Cuivre, lithium, manganèse, nickel, cobalt, molybdène, chrome, zinc, rhodium, silicium, platine, terres rares… Les énergies dites «propres», à savoir les éoliennes, les panneaux photovoltaïques et les batteries des véhicules électriques, sont totalement dépendantes de nombreuses matières premières et plus particulièrement de métaux rares. Sans un approvisionnement continu, important et fiable, il n’est pas question de voir se multiplier dans les prochaines années les productions d’électricité par des renouvelables et les véhicules électriques sur les routes. Toutes les stratégies de transition énergétique faisant appel au solaire, à l’éolien et au transport électrique par batteries sont aujourd’hui menacées. Quant aux alternatives moins consommatrices de matières premières et plus locales, comme l’hydrogène ou la géothermie, par exemple, elles ne figurent même pas en France dans les plans à long terme des pouvoirs publics.
5 fois plus de matières premières pour une voiture électrique
Pour donner un ordre d’idées de cette dépendance aux matières premières, la construction d’une voiture électrique à batteries en nécessite 5 fois plus qu’un véhicule à moteur thermique. De la même façon, construire un ensemble d’éoliennes demande huit fois plus de matières premières qu’une centrale au gaz offrant la même puissance théorique de production d’électricité. Et encore, les éoliennes sont par définition intermittentes.
La fabrication des batteries lithium-ion des véhicules électriques et des mêmes batteries utilisées pour stocker l’électricité dans certains réseaux est devenue aujourd’hui l’activité industrielle qui consomme le plus de lithium et de cobalt dans le monde, respectivement 35% et 25% de la production. De la même façon, la consommation dans le monde de cuivre et de nickel n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années.
Déjà, avant la pandémie de coronavirus, les tensions ne cessaient de grandir sur les marchés de ses matières premières stratégiques. Elles se sont aggravées depuis. D’abord, du fait du confinement généralisé qui a désorganisé dans de nombreux pays la production et le transport des matières premières. Elle s’est traduite aussi par une chute brutale des investissements de capacité, pourtant indispensables pour faire face à une demande en constante augmentation. Il faut ajouter à cela des tensions politiques grandissantes entre la Chine, principal fabricant dans le monde de panneaux photovoltaïques, de batteries lithium-ion, d’éoliennes et principal producteur et raffineur de terres rares, et les pays occidentaux.
La sécurité d’approvisionnement, un problème majeur pour l’Agence internationale de l’énergie
Une étude récente de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) souligne les risques que fait peser sur la transition le goulet d’étranglement que représente l’approvisionnement de matières premières stratégiques. Et pour illustrer l’importance de cette question, l’AIE en a fait aujourd’hui un problème aussi essentiel que la sécurité d’approvisionnement en pétrole, gaz et électricité.
Pour donner juste quelques exemples, le lithium, le cobalt et le nickel sont indispensables et essentiels à la fabrication des batteries lithium-ion. Le cuivre est absolument nécessaire pour développer les réseaux électriques et y intégrer les productions solaires et éoliennes. Des terres rares comme le néodyme sont utilisées pour fabriquer des aimants puissants sans lesquels les moteurs électriques des éoliennes et des véhicules ne fonctionnent pas. Même l’optimisation de technologies liées aux énergies fossiles nécessite ses matières premières. Les centrales à charbon les moins polluantes utilisent du nickel pour augmenter la température de combustion et rejeter moins de CO2.
Comme l’écrit l’AIE, «l’idée de géopolitique énergétique est typiquement associée au pétrole et au gaz. Par contraste, le solaire, l’éolien et les autres technologies propres sont souvent considérées comme immunisées contre de tels risques. Mais il y a des risques géopolitiques associés à la production de nombreuses matières premières essentielles à la transition énergétique.»
L’omniprésence chinoise
En fait, la production de nombre de ses matières premières et métaux est plus concentrée géographiquement que celle du pétrole et du gaz. Pour le lithium, le cobalt et les terres rares, les trois premiers pays producteurs contrôlent plus des trois quarts de leurs marchés respectifs. Dans certains cas, un seul pays assure la moitié de la production mondiale.
La concentration est tout aussi grande dans les opérations de raffinement. La Chine assure 50 à 70% du raffinement du lithium et du cobalt. Elle contrôle également 85 à 90% du processus industriel de traitement des terres rares et de leur raffinage et transformation en métaux et en aimants.
Les conditions même d’extraction de ses matières premières posent des problèmes humains et environnementaux. Ainsi, 20% de la production de cobalt de la République Démocratique du Congo (RDC) dépend de mineurs «artisanaux» qui extraient le métal dans des conditions proches de l’esclavage. Le raffinage des terres rares est un processus qui nécessite de nombreux produits chimiques très polluants et qui produit de grandes quantités de déchets tout aussi polluants.
La récession économique mondiale née de la pandémie de coronavirus ne devrait pas ralentir longtemps la demande de ses matières premières. Surtout si les plans de relance économique un peu partout dans le monde mettent l’accent sur la transition énergétique par les renouvelables et les véhicules électriques à batteries. Or, de nombreuses mines fonctionnent déjà à la limite de leurs capacités et des pénuries pourraient rapidement se produire prévient l’AIE. Non seulement cela aura un impact sur la capacité à fabriquer des éoliennes, des panneaux solaires et des batteries pour voitures électriques, mais cela créera un problème très sérieux d’indépendance nationale, notamment pour l’Europe. Il n’y a pas que les masques…