Depuis février 2022, la France a fait de la relance du nucléaire une priorité. Annonce du programme EPR2, agrandissement de l’usine Georges Besse 2, Cigeo, SMR, réacteurs de 4ème génération à neutrons rapides… Pas une semaine ne se passe sans qu’une nouvelle annonce ne soit faite en la matière.
Mais les opposants à l’énergie nucléaire n’ont pas renoncé. Ils dénoncent l’isolement de la France en Europe et même dans le monde. Si jusqu’à ce jour beaucoup de pays ont manifesté de l’intérêt pour une énergie permettant de produire et pour longtemps une électricité abondante et décarbonée, peu d’entre eux avaient annoncé des chantiers de l’ampleur de ceux lancés dans l’hexagone, en-dehors évidemment de la Chine.
La Suède comme la France produit déjà une électricité fortement décarbonée
Face à cet attentisme -et, disons le, cette frilosité générale – l’appel d’Agnès Pannier-Runacher, la Ministre de la transition énergétique, à tripler la production nucléaire mondiale dans les prochaines décennies semblait presque vain. Mais en Europe la France n’est désormais plus seule. Un autre pays européen, la Suède, qui n’avait pas caché son intention de se tourner plus largement vers le nucléaire, vient de dévoiler un programme très ambitieux.
Possédant 6 réacteurs en exploitation dans 3 centrales, le pays scandinave avait choisi à la fin des années 1990, emporté comme les autres par les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, de sortir du nucléaire progressivement, en commençant par interdire la construction de nouvelles capacités de production au-delà d’un certain plafond. Mais l’invasion de l’Ukraine par la Russie a changé la donne. Il n’est plus question de construire éventuellement des centrales thermiques fonctionnant avec du gaz russe. Et la Suède comme tous les pays engagés dans la transition énergétique va devoir faire face à une augmentation de sa consommation dans les prochaines années. La fameuse électrification des usages.
Comme la France, la Suède bénéficie d’une électricité très décarbonée à la fois d’origine hydraulique, avec un potentiel important, et donc nucléaire qui assure environ 30% de la consommation du pays. Dès le printemps, le gouvernement suédois a ainsi annoncé l’abrogation du plafond de construction par une nouvelle loi en préparation, ouvrant la voie à de nouveaux projets.
Un partenariat avec la France pour construire des EPR2 et même des SMRs
Ceux-ci ont été décrits cette semaine, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont ambitieux. L’objectif affiché est la construction de 10 nouveaux réacteurs d’ici 2045, dont une majorité de SMRs (Small Modular Reactor) ou petits réacteurs modulaires, mais aussi des réacteurs de forte puissance.
Une excellente nouvelle pour EDF. En visite à Paris en janvier dernier, le Premier ministre suédois, Ulf Kristersson s’était déclaré très intéressé par un partenariat avec la France dans le domaine nucléaire. Il avait été particulièrement explicite : « le nouveau gouvernement suédois est déterminé à construire de nouvelles centrales nucléaires et nous sommes très impressionnés par l’expérience française. […] Je suis entièrement ouvert à ce que la France soit un des pays qui fasse en sorte que la Suède ait plus de nucléaire. »
Le chef du gouvernement scandinave avait alors évoqué l’achat de deux réacteurs de forte puissance qui pourraient-être des EPR2. Mais avec des ambitions revues à la hausse, la France a aussi d’autres projets qui pourraient répondre aux besoins suédois. Il y a par exemple Nuward, le projet de SMR d’EDF. Le français Orano pourrait également fournir du combustible aux centrales suédoises et le retraiter.
L’alliance entre Paris et Stockholm semble particulièrement prometteuse. Mais il reste maintenant à l’industrie nucléaire française à démontrer aux Suédois qu’elle a surmonté ses difficultés passées et qu’elle est capable de construire relativement rapidement et sans encombres de nouveaux réacteurs. Pas comme à Okiluoto en Finlande, où il a fallu 18 ans pour que le chantier soit terminé et que l’EPR entre en service.
Philippe Thomazo