille, est qu’il est impossible sur terre de récréer les conditions gravitationnelles et de température existantes au coeur d’une étoile. Il faut donc trouver le moyen de contenir et de confiner la réaction de fusion.
Porter un plasma à 150 millions de degrés dans une cage magnétique
La technologie que l’on tente de développer depuis des décennies est celle de la cage magnétique. Pas moins de 35 pays se sont ainsi associés pour tenter de fabriquer un réacteur expérimental, le projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), mené en France à Cadarache. Environ 60% du réacteur, le Tokamak, qui maintient le plasma à 150 millions de degrés sous contrôle dans une cage magnétique à l’aide d’aimants surpuissants, est aujourd’hui construit (voir la photographie ci-dessus). Mais il n’est pas imaginable qu’il puisse être testé avant plusieurs décennies.
Il existe aussi des recherches sur d’autres moyens de construire un réacteur à fusion dont des publications récentes semblent montrer qu’elles pourraient être prometteuses. Il y a notamment l’incroyablement complexe Wendelstein 7-X stellerator de l’Institut Max Planck et plus récemment la technologie développée par le Professeur Heinrich Hora et ses collègues de l’université de New South Wales en Australie. Elle est décrite dans un article de The Conversation. Elle utilise de puissants lasers pour fusionner des atomes d’hydrogène et de bore créant des particules hautement énergétiques pour générer de l’électricité. La difficulté, là encore, est de construire la machine qui puisse déclencher la réaction de fusion et contrôler l’énergie produite.
La façon la plus «facile» pour initier une fusion est d’utiliser deux différents isotopes d’hydrogène, le deutérium et le tritium. Le produit de la réaction est un ion d’hélium et un électron à déplacement rapide. Cette fusion se fait à une température de l’ordre de 150 millions de degrés. La matière est alors dans un état de plasma. Pour contenir le plasma, le champ magnétique créé doit être un million de fois plus puissant que celui de la terre et ne peut être généré qu’avec une puissance électrique considérable et des bobines supraconductrices. Cela forme un réacteur dit Tokamak qui a déjà fonctionné de façon expérimentale en Russie (à l’époque en URSS), aux Etats-Unis, au Royaume-Uni. La Chine et le Japon y travaillent également. Mais le Tokamak le plus important, le plus ambitieux et le plus puissant jamais réalisé est celui en cours de construction à Cadarache. Il est en quelque sorte le prototype d’une centrale à fusion.
Un laser pour chauffer des pastilles d’hydrogène et de bore
La technologie développée par l’Université de New South Wales utilise un laser pour créer un champs magnétique très puissant et un second laser pour chauffer des pastilles d’hydrogène et de bore et atteindre le point de fusion. Quand un noyau d’hydrogène avec un seul proton fusionne avec un noyau de bore contenant 11 protons il produit trois noyaux d’hélium. Cela a l’avantage comparé avec la réaction deutérium-tritium de ne pas produire des neutrons qu’il est difficile de contenir. Mais en revanche, la réaction hydrogène-bore est encore plus difficile à amorcer. Mais cela serait possible avec des impulsions très puissantes et très brèves, de nanosecondes, de laser. Selon le Professeur Heinrich Hora, cela produit dans les pastilles contenant de l’hydrogène et du bore comme un effet d’avalanche.
Cette technologie semble suffisamment prometteuse pour qu’une start-up se soit créée au sein de l’université de New South Wales pour la développer et a d’ores et déjà déposé des brevets aux Etats-Unis, en Chine et au Japon. Cette société s’appelle HB11 Energy. Le Docteur Warren McKenzie qui dirige HB11 Energy a expliqué au media New Atlas les ambitions de HB11 Energy. «Un grand nombre d’expériences de fusion utilisent les lasers pour atteindre des températures folles. Ce n’est pas ce que nous faisons. Nous n’utilisons pas le laser pour accélérer massivement l’hydrogène à travers le bore. Vous pouvez dire que nous utilisons l’hydrogène comme un dard et espérer qu’il touche le bore. Si nous touchons un atome de bore, nous pouvons démarrer une réaction de fusion.» Mais Warren McKenzie ne veut surtout pas s’engager sur un calendrier. «Je ne veux pas me ridiculiser en promettant que nous pourrons montrer quelque chose dans dix ans.» Il prévoit trois étapes. Démontrer la réaction, ce qui lui semble relativement facile. Ensuite obtenir une réaction suffisamment forte pour dégager un gain d’énergie et enfin, créer un concept de réacteur qui fonctionne. Rendez-vous dans quelques années en Australie.
Entretemps, le projet ITER aura peut-être lui aussi franchi des étapes importantes. «Nous pouvons vraiment tout changer et créer un réel substitut aux énergies fossiles», expliqueBernard Bigot, le Directeur général d’Iter à Forbes. «Nous savons que nous ne pouvons pas dépendre des énergies fossiles pour toujours. Nous devons abandonner nos modes de consommation actuels et c’est pour cela que nous avons besoin en urgence d’une alternative», ajoute-t-il. Et pour cela, il faut créer le coeur d’une étoile sur la terre. ITER doit créer son premier plasma en 2025…