Quelque 2,2 millions de véhicules 100% électriques et hybrides rechargeables ont été vendus dans le monde en 2018, soit à peine 3,8% du marché mondial. En Europe, avec 408.000 voitures «vertes» livrées en 2018, et 260.000 sur la première moitié de l’année 2019, on est aussi très loin d’un raz de marée: cela représente 2,7 % du marché. En France, c’est encore plus compliqué. Au premier semestre de 2019. Les voitures électriques ont représenté 1,8% des immatriculations de véhicules neufs… Sur les huit premiers mois de l’année, selon l’AVERE (Association pour la mobilité électrique), les ventes de modèles dits «zéro émission», purement électriques, représentaient 2% du marché (31.685 immatriculations).
On est très très loin des prévisions de grands cabinets qui prenaient les désirs des constructeurs pour la réalité: 19% en 2025 selon AlixPartners, et même 40% en 2023 selon PwC… Il faut dire que les constructeurs ont de quoi réellement s’inquiéter. Sous la pression des contraintes d’émissions moyennes par véhicule imposées par l’Union Européenne, sous peine de très fortes amendes, ils ont fait le pari de l’électrique. Les investissements en cours et à venir atteignent la somme considérable de 145 milliards d’euros selon le cabinet IHS et l’ONG Transport & Environnement. Les nouveaux modèles électriques vont se succéder par dizaines dans les concessions. Il faudra encore réussir à les vendre.
Seuls 10% des Français se disent prêts à acheter une voiture électrique
«La demande ne se décrète pas» reconnaissait Ola Kallenius, le Président de Daimler Mercedes Benz, lors du Salon automobile de Francfort le mois dernier. Carlos Tavares, président de PSA et de l’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobiles), résumait bien alors la difficulté. «La prochaine grande question ne concerne pas les voitures, parce qu’elles vont être là. La prochaine grande question est celle de la mobilité abordable et comment nous faisons pour que cela fonctionne pour le plus grand nombre de personnes».
Cette difficulté se reflète parfaitement dans les résultats du baromètre de l’Argus, publié il y a quelques jours. Seuls 10% des français se disent prêts à acheter une voiture électrique. Les messages «moralisateurs» incessants des pouvoirs publics, des médias et des constructeurs sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre ne suffisent pas. Le prix, toujours élevé pour la plupart de ses véhicules est un frein à l’achat. Mais il n’arrive qu’en troisième position (51%) dans les raisons du rejet.
Pour 63% des personnes sondées, le premier problème tient au manque d’autonomie des batteries. Malgré l’augmentation sensible de l’autonomie sur les modèles récents, l’usage d’un véhicule électrique reste bien plus contraignant que celui d’un véhicule thermique. Les consommateurs n’aiment pas, sur des achats aussi importants qu’une voiture, payer pour une technologie dont ils ne voient pas vraiment les avantages et restent inquiets sur la capacité avec un véhicule électrique de pouvoir se déplacer là où ils veulent aller. Les doutes sont aussi nombreux sur les performances réelles par rapport à celles annoncées. Car 400 kilométres d’autonomie selon la dernière norme WLTP, c’est 450 kilomètres sur les départementales à moins de 80 km/h et…au mieux 250 km à 130 sur autoroute et même 200 km si le parcours se fait en partie en montagne ou avec un fort vent de face.
Le deuxième facteur avancé par 54% des personnes sondées expliquant leur réticence face à la voiture électrique tient à la faiblesse des infrastructures de recharge. La France compte aujourd’hui 28.000 bornes et il devrait y en avoir 45.000 en 2020. Mais cela reste trop peu. D’autant plus, que les véhicules ne se rechargent pas en cinq minutes. Le problème du manque d’infrastructures de recharge et la nécessité de planifier à l’avance les points de recharge d’un véhicule avant un déplacement restent des obstacles majeurs à l’achat. Surtout si on ajoute le fait que le conducteur n’est jamais certain sur un long parcours que la borne de recharge sera libre et… au bon format.
Les véhicules à essence et diesel largement en tête des intentions
Preuve de l’urgence, l’association des constructeurs européens vient d’alerter l’Union Européenne sur la nécessité d’accélérer l’installation de bornes. Eurelectric, qui regroupe les électriciens européens, estime à 1,2 million le nombre de points de recharge nécessaires en 2025. Il y en a aujourd’hui 161.000…
Conséquence, les voitures à essences restent largement en tête des intentions d’achats des Français (31%). Le diesel se maintient étonnamment à un niveau très proche (28%), en dépit de l’annonce de l’interdiction dans les prochaines années d’une telle motorisation dans les grandes métropoles. Le véhicule hybride voit sa cote grimper à 23% et la voiture électrique stagne avec 10% des intentions d’achat. Mais le plus surprenant, est l’attrait pour le véhicule à hydrogène. Il n’est quasiment pas accessible aujourd’hui aux particuliers et se situe pourtant très près dans les intentions d’achat du véhicule électrique à batteries à 6%. Il faut dire que son usage et son autonomie se rapprochent beaucoup du véhicule à moteur thermique.
La conclusion, pour le moment, est sans appel pour la voiture électrique. Elles ne se sont vendues en nombre que dans les pays offrant des subventions importantes pour compenser leurs limitations. Quand les subventions s’amenuisent ou disparaissent, les ventes s’effondrent. La demande de véhicules électriques a reculé de 16% en août en Chine, le premier marché mondial, car les subventions ont considérablement baissé et vont même disparaitre à la fin de l’année. Il s’est passé la même chose et pour les mêmes raisons au Danemark.