L’année 2020 a été la pire depuis des décennies pour l’industrie automobile française. Le niveau de production a baissé de 40% pour revenir à celui des années 1960. Une situation plus dégradée que celle de l’Allemagne, de l’Espagne ou du Royaume-Uni. Elle est la conséquence de choix politiques incohérents consistant à avoir un coût du travail élevé rendant impossible la production de petits modèles sur le sol français et à avoir dans le même temps une fiscalité favorisant grandement ces mêmes petits modèles. Une situation qui ne peut que continuer à se dégrader… Si besoin en était, les fermetures successives au cours des dernières années des usines de pneumatiques de Bridgestone à Béthune en 2020, Michelin à La Roche-sur-Yon en 2019, Goodyear en 2013 à Amiens et Continental en 2009 à Clairoix suffiraient à le démontrer. Tout comme l’annonce il y a seulement quelques jours de centaines de suppressions de postes dans l’usine Bosch de Rodez.
La désindustrialisation s’accélère
Le risque est que Renault et PSA, devenu Stellantis, n’aient bientôt plus de français que le nom et la présence sur leur territoire national de leurs sièges sociaux. En dépit des discours, la désindustrialisation de la France ne ralentit pas… elle accélère. La France a ainsi battu l’an dernier le record atteint en 2019 de déficit commercial automobile à 15,4 milliards d’euros. Autre record qui n’est pas sans lien avec le précédent, elle est le pays en Europe qui taxe le plus les voitures. En 2019, selon les statistiques compilées par l’Association des constructeurs européens d’automobiles, les taxes sur l’automobile ont rapporté en France 83,9 milliards d’euros, pas moins de 36% des recettes fiscales nettes!
Pour en revenir aux 15,4 milliards d’euros de déficit commercial, il est le résultat de 55,8 milliards d’euros d’importations de véhicules et de pièces détachées et d’exportations pour un total de 40,4 milliards. Au milieu des années 2000, l’excédent commercial de l’automobile française atteignait encore 10 milliards d’euros… L’automobile est ainsi devenue le troisième poste le plus déficitaire du commerce extérieur français derrière les hydrocarbures (-27 milliards), l’électronique-optique et informatique (-18,7 milliards) et ex-aequo avec le textile-habillement.
Cela est la conséquence de la baisse continue de la production automobile sur le sol français. Celle-ci, utilitaires compris, s’est donc effondrée de 40% l’an passé à un peu plus de 1,3 million de véhicules. C’est le plus mauvais score européen. La production espagnole a reculé dans le même temps de 20%, l’allemande de 25%, la britannique de 30%. La pandémie n’est pas la seule cause du déclin. Elle l’a accéléré et amplifié. La France «représente moins de 2% de la production auto mondiale contre 2,5% en 2019 et 5% en 2005», souligne le dernier rapport de la Fiev (Fédération des équipementiers).
La politique fiscale française favorise à outrance les petits modèles fabriqués à l’étranger
La principale cause de cette disparition des chaînes de montage est la délocalisation de la production des petits véhicules, une spécialité française. Mais elle n’est plus compétitive sur le sol français compte du coût du travail et du niveau de la fiscalité. Le coût horaire dans l’industrie française atteint 38,7 euros (selon Rexecode), contre 23,6 en Espagne, 18,4 en Slovénie, 14 en Slovaquie, 6,6 en Roumanie. Conséquence, la Peugeot 208 II est assemblée en Slovaquie et au Maroc. La Citroën C3 est produite depuis 2016 en Slovaquie. La Clio V de Renault est fabriquée en Turquie et en Slovénie.
Même chose pour les petits SUV. Les derniers Peugeot 2008 II et Captur II sont fabriqués en Espagne. Leur concurrent Citroën C3 Aircross est aussi assemblé dans la péninsule ibérique. Toutes les Dacia sont produites à l’étranger (Roumanie, Maroc). Une bonne partie des véhicules électriques est aussi assemblée hors de France. C’est le cas de la Renault Twingo électrique, montée en Slovénie. Et la Dacia Spring, l’électrique la plus accessible, est importée de Chine.
Renault et PSA ont bien essayé de spécialiser leurs usines françaises dans des modèles de gamme moyenne dont les marges supérieurse les rendent moins sensibles aux coûts, un peu sur le modèle allemand. Mais la politique fiscale française favorise considérablement les petits modèles. Ils représentent 60% des ventes de véhicules neufs aujourd’hui, contre 40% à peine au début des années 1990! Une évolution qui ne peut que se poursuivre et même s’accentuer. L’alourdissement du malus sur les voitures prévu par le gouvernement en 2021, 2022 et 2023 va frapper encore davantage les voitures familiales. D’autant plus, qu’il prendra en compte le poids des véhicules.
Aucune raison d’installer de nouvelles chaînes de production en France
Il faut ajouter à cela le reflux rapide du diesel à 31% des ventes de voitures neuves l’an passé seulement contre encore 57% en 2015. Le diesel était un des points forts de l’industrie automobile française favorisé pendant de nombreuses années par les pouvoirs publics avant d’être rejeté. Les maires de nombreuses grandes villes ont même annoncé le bannissement prochain de cette motorisation dans leurs agglomérations. Le problème est que les moteurs diesel sont fabriqués en France, en totalité pour PSA et partiellement pour Renault.
Pour finir, l’électrification à marché forcée des véhicules va encore augmenter la pression sur les constructeurs qui perdent au passage 40% de la valeur ajoutées des voitures, les batteries. Elles sont aujourd’hui importées d’Asie en totalité.
Tout cela signifie qu’il est difficile d’imaginer dans un avenir proche les raisons pour lesquelles des constructeurs automobiles rapatrieraient ou installeraient de nouvelles chaînes de production en France. C’est le cas évidemment pour les véhicules à moteur thermique qui sont sur le déclin mais également pour les véhicules électriques à batteries voire à hydrogène et pile à combustible.