En théorie à peine enfin démarré, l’exploitation de l’EPR de Flamanville devrait être arrêtée quelques mois plus tard pour remplacer le couvercle de la cuve du réacteur (voir la photographie ci-dessus). Parmi les multiples problèmes du chantier, il a été détecté en 2015 une anomalie de fabrication du couvercle de la cuve du réacteur. Elle recelait des « ségrégations carbone ».
Cela signifie qu’elle avait peut-être des zones de fragilité. La cuve est un élément très particulier d’un réacteur. C’est la seule pièce qu’on ne peut pas remplacer au cours de sa durée de vie, qui peut être de soixante à quatre-vingt ans… sauf pour les deux réacteurs de Fessenheim (42 ans). L’acier de la cuve a une épaisseur de 33 centimètres. L’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) a considéré en octobre 2017 que le couvercle « ne peut être utilisé au-delà de 2024 », ce qui nécessitera son remplacement et un long arrêt du réacteur. L’Autorité avait alors sans doute fait preuve d’un excès de zèle. Pour plusieurs experts indépendants, il n’y a pas de risques avec la cuve. Mais à Flamanville, l’ASN a perdu au fil des années toute confiance dans la compétence d’EDF et de la filière nucléaire française.
Une utilisation limitée dans le temps par l’ASN
Ainsi, pour EDF la cuve « n’est pas défectueuse mais sa composition compliquait le contrôle de son instrumentalisation ». Après deux années de réflexion, de tests, d’essais et… de débats, l’Autorité de sûreté nucléaire, qui ne voulait pas perdre la face, avait donné son feu vert à l’utilisation de la cuve pour une durée « limitée dans le temps ». Un changement de cuve était fixé au 31 décembre 2024, après deux cycles de rechargement de combustible. Mais comme les retards du chantier se sont accumulés, l’EPR ne démarrera pas, si tout va bien, avant au mieux la fin du premier trimestre de 2024. Il faudrait donc le faire fonctionner quelques mois et l’arrêter. Absurde.
« Quand la décision a été prise du remplacement du couvercle en 2024, nous imaginions un démarrage de l’EPR plus tôt. Au regard des prévisions de démarrage d’EDF, le couvercle ne pouvant être utilisé que jusqu’à fin 2024, le réacteur n’aura pas le temps de faire un cycle de fonctionnement complet du combustible, ce qui pose un certain nombre de difficultés industrielles », reconnaissait Julien Collet, le Directeur général adjoint de l’ASN, le 23 janvier 2023 lors des vœux à la presse
EDF a jusqu’au 10 avril 2024 pour réaliser le premier chargement du combustible. Les deux cycles de combustion imaginés n’auront donc pas le temps de se faire. « C’est davantage un problème de calendrier que de sûreté », assure-t-on à EDF.
En cours d’instruction
Framatome qui a conçu la cuve et l’a fait fabriquer par Creusot Forge, une société dont elle a pris le contrôle, a donc demandé un délai à l’ASN pour effectuer le remplacement du couvercle, de manière à pouvoir réaliser au moins un cycle de fonctionnement complet du réacteur. Le couvercle serait alors remplacé lors du premier arrêt et rechargement du réacteur. Soit entre 15 et 18 mois après son démarrage. C’est-à-dire vraisemblablement fin 2025 ou début 2026.
La demande est en cours d’instruction. « Compte tenu du contexte, l’ASN n’avait pas d’objections à ce que le couvercle puisse fonctionner pendant un cycle, puisque nous imaginions même, à l’époque, un fonctionnement sur plusieurs cycles. Nous instruirons probablement ce dossier d’ici l’été 2023 », a conclu le directeur général adjoint à l’ASN. Le nouveau couvercle est en cours de fabrication à Creusot Forge. Sa réception est attendue à l’été 2024. Mais rien ne presse.