Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France (RTE) ne voit aucune urgence à la transition vers de l’hydrogène bas carbone et n’a clairement pas la moindre envie de voir un réseau de distribution d’hydrogène «propre» lui faire de l’ombre. Telles sont succinctement les conclusions d’une étude de 68 pages que vient de publier RTE baptisée «La transition vers un hydrogène bas carbone» (Atouts et enjeux pour le système électrique à l’horizon 2030-2035).
Il faut dire que la question de l’hydrogène n’est même pas évoquée dans la nouvelle feuille de route énergétique française (le fameux PPE), dont le texte final a été publié le 20 janvier et qui est soumis à une consultation publique jusqu’au 19 février. Dans le même temps, la Chine, la Corée du sud, le Japon, Singapour, les Etats-Unis et notamment la Californie et l’Allemagne misent résolument sur des filières hydrogènes en y investissant des dizaines de milliards…
Etablie officiellement en concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur, l’étude de RTE résume les enjeux du développement de la production d’hydrogène vert par électrolyse. Le document reconnait que l’hydrogène bas carbone sera utile pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’économie française, avant tout dans le secteur de l’industrie et des transports. Pour autant, rien ne presse…
Se hâter très lentement
La transition se fera lentement… par étapes. Il ne s’agit pas de bouleverser les positions acquises. D’abord, à moyen terme, la production d’hydrogène vert visera avant tout à décarboner les usages existants de l’hydrogène dans l’industrie. Il s’agira ensuite de consacrer l’hydrogène vert à la mobilité (transport lourd principalement). À un horizon 2035, cela représenterait une production de 630.000 tonnes d’hydrogène bas carbone par an pour l’industrie, soit une consommation d’électricité d’environ 30 TWh, sur un total prévu par la PPE d’une production nationale de 615 TWh par an d’électricité décarbonée.
Ce surplus de consommation, limité, ne posera évidemment aucun problème à RTE. L’hydrogène vert permettra alors de limiter les émissions de CO2, à l’horizon 2035, d’environ 6 millions de tonnes par an, soit à peine 1% des émissions nationales.
La seconde étape de la transition, qui consistera à utiliser le potentiel de stockage de l’hydrogène produit avec de l’électricité renouvelable, n’interviendrait pas, selon RTE, avant 2035, dans quinze ans. Jusqu’à cette échéance, l’utilisation de l’hydrogène comme moyen de stockage n’est pas jugée nécessaire pour augmenter et récupérer les volumes d’énergies renouvelables prévus par la PPE et réduire à 50% de la part du nucléaire, explique le rapport de RTE.
A très long terme… tout devient possible
Enfin, à très long terme, cette fois tout devient possible. A l’horizon 2050, la France aura besoin de stockage d’hydrogène si des scénarios majoritairement renouvelables sont adoptés. Malgré un rendement médiocre (entre 25% et 35%), la boucle dite «power-to-gas-to-power» (Energies renouvelables- hydrogène- électricité décarbonée) sera alors indispensable à l’équilibre du système électrique… et à la neutralité carbone de la France.
Une vraie filière d’hydrogène vert n’est pas donc pas prête de voir le jour en France. Après avoir abandonné le solaire et l’éolien national et laissé décliner le nucléaire, la France n’a pas l’intention non plus de miser sur l’hydrogène. Le président de la Commission de régulation de l’énergie, Jean-François Carenco, est même farouchement opposé à l’injection d’hydrogène vert dans les réseaux de gaz. Cela n’est de toute façon pas prévu dans la loi climat énergie de décembre 2019, qui fixe des objectifs plus que limités. A savoir, atteindre 10% de production d’hydrogène bas carbone en 2023 et 20% à 40% en 2030. Un enterrement de première classe.