La présence, en toujours plus grand nombre, des SUV (Sports Utility Vehicles) ou véhicules utilitaires de sport dans les grandes villes, devient problématique. La pollution et le danger qu’ils représentent, du fait de leur poids et de leur taille, ne sont plus seulement dénoncés par une poignée d’écologistes. Le titre «Der SUV Wahnsinn» (La folie des SUV) figurait en une il y a quelques semaines du supplément hebdomadaire du très sérieux Handelsblatt, le quotidien allemand des affaires (voir ci-dessus). La veille, à un croisement encombré du centre de Berlin, un conducteur avait perdu le contrôle de son SUV Porsche et tué quatre personnes dont un enfant de trois ans, sa grand-mère et deux jeunes hommes, un anglais et un espagnol, d’une vingtaine d’années.
Le jour suivant des centaines de Berlinois se sont réunis pour réclamer l’interdiction des SUV dans le centre des grandes villes. Pour Stephan von Dassel, le maire d’arrondissement de Berlin-Mitte, «les SUV qui sont comme des engins blindés» n’ont rien à faire dans les villes. Oliver Krischer, l’un des dirigeants du parti vert au Bundestag, a appelé à restreindre la taille des SUV autorisés à rouler dans le centre des villes. «La meilleure des solutions est de permettre à l’échelle nationale aux autorités locales de fixer la limite de taille des SUV autorisés», a-t-il déclaré au quotidien Der Tagesspiegel.
Un sentiment illusoire de sécurité
Les SUV illustrent un paradoxe du marché de l’automobile et de ce que représente encore leur véhicule pour une partie de leurs propriétaires. L’automobile n’a jamais été aussi contestée pour ses émissions de gaz à effet de serre et de particules et pour ses nuisances, notamment dans les métropoles, et les SUV n’ont jamais été aussi populaires… Bon nombre d’automobilistes les achètent parce qu’ils procurent à la fois un sentiment de liberté et plus encore de sécurité. En fait, ils sont statistiquement moins sûrs que les voitures classiques. Une personne a 11% de plus de risques de mourir à la suite d’un accident dans un SUV que dans une berline traditionnelle. Le problème des SUV est qu’ils procurent une fausse sensation de sécurité en «dominant» la route et font ainsi prendre plus de risques aux conducteurs. Leur hauteur fait qu’ils présentent deux fois plus de risques de se retourner lors d’accidents et sont deux fois plus dangereux pour les piétons en leur infligeant des blessures à la tête et dans le haut du thorax.
Pour autant, le succès commercial des SUV est impressionnant. Cette mode, venue des Etats-Unis, submerge maintenant le reste du monde. En Europe, la part de marché de ces véhicules est passée de 7% en 2009 à 36% l’an dernier. Elle pourrait atteindre 40% en 2021.
Plus de CO2
Non seulement, les SUV sont plus dangereux mais ils émettent aussi logiquement plus de gaz à effet de serre. Comme ils sont plus lourds et ont des moteurs plus gros, les émissions de CO2 d’un SUV sont en moyenne de 14% supérieures à celles d’une berline. A l’occasion de l’ouverture du Salon Automobile de Francfort le mois dernier, Greenpeace a rendu publique une étude dénonçant l’industrie automobile et notamment sa responsabilité dans le succès commercial des SUV. «La part croissante sur le marché de véhicules plus gros et plus lourds, comme les SUV, tire les émissions de gaz à effet de serre vers le haut», écrit Greenpeace.
Les transports en général sont à l’origine de 27% des émissions de CO2 en Europe selon le Parlement Européen et sur ce total le transport routier représente 72% et les voitures 60,7%.
L’Union Européenne contraint d’ici 2021 les constructeurs automobiles à mettre sur le marché des véhicules qui n’émettent pas en moyenne plus de 95 grammes de CO2 par kilomètre. Selon un rapport de l’association Transport and Environment publié le mois dernier, qui regroupe des ONG hostiles à l’automobile, cet objectif est inatteignable et les constructeurs s’exposent à des amendes pouvant atteindre jusqu’à 34 milliards d’euros… L’industrie considère que ces règles sont irréalistes et trop brutales, ne tiennent pas compte de l’attitude des consommateurs et négligent le fait que le recul de la motorisation diesel s’est traduit par plus d’émissions de CO2. Transport and Environment accuse les SUV «dont le succès est la conséquence d’un marketing agressif des constructeurs».