La pandémie et ses conséquences se sont traduits en Europe par un effondrement sans précédent des ventes de voitures, essence et diesel, et en revanche, des ventes records de véhicules électriques. Au cours du premier semestre, le nombre de voiture vendues s’est écroulée avec une baisse de 38% en moyenne en Europe selon l’Association européenne des constructeurs (ACEA). La France se situe dans la moyenne avec un recul de 38,6%. Mais dans le même temps, les véhicules électriques ont connu un succès sans précédent représentant, toujours au premier semestre en Europe en moyenne, pas moins de 8% des ventes, le double de 2019. Un chiffre gonflé par la contraction du marché mais qui traduit une progression importante de l’électrique.
Les véhicules électriques se vendent dans les pays riches
Ce constat recouvre en fait deux réalités et on peut même dire deux Europe de la voiture électrique. Le nord et les pays les plus riches qui voient une augmentation assez spectaculaire des ventes de voitures électriques et le sud et l’est et les pays les moins riches où les voitures électriques ne s’imposent pas. Un marché à deux vitesses qui commence à inquiéter la Commission européenne.
Ainsi, au cours des trois premiers mois de l’année, 98% de tous les véhicules électriques à batteries vendus en Europe l’ont été dans les 14 pays les plus riches de l’Union plus deux pays non membres que sont la Norvège et le Royaume-Uni.
Une des idées qui circule aujourd’hui à Bruxelles serait d’intégrer une partie des subventions accordées à l’achat de véhicules électriques dans les fonds consacrés aux plans de relance économique. Les pays de l’Union vont bientôt présenter leurs différents plans de relance pour accéder aux 750 milliards d’euros attribués aux Etats membres.
Les subventions ont rendu les Européens plus verts, pas la pandémie
Il ne faut pas se faire trop d’illusions et se tromper d’interprétation sur le succès des véhicules électriques. Ce sont les plans massifs de subventions et d’incitations à l’achet de véhicules électriques à la sortie du confinement, notamment en Allemagne et en France, qui expliquent le succès presque inattendu de la commercialisation de ses voitures. A tel point, par exemple, que les sommes consacrées au plan d’aide à l’automobile en France ont été épuisées en deux mois.
En juin, les véhicules électriques ont pris 26% du marché en Suède et 9% en France et en Allemagne. Par contraste, les voitures dites propres (y compris les hybrides rechargeables) n’ont représenté que 3% des marchés en Italie et en Espagne et 1% en Pologne, selon les statistiques de l’International Council on Clean Transportation.
Si pas moins de 26 des 27 pays membres de l’Union Européenne accordent des subventions pour favoriser l’achat de véhicules électriques, «le problème ne tient pas à l’absence de système de soutien, mais au fait qu’ils soient mal conçus», explique à Politico Julia Poliscanova de l’ONG Transport & Environment. Elles ajoute que «la Pologne est un bon exemple, où la plupart des voitures neuves sont achetées, comme dans le reste de l’Europe, par des sociétés et pas par des individus. La décision polonaise d’exclure les flottes du programme d’aides à l’achat de véhicules électriques est un frein au progrès».
Les constructeurs privilégient les marchés les plus solvables
Cette Europe à deux vitesses est aussi la conséquence de choix marketing fait par les constructeurs automobiles. Ils privilégient les pays où ils peuvent vendre à des prix plus élevés, des véhicules, coûteux à produire et dont ils sont contraints d’importer l’élément techniquement et économiquement le plus important, les batteries. Il ne faut pas perdre de vue le fait qu’aucun constructeur ne fait aujourd’hui de profits en vendant des voitures électriques. Les constructeurs enfin privilégient logiquement les pays où les infrastructures de recharge se développent rapidement et rendent plus facile l’usage des véhicules.
Mais cette situation ne va pas durer. A partir de 2025 et plus encore de 2030, la législation européenne, qui les contraint à réduire les émissions moyennes de CO2 de leurs véhicules commercialisés, va accorder plus de poids aux marchés moins ouverts aux véhicules électriques. Pour éviter des amendes massives, il va devenir nécessaire de vendre des voitures électriques dans les pays européens du sud et de l’est. A condition, que les subventions dans ces pays le permette. Jusqu’à aujourd’hui, tous les exemples de réussites commerciales des véhicules électriques ont été la conséquence de subventions massives, que ce soit en Chine, au Danemark, en Norvège et maintenant en France et en Allemagne.
La Norvège n’est surtout pas un modèle
La Norvège est devenu ainsi sans conteste le numéro un (par habitant) du véhicule électrique. Mais ce n’est pas pour autant un modèle vraiment transposable. Le succès des voitures électriques n’est pas seulement lié aux subventions massives à l’achat, qui réduisent les coûts de moitié, mais aussi aux autres avantages qui leur est donné comme la gratuité des places de parking ou de l’utilisation des autoroutes.
Autre élément à prendre en compte, la Norvège est un des pays les plus riches et peut facilement subventionner massivement les véhicules électriques grace à ses exportations massives de pétrole et de gaz... La plupart des pays qui ne bénéficient pas d’une telle manne devront d’une façon ou d’une autre augmenter les impôts pour compenser le coût des subventions et les pertes de recettes liées à la baisse des ventes de carburants. Pour finir, le succès des véhicules électriques en Norvège n’est pas sans créer aujourd’hui de sérieux inconvénients pour les usagers. A Oslo, la capitale, trouver une borne de recharge disponible est devenu un parcours du combattant. Certains conducteurs de véhicules électriques sont contraints de faire des dizaines de kilomètres pour recharger leurs batteries…