Saisies illégales de terres, conditions de travail dangereuses, mauvais traitements des populations locales et indigènes, menaces, chantages, corruption… Pendant des décennies, ces pratiques ont été associées, à tort et à raison, aux compagnies pétrolières. Elles n’ont pas été sans conséquences sur la très mauvaise image de cette industrie et le fait qu’aujourd’hui, pour des raisons également environnementales, certains investisseurs s’en détourne.
Mais dans le domaine des droits de l’homme, le secteur en devenir et en développement rapide des énergies renouvelables intermittentes n’a pas vraiment de leçons à donner. Au contraire. Telles sont les conclusions d’une étude menée par l’ONG Business & Human Rights Resource Centre, basée à Londres.
Elle a établi un premier classement du respect des droits de l’homme par les grandes sociétés engagées dans les énergies renouvelables éoliennes et solaires et il n’est pas vraiment glorieux. L’ambition du Business & Human Rights Resource Centre est de mobiliser l’opinion et avec elles les investisseurs pour contraindre ces différents groupes à se préoccuper plus et mieux du respect des droits de l’homme auprès notamment de leurs fournisseurs. En fait, l’enquête montre que ces sociétés consacrent des moyens très limités à identifier les violations des droits de l’homme dans leur chaîne d’approvisionnement, notamment en matières premières entrant dans la fabrication des panneaux photovoltaïques et des éoliennes.
«Aucune des entreprises analysées n’assume ses responsabilités»
«Ce travail donne une analyse complète des politiques et des pratiques en matière de droits de l’homme de 16 des plus importantes sociétés cotées en Bourse dans le monde qui interviennent dans l’énergie éolienne et solaire… Cet échantillonnage représente une petite fraction des productions d’énergie renouvelable dans le monde, mais il donne une vue importante des politiques et des pratiques de quelques unes des sociétés les plus importantes et les plus influentes du secteur… Les résultats suggèrent qu’aucune des entreprises analysées n’assume pleinement aujourd’hui ces responsabilités en matière de droits de l’homme… », écrit le Business & Human Rights Resource Centre. Aucune de ses sociétés, par exemple, n’a de politique «pour respecter les droits de propriété, pour régir les processus d’acquisition de terres ou pour réinstaller de façon juste et équitable les résidents», ajoute l’ONG.
Comme le montre le tableau ci-dessous, près de la moitié des groupes étudiés, sept sur seize, ont un score inférieur à 10% et les trois quart, douze sur seize, ont un score de moins de 40%. La note moyenne est juste de 22%, montrant l’ampleur du chemin à parcourir.
Toujours selon le rapport, au moins 197 allégations de violations des droits de l’homme ont été soulevées contre des projets solaires et éoliens depuis 2010 par le Business & Human Rights Ressource Centre qui a demandé à 127 sociétés différentes de répondre à ses accusations. Celles-ci comprennent des meurtres, des menaces, des intimidations, des accaparements de terres, des conditions de travail dangereuses, des salaires de misère et des souffrances infligées aux populations indigènes. Ces allégations existent sur chaque continent et région du monde et dans tous les secteurs des renouvelables: l’éolien, le solaire, les biocarburants, la géothermie et l’hydroélectricité. La région du monde où les soupçons de violations des droits de l’homme sont les plus nombreux est l’Amérique latine. Uniquement en 2019, l’ONG a documenté 47 attaques lancées contre des personnes ayant dénoncé des violations des droits de l’homme dans l’industrie des renouvelables. Elles vont de poursuites judiciaires manipulées à des violences.
Cette industrie indispensable à la transition n’est pas au dessus des lois
Les énergies renouvelables sont indispensables à la transition énergétique. Cela n’autorise pas cette industrie à se croire au-dessus des lois, comme le montre à sa façon le cinéaste Michael Moore dans son dernier film Planet of Humans. Le paradoxe est que l’industrie pétrolière a commencé depuis plusieurs années, sous la pression des opinions publiques, des gouvernements et des investisseurs institutionnels, à changer de comportements et à porter une plus grande attention aux questions de droits de l’homme. Cela est notamment le cas pour de nombreuses compagnies occidentales. Pour une fois, l’industrie des renouvelables devrait suivre cet exemple.