À quelle date l’EPR de Flamanville (Manche), le réacteur nucléaire de nouvelle génération, sera-t-il enfin mis en service ? Personne n’est capable aujourd’hui de répondre à cette question tant les difficultés techniques n’ont cessé de se multiplier depuis des années et la mise en chantier en… 2007. Son coût de fabrication, a plus que triplé, passant de 3,3 milliards d’euros initialement à 10,9 milliards d’euros.
Même les dirigeants de l’Autorité de sureté nucléaire (ASN) font part de leurs doutes. Auditionnés il y a quelques jours, comme tous les ans, par les parlementaires de l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), les dirigeants de l’ASN ont insisté sur la perte dramatique de savoir-faire et de compétence.
«Cela soulève un doute sur la capacité de la filière nucléaire à mener des travaux d’importance», a expliqué Bernard Doroszczuk, le président de l’ASN. Il met en avant «la perte d’expérience» et la «perte de compétence et la faiblesse du tissu industriel». La dernière centrale nucléaire à avoir été raccordée au réseau en France est celle de Civaux, dans la Vienne. C’était il y a 20 ans. Les ingénieurs et les techniciens qui ont fabriqué le grand programme de centrales nucléaires françaises dans les années 1970 et 1980 sont aujourd’hui à la retraite. Et ils n’ont pas transmis leur savoir-faire.
L’EPR de Flamanville est un réacteur à eau pressurisé, fruit d’une collaboration franco-allemande qui remonte aux années 1990. L’objectif après la catastrophe de Tchernobyl était notamment de concevoir des réacteurs plus sûrs. Selon EDF, ce réacteur dit de troisième génération devrait par ailleurs produire 22% de plus d’électricité qu’un réacteur traditionnel avec la même quantité de combustible nucléaire.
Le premier EPR au monde, Taishan 1, a été mis en service en Chine en 2018. A ce jour, quatre autres réacteurs de ce type sont en construction: en France à Flamanville, en Finlande, au Royaume-Uni et en Chine où un deuxième réacteur, Taishan 2, est en phase de montée en puissance.
Les derniers problèmes identifiés sur l’EPR de Flamanville tiennent à la qualité défectueuse de huit soudures sur la tuyauterie qui traverse la double enceinte du réacteur et doit acheminer la vapeur sous pression vers la turbine. «Le niveau d’exigence sur ces soudures est tout à fait atteignable. Il a été atteint sur la traversée de l’enceinte de la centrale de Civaux il y a vingt ans. Il n’y a pas d’excès d’exigence de la part de l’ASN», a affirmé Bernard Doroszczuk. Ces soudures n’ont pas posé de problèmes sur les autres EPR dans le monde, à Olkiluoto en Finlande où à Taishan en Chine. Sur ces soudures, l’ASN rendra un avis définitif en juin. EDF devra soit les refaire, soit renforcer toute la structure pour pouvoir faire face à une éventuelle rupture des canalisations.
En tout cas, la faiblesse des compétences industrielles en France pose de très graves problèmes pour l’avenir de la filière nucléaire à la fois pour la remise à niveau des réacteurs anciens, pour le démantèlement de certaines installations et pour la mise en oeuvre d’un programme de nouveaux EPR.