La fusion nucléaire est le graal des scientifiques et de la transition énergétique. C’est un rêve et une utopie, pourtant ancrés aujourd’hui dans la réalité. Il s’agit de la réaction atomique qui se produit au cœur des étoiles. En théorie, un réacteur à fusion serait capable de produire une énergie presque sans limite, sans la moindre émission de gaz à effet de serre et quasiment sans déchets. Toujours en théorie, quelques grands réacteurs à fusion pourraient fournir en abondance toute l’énergie nécessaire à l’ensemble de la planète.
National Ignition Facility de Californie
Le principe de la fusion, comme son nom l’indique, consiste a fabriquer de l’énergie par la fusion de deux noyaux atomiques légers tandis que les réacteurs nucléaires actuels utilisent, eux, la fission, c’est-à-dire cassent un gros noyau atomique en plusieurs morceaux, ce qui génère également de l’énergie. Mais la fusion en produit beaucoup plus. Le problème, de taille, est qu’il est impossible sur terre de récréer les conditions gravitationnelles et de température existantes au cœur d’une étoile. Il faut donc trouver le moyen reproduire, de contrôler et de contenir la réaction de fusion sur terre.
Des recherches sont menées depuis des décennies par les plus grands pays du monde et notamment dans le sud de la France non loin de Cadarache avec le projet ITER pour International Thermonuclear Experimental Reactor (Réacteur thermonucléaire expérimental). Il s’agit tout simplement aujourd’hui du plus grand programme scientifique au monde et du plus important ouvrage de génie civil en cours de construction en Europe. ITER réunit pas moins de 35 pays et ces composants sont fabriqués en Europe, en Chine, en Inde, au Japon, en Corée du sud et aux Etats-Unis. Son budget initial de 5 milliards d’euros a été multiplié par quatre depuis le début de sa construction en 2007. Si tout se passe bien, la production expérimentale du premier plasma est prévue en décembre 2025, et suivant les résultats un démonstrateur industriel pourrait voir le jour d’ici 2035.
Mais en attendant d’autres projets de recherche font aussi des progrès majeurs sur la voie de la fusion. Au National Ignition Facility en Californie, l’équipe de recherche a réussi à produire au début du mois un niveau d’énergie sans précédent en déclenchant une réaction de fusion avec les lasers les plus puissants au monde. L’expérience, qui a eu lieu le 8 août, «a été permise par la concentration de lasers», pas moins de 192, «sur une cible de la taille d’un plomb» de chasse, explique un communiqué.
La production d’électricité sur terre par fusion peut devenir un jour une réalité
Les experts ont concentré les faisceaux laser sur un point constitué d’une capsule faite de deux isotopes d’hydrogène, du deutérium et du tritium. La fusion de leurs noyaux a généré un plasma d’hélium. C’est exactement la réaction qui se produit au cœur d’une étoile, la transformation par fusion des atomes de l’hydrogène en hélium.
Ce processus a produit une explosion d’énergie de dix quadrillions de watts pendant une période extraordinairement brève de 100 trillionièmes de secondes. C’est huit fois plus d’énergie que lors des dernières expériences réalisées au printemps.
Il s’agit, même si cela semble anecdotique, d’un pas de géant. Cette avancée a placé l’expérience de fusion au «seuil d’ignition», c’est-à-dire très proche du seuil où l’énergie produite atteint, et surtout dépasse, celle qui est utilisée pour y parvenir. Cela signifie que la production d’énergie sur terre par fusion nucléaire peut devenir un jour une réalité.
Les lasers ont émis 1,9 mégajoule et la fusion a généré 1,35 mégajoule. Le seuil d’ignition n’a pas été atteint, mais approché à 70%. Les précédentes expériences ne dépassaient pas 3%…
«Ce résultat constitue une avancée historique pour la recherche sur la fusion par confinement inertiel», s’est réjoui Kim Budil, le directeur du Lawrence Livermore National Laboratory, dont dépend le NIF. Ce résultat «prouve qu’une petite quantité d’énergie, faisant imploser une petite quantité de masse, peut provoquer la fusion. C’est un résultat merveilleux», a ajouté Michael Campbell, du Laboratory for Laser Energetics, dans la revue Science.
Des préparatifs sont d’ores et déjà en cours pour reproduire cette expérience, ce qui prendra «plusieurs mois».