La décision de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) est tombée jeudi 20 juin. Elle demande à EDF de refaire huit soudures importantes qui ne sont pas aux normes de sécurité et de solidité exigées. Elles se trouvent sur les tuyauteries principales d’évacuation de la vapeur du réacteur nucléaire vers les turbines. La «traversée», en langage technique, des parois de l’enceinte de confinement, ultime protection en cas d’incident pour éviter un rejet de radioactivité dans l’atmosphère. Refaire ces soudures et donc toucher à l’enceinte de confinement retardera encore de deux à trois ans la fin d’un chantier qui aura été calamiteux. Les retards et les malfaçons n’ont cessé de se succéder. EDF estime maintenant être en mesure de pouvoir lancer l’exploitation du réacteur, au mieux, à la fin de l’année 2022 ou au début de l’année 2023.
La construction de l’EPR (Réacteur Pressurisé Européen) a été lancée à Flamanville en 2007. Il était alors prévu qu’elle se termine en… 2012. Le retard de mise en service du réacteur atteindra plus de dix ans! Son coût de fabrication sera passé de 3,3 milliards d’euros initialement à 10,9 milliards avant le problèmes des soudures à refaire et pourrait atteindre 13 à 14 milliards!
La France ne semble aujourd’hui tout simplement plus capable de construire un réacteur nucléaire de dernière génération. C’est l’ASN qui le dit. Auditionnés il y a quelques semaines par les parlementaires de l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), les dirigeants de l’ASN ont mis en avant la perte dramatique de savoir-faire et de compétence de l’industrie française. «Cela soulève un doute sur la capacité de la filière nucléaire à mener des travaux d’importance», a expliqué Bernard Doroszczuk, le président de l’ASN. Il a déploré «la perte d’expérience» et la «perte de compétence et la faiblesse du tissu industriel».
Si des EPR fonctionnent, c’est en-dehors de France, en Chine avec les réacteurs Taishan 1 et Taishan 2 entrés en service bien avant Flamanville après avoir été mis en chantier respectivement en 2009 et 2010. L’EPR finlandais de Olkiluoto devrait entrer en service dans les prochains mois… avant Flamanville.
Le problème de la qualité des soudures n’est pas le seul, loin de là, qui a retardé le chantier de Flamanville. Ainsi, par exemple, des fissures ont été constatées dans le béton en 2008 et en 2011 qui étaient de la responsabilité du groupe Bouygues, maître d’oeuvre de cette partie du chantier. En 2015, il est apparu que le couvercle et le fond de la cuve du réacteur, fabriqué par Creusot Forge, présentaient des défauts. L’ASN a accepté que le couvercle soit changé en 2024, ce qui nécessitera un long arrêt du réacteur… quelques mois après son démarrage.
La perte de compétences industrielles en France au cours des dernières années pose clairement aujourd’hui de graves problèmes pour l’avenir du nucléaire. Cela concerne à la fois la remise à niveau des réacteurs anciens dont la vie active sera prolongée, le démantèlement de certaines centrales et la mise en oeuvre, incertaine aujourd’hui, d’un programme de nouveaux EPR.