Substituer aux carburants fossiles des sources d’énergie décarbonées est l’objectif, le seul possible et acceptable, de la transition énergétique. Mais contrairement à ce que clament sans cesse bon nombre de militants, de lobbys, de politiques et de technocrates qui vivent dans un monde de fantaisies, cela ne pourra pas se faire en quelques années et très difficilement en quelques décennies. La consommation mondiale de pétrole et de charbon va encore atteindre de nouveaux sommets historiques cette année et le gaz naturel est sans doute l’énergie fossile qui perdurera le plus longtemps. Ce n’est pas pour rien si la France via TotalEnergies vient de signer un contrat d’approvisionnement de Gaz naturel liquéfié (GNL) de 27 ans… avec le Qatar.
Ce pays est le premier exportateur mondial de GNL depuis 2011 et est sans le moindre doute l’un des principaux bénéficiaires de la crise gazière née l’an dernier après l’invasion de l’Ukraine. Le Qatar, qui exportait avant tout son gaz vers l’Asie, est en train de devenir également un fournisseur privilégié et obligé des pays européens. Son GNL et celui venant des Etats-Unis sont amenés à remplacer le gaz naturel russe qui était lui acheminé par gazoducs, notamment par les fameux Nord Stream 1 et Nord Stream 2 qui ont été sabotés.
Illustration du rôle grandissant que va jouer et pour longtemps le Qatar comme fournisseur de gaz à l’Europe et à la France, Doha et TotalEnergies ont donc signé mercredi 11 octobre deux accords majeurs d’approvisionnement en GNL pour une durée de 27 ans. La signature des contrats a eu lieu à Doha, la capitale du Qatar, en présence du Pdg de TotalEnergies, Patrick Pouyanné. «Des filiales de QatarEnergy et de TotalEnergies ont signé deux accords de vente et d’achat pour fournir jusqu’à 3,5 millions de tonnes par an de GNL du Qatar à la France», a annoncé QatarEnergy dans un communiqué. L’entreprise a ajouté que les livraisons débuteront en 2026.
Plus grand projet de développement de production de GNL au monde
Elles proviendront des projets assez spectaculaires de développement de ses capacités de production lancés par le Qatar, les plus importants au monde. Il s’agit des champs nord, précisément North field east et North field south, du plus important gisement de gaz au monde que le Qatar partage dans le Golfe persique avec l’Iran. TotalEnergies est directement impliqué dans ses développements et détient des parts de 6,25% dans North Field East et 9,375% dans North field South. La première phase de développement doit permettre d’augmenter la capacité de production du Qatar de 43%, passant ainsi de 77 à 110 millions de tonnes par an d’ici 2025. La deuxième phase fera passer d’ici 2027 la capacité de production de 110 à 126 millions de tonnes, soit une augmentation totale de 64%.
Ces accords «démontrent notre engagement continu envers les marchés européens en général et le marché français en particulier, contribuant ainsi à la sécurité énergétique de la France», a déclaré le ministre qatari de l’Energie et Pdg de QatarEnergy, Saad Sherida Al-Kaabi. En juillet dernier, il avait affirmé que «40% des nouvelles capacités de production de GNL qui entreront sur le marché d’ici 2029 viendront de QatarEnergy quand l’ensemble de nos projets auront été menés à bien et seront opérationnels».
Des contrats à long et très long terme signés avec l’Allemagne et la Chine
Le moment est décisif pour le Qatar. La crise énergétique lui a offert une fantastique opportunité de renforcer et consolider et pour longtemps sa position de premier fournisseur mondial de GNL. En novembre dernier, deux contrats avaient montré la voie. L’un avec l’Allemagne pour fournir 2 millions de tonnes par an de GNL pendant quinze ans et un autre de 27 ans avec le géant chinois Sinopec pour 4 millions de tonnes. En juin dernier, le Qatar a signé un autre contrat, toujours de 27 ans, mais cette fois avec China National Petroleum et toujours pour 4 millions de tonnes par an.
Le développement des capacités de production de GNL va connaître une accélération considérable dans les prochaines années pour répondre à la demande en augmentation rapide en Europe et en Asie. L’Institute for Energy Economics and Financial Analysis prévoit que 64 millions de tonnes de capacités supplémentaires de liquéfaction annuelle seront mises en service d’ici 2026. Il n’y a pas de précédent à une telle rapidité dans l’histoire de l’industrie mondiale du gaz. Uniquement dans le golfe Persique, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Oman se sont mis aussi à développer des projets d’exportation de GNL. Et dans le même temps, l’Europe va considérablement augmenter ses capacités de regazéification, de largement plus de 50 millions de tonnes par an d’ici 2027 selon une étude de Wood Mackenzie.