La solution à tous nos problèmes d’énergie se trouve peut-être sous nos pieds. La géothermie, énergie renouvelable et non importée par définition, est, pour des raisons difficiles à comprendre, négligée en France. Il existe, de façon très sommaire, trois grands types de géothermie, différenciables selon la profondeur, la température et l’utilisation de la ressource de chaleur. La géothermie de très faible à faible énergie (température inférieure à 90°C), la géothermie de moyenne énergie (température supérieure à 90°C) et la géothermie de haute énergie (température supérieure à 120°C). La géothermie de faible énergie concerne le secteur domestique ou industriel et s’applique à utiliser la chaleur ou la douceur du sous-sol pour chauffer, refroidir et produire de l’eau chaude pour des habitations uniques, des immeubles ou encore des bâtiments tertiaires.
La géothermie des profondeurs extrêmes
La profondeur de ces exploitations varie en fonction de la géologie du sous-sol. Sur Terre, la température augmente en moyenne de 30°C tous les kilomètres, mais ce chiffre est n’est pas du tout identique en tout point du globe. À faible profondeur (inférieure à 200 mètres et 20°C), l’utilisation de pompes à chaleur géothermiques est le meilleur moyen de récupérer les calories pour chauffer, refroidir et produire de l’eau chaude pour des bâtiments.
La géothermie de moyenne énergie concerne des projets plus profonds et des températures généralement supérieures à 90°C. Le but de cette géothermie est d’utiliser la forte température des profondeurs pour produire de la chaleur à utilisation le plus souvent industrielle liée à l’extraction de produits chimiques, le séchage de produits ou encore la récupération de métaux. La géothermie de haute énergie enfin vise à capter l’eau à des températures supérieures à 120°C, sous forme de vapeur, qui servira à produire de l’électricité grâce à des turbines. Elle utilise des forages allant de 2 à 5 kilomètres de profondeur.
Et puis, il y a une autre géothermie, celle des profondeurs extrêmes. Une source d’énergie sous nos pieds beaucoup plus abondante, inépuisable, illimitée et capable en théorie de satisfaire tous les besoins humains, sans émettre de gaz à effet de serre. Il faut «juste» aller la chercher à 20 kilomètres de profondeur. C’est ce que se propose de faire une Quaise Energy, une startup américaine fondée par d’anciens chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) en utilisant de nouvelles technologies. Le projet séduit puisque Quaise Energy est parvenu à lever 63 millions de dollars depuis son lancement en 2020, dont 40 millions en février dernier.
Utiliser un gyrotron pour faire fondre les roches
Le projet séduit puisque Quaise Energy est parvenu à lever 63 millions de dollars depuis son lancement en 2020, dont 40 millions en février dernier. Carlos Araque, Pdg et cofondateur de Quaise Energy, explique: «Ce tour de financement nous rapproche de la fourniture d’une énergie de base propre et renouvelable. Notre technologie nous permet d’accéder à l’énergie partout dans le monde, à une échelle bien supérieure à celle de l’éolien et du solaire, permettant aux générations futures de prospérer dans un monde alimenté par une énergie propre abondante.»
Mais pour cela, il faut développer une technologie totalement nouvelle. Car aujourd’hui, le forage le plus profond jamais réalisé, fait en Russie en 1994 dans la presqu’ile de Kola, a atteint 12,3 kilomètres. Et il est impossible d’aller plus loin compte tenu de la chaleur, de la pression et du type de roches rencontrées dont certaines avaient 2,7 milliards d’années…
Pour y parvenir, Quaise entend utiliser un gyrotron, un appareil capable de générer des ondes électromagnétiques millimétriques de très forte puissance et de faire fondre la roche. Ce dispositif permet de creuser près de deux fois plus profondément dans la Terre que les trous les plus profonds jamais réalisés à ce jour. Le gyrotron a été inventé en URSS et est aujourd’hui fabriqué par des sociétés comme Communications & Power industries (Etats-Unis), Thales (France), Canon (Japon), Toshiba (Japon), Gycom (Russie)… C’est un outil suffisamment puissant pour transformer la matière en plasma dans des expérimentations liées à la fusion nucléaire. Il est capable de forer des roches sous-terraines jusqu’à 20 kilomètres et d’atteindre ainsi des zones où la température atteint 500 degrés Celsius. De l’eau injectée dans cet environnement se transforme instantanément en vapeur qui sous pression peut produire de l’électricité.
Transformer d’anciennes mines de charbon
L’objectif de Quaise est de creuser un prototype au cours des toutes prochaines années et d’être à même d’ici 2028 de pouvoir transformer d’anciennes mines de charbon en complexes géothermiques de grande profondeur. Les équipes de Quaise ont identifié une centaine de mines aux Etats-Unis qui pourraient être transformées. L’opération de forage prendrait quelques mois et une fois celle-ci achevée, la région concernée disposerait d’une source d’énergie presque illimitée. Quaise travaille notamment avec le Oak Ridge National Laboratory situé dans le Tennessee, le plus grand centre de recherche du Département américain de l’énergie, et avec la société Nabors, spécialisée dans l’exploration pétrolière, qui est également un de ses actionnaires.