Sous l’impulsion de la Commission et de sa présidente Ursula von der Leyen, l’Union Européenne (UE) s’est donnée en juillet 2021 un objectif extrêmement ambitieux de réduction à marche forcée des émissions de gaz à effet de serre. A savoir, réduire de 55% d’ici 2030 les émissions de CO2 par rapport au niveau de 1990 et parvenir à zéro net émissions d’ici 2050.
Mais la Commission européenne tout comme le Parlement européen n’ont pas vraiment mesuré les difficultés économiques et technologiques liés à leur intention proclamée de devenir le modèle planétaire de la transition écologique. Ils n’ont pas non plus vraiment mesuré le coût de cette transition et les conséquences sociales qu’elle engendre. Ils ont pris des décisions avant tout politiques et l’intendance suivra… Le problème est qu’elle ne suit pas.
Comment convaincre les investisseurs privés?
Le Think tank bruxellois Bruegel vient dans une étude récente de chiffrer le coût réel de la transition européenne. Et sans en avoir pourtant l’intention démontre comment les ambitions affichées sont irréalistes voire même dangereuses. Pour atteindre son objectif, les 27 pays de l’UE devront dépenser 1,3 mille milliards d’euros (1,3 trillion) chaque année jusqu’en 2030. Et le coût de la transition passera ensuite par an à 1,54 mille milliards d’euros (1,54 trillion) jusqu’en 2050.
Ces montants démesurés sont classés en trois catégories par Bruegel : l’approvisionnement en énergie, la demande d’énergie et les transports. « Le coût du financement des investissements sera important pour les agents en manque de liquidités, et les finances publiques devront intervenir avec des instruments de réduction des risques pour faciliter l’investissement privé », écrit Bruegel.
La demande n’est déjà pas au rendez-vous
En clair, l’UE n’a pas d’autre choix que d’augmenter fortement les subventions dans tous les domaines et toutes les filières de la transition pour espérer motiver les investisseurs privés. La tâche s’annonce d’autant plus compliquée que pour de nombreuses technologies de la transition comme les véhicules électriques, l’hydrogène, les pompes à chaleur, les éoliennes… la demande n’est pas au rendez-vous en dépit des soutiens importants déjà mis en place par les gouvernements.
Des coûts sous-estimés sciemment par la Commission
Bruegel souligne par ailleurs que la Commission européenne sous-estime aussi les coûts des transformations qu’elle impose en omettant, par exemple, les coûts de financement qui pourraient être très importants. Elle a aussi négligé les coûts de fabrication associés à la transition. Le développement des capacités de production locales, conformément à une politique exigeant que 40% des technologies de transition européennes soient fabriquées dans l’UE, nécessite des investissements supplémentaires de 100 milliards d’euros par an d’ici 2030.
Et puis, il faudra éviter les réactions politiques et sociales négatives liées aux lourdes contraintes imposées aux populations. « A partir de 2025-2030, il sera nécessaire de gérer les implications complexes de la décarbonisation des bâtiments et des transports… Pour éviter les réactions politiques négatives, il faudra peut-être offrir des incitations financières aux ménages en échange de l’adoption de technologies vertes plus coûteuses ». Le « peut-être » est de trop. Il suffit par exemple de constater les réactions un peu partout en Europe quand plusieurs pays ont tenté d’interdire le chauffage au gaz…
Contraindre les Etats
Bruegel considère aussi que la situation ne peut devenir que plus tendue dans les prochaines années et que pour obtenir les financements nécessaires au grand dessein européen, il faudra en passer par la coercition. Pour garantir que l’argent nécessaire à la transition soit disponible, il faudra ainsi lier « obligatoirement » les politiques nationales au « Green Deal » européen. L’outil pour le faire existe. Il s’agit du système des plans nationaux pour l’énergie et le climat (PNEC).
Selon Bruegel, « les gouvernements devraient être obligés de présenter dans leurs PNEC une analyse détaillée et ascendante de leurs besoins en investissements verts, ainsi qu’une feuille de route de mise en œuvre avec des étapes claires ou des indicateurs clés de performance ».
Bruegel fait comme si le rapport Draghi n’existait pas
Enfin, le Think tank finit par un dérapage en qualifiant tout simplement de populisme la critique des politiques climatiques de l’UE et accuse ses détracteurs de faire de fausses déclarations sur les dommages que la transition causerait à la compétitivité de l’Europe. Il nie tout simplement les conclusions du rapport publié en septembre par Mario Draghi sur les raisons de l’effondrement de la compétitivité de l’Union Européenne et de son décrochage en termes de croissance économique et de richesse par habitant depuis 20 ans par rapport aux Etats-Unis.
Car pour Mario Draghi, le coût de l’énergie est devenu le principal handicap de l’économie européenne. Il la condamne à une croissance faible, un appauvrissement et une perte de souveraineté. Il est trois à cinq fois plus élevé en Europe qu’aux Etats-Unis pour le gaz et deux à trois plus élevé qu’aux Etats-Unis et en Chine pour l’électricité des entreprises. Mais à Bruxelles, la réalité économique et technologique doit s’effacer devant les logiques politiques et idéologiques. La recette de l’échec…