<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Embrassons-nous, Flamanville !

23 décembre 2024

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Embrassons-nous, Flamanville !

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Le seul réacteur nucléaire de troisième génération (EPR), construit laborieusement en France depuis 2007, a finalement été raccordé au réseau électrique du pays, avec quelques heures de retard, le 21 décembre au matin. Il devrait continuer à faire l’objet tout au long de l’année 2025 d’une interminable série de tests et de contrôles pour s’assurer de son bon fonctionnement. Avec une multitude d’incidents et d’erreurs lors de sa construction, douze années de retard et un coût multiplié par six, il n’y a aucune raison de pavoiser… En outre, si l'EPR de Flamanville sera le réacteur le plus puissant du parc français (1.650 MW), sa production ne compensera pas totalement la fermeture en 2020, pour des raisons purement politiciennes, des deux réacteurs de 900 MW de la centrale de Fessenheim.

Rien n’aura été simple avec le chantier cauchemardesque de l’EPR, réacteur nucléaire de troisième génération, de la centrale de Flamanville dans la Manche. Le seul construit laborieusement en France depuis 2007. Même sa connexion au réseau électrique, samedi 21 décembre au matin, aura pris quelques heures de retard en dépit des annonces et du satisfecit d’EDF. On comprend bien la nécessité pour l’énergéticien public de redonner le moral aux équipes et de la fierté aux salariés d’EDF. On comprend bien l’enjeu de la relance du nucléaire en France pour EDF et pour le pays. Mais un peu d’humilité n’aurait pas fait de mal

D’autant plus qu’une fois encore, ce pays et ces médias semblent avoir perdu toute mémoire et tout recul par rapport aux effets d’annonce et aux opérations de communication. Le fait que l’EPR produise de l’électricité et qu’elle se retrouve sur le réseau est une bonne nouvelle. Mais il n’y a surtout pas de quoi pavoiser…

Les ravages de la désindustrialisation

Car les péripéties, le mot est faible, de la construction de l’EPR de Flamanville donnent une illustration effrayante des ravages de la désindustrialisation française et de la perte de savoir-faire et de compétence de la filière nucléaire du pays sabotée par des années d’irresponsabilité politique. Comme l’expliquait il y a maintenant près de cinq ans à Transitions & Energies, sous le sceau de l’anonymat, un des hauts responsables du chantier : « nous avons construit Flamanville… avec des gamins de 24 ans qui sortaient de l’école ». Et l’apprentissage a été douloureux. Il faut espérer que la construction des EPR de deuxième génération, les EPR2, dont au moins six devraient voir le jour, soit moins chaotique. Sinon, il en sera fini du nucléaire en France.

Car au-delà du retard monstrueux (12 ans) et du surcoût tout aussi monstrueux de la construction de l’EPR de Flamanville – la facture du chantier est passée de 3,3 à 19 milliards d’euros – c’est l’origine des problèmes qui pose questions. Rien ou presque n’a été conçu et construit correctement. Que ce soit le béton des enceintes et même du ravier, que ce soit les soudures des canalisations qu’elles soient essentielles ou non, et même la cuve du réacteur dont le couvercle devra être changé dans environ 18 mois à la suite de malfaçons…

Le 57ème réacteur français en service

Cela fait un quart de siècle que la France, le pays au monde où le nucléaire assure la part la plus importante de la production électrique (plus de 70%), n’avait pas fait démarrer un nouveau réacteur. Très exactement depuis 1999 quand a été mis en service le réacteur numéro 2 de la centrale de Civaux dans la Vienne. A l’époque, la France était capable de construire un réacteur en l’espace de cinq ans.

L’EPR de Flamanville sera le 57ème réacteur en service du parc nucléaire français et le quatrième de ce type à fonctionner dans le monde. Il y en a deux en Chine, à Taishan, et un en Finlande, à Olkiluoto, qui était le prototype de la série. Deux EPR sont aussi  en construction au Royaume-Uni à Hinkley Point. Quand l’EPR de Flamanville fonctionnera à sa puissance nominale de 1.650 MW, il sera le plus puissant réacteur en service en France. Mais cela ne compensera pas totalement la fermeture, pour des raisons purement politiciennes, des deux réacteurs de 900 MW de la centrale de Fessenheim en 2020.

Une multitude de tests et une réglementation d’une complexité sans équivalent dans le monde

Le jumeau de Flamanville, l’EPR 2 de Taishan en Chine, est le réacteur de tous les records. Il a battu en 2023 le record mondial de production d’électricité en une année par un réacteur nucléaire. Avec une production de 12.884 TWh, il a battu son propre record atteint en 2020. Il le doit à sa grande puissance nominale (1.660 MW nets) et a un facteur de charge remarquable supérieur à 88%. Il est entré en service en 2019 et n’a connu depuis aucun problème au  contraire de Taishan 1.

Pour en revenir à l’EPR de Flamanville, son couplage au réseau a donc été effectué samedi 21 décembre à environ 20% de sa puissance nominale. Cette étape sera suivie d’une série d’essais pour franchir différents paliers de puissance jusqu’à l’été 2025 où il devrait atteindre sa pleine puissance. Lors du passage du seuil de 25% de puissance, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) devra valider la poursuite des tests et le fera encore à 80%. La complexité et le nombre de tests sont sans équivalents dans le monde. Et entre ces deux étapes, EDF procédera à un arrêt pour un test intermédiaire à 60% de puissance. En matière de réglementation de sûreté nucléaire, la France n’a pas de concurrent…

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