On ne peut pas vraiment parler de surprise. La baisse spectaculaire des émissions de gaz à effet de serre l’an dernier n’aura été qu’une parenthèse. Elle a été la conséquence de la récession mondiale provoquée par la pandémie et aura montré au passage lors d’une expérience unique en grandeur réelle les limites de la décroissance. La transition ne se fera pas en arrêtant les économies, mais en accélérant la substitution aux énergies fossiles des énergies bas carbone. Et le monde ne semble pas vraiment en prendre le chemin.
C’est ce que dénonce avec un ton inhabituellement alarmiste l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans sa Revue mondiale de l’énergie 2021, publiée le 20 avril. Elle pronostique une augmentation cette année de 4,8% des émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie ce qui effacera la quasi-totalité des gains enregistrés dans ce domaine l’an dernier (-5,8%). Les émissions mondiales de CO2 provenant de l’énergie devraient atteindre 33 milliards de tonnes métriques, soit 1,5 milliard de plus qu’en 2020. Il s’agira de la plus forte augmentation depuis 2010 et le rebond enregistré après la crise financière. Il s’agira aussi de la deuxième plus forte hausse de l’histoire.
«Encore pire en 2022»
«L’accélération du déploiement de la vaccination anti-Covid-19 dans de nombreuses grandes économies et les réponses budgétaires généralisées à la crise économique renforcent les perspectives de croissance économique, entraînant un rebond de la demande d’énergie», souligne l’AIE dans son rapport. La demande d’énergie dans le monde devrait ainsi augmenter de 4,6% cette année après une baisse de 4% en 2020. Elle sera ainsi supérieure de 0,5% au niveau atteint en 2019. Près de 70% de l’augmentation prévue de la consommation énergétique mondiale proviendra des économies en développement où la demande devrait dépasser de 3,4% son niveau de 2019. En revanche, la consommation d’énergie dans les pays développés restera inférieure de 3% à ce qu’elle était en 2019.
«Il s’agit d’un sombre avertissement que la reprise économique après la crise du Covid est actuellement tout sauf durable pour notre climat», écrit dans l’étude Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE. «A moins que les gouvernements tout autour du monde agissent rapidement pour réduire les émissions, nous allons vraisemblablement connaître une situation encore pire en 2022», ajoute-t-il.
La Chine et son addiction au charbon
«Durant la crise du Covid, de nombreuses personnes ont pensé que l’humanité serait plus préoccupée par les questions d’environnement et que nous aurions un système d’énergie plus propre car les gouvernements ont pris des engagements les uns après les autres. Mais les chiffres montrent une réalité totalement différente», a déclaré Fatih Birol à la chaine de télévision américaine CNBC. «Il y a un fossé grandissant entre ce que disent les gouvernements, ce que nous lisons et voyons dans les médias, et ce qui se passe dans la vie réelle», a-t-il ajouté.
L’AIE montre notamment que la croissance des émissions de CO2 proviendra d’une forte reprise de la demande d’énergies fossiles et plus particulièrement de charbon (+4,5%). La seule augmentation de la consommation de charbon sera supérieure de 60% à l’augmentation combinée de toutes les productions d’énergie renouvelable.
Plus de 80% de cette progression de la consommation de charbon proviendra d’Asie et plus particulièrement de la Chine qui représentera la moitié de l’augmentation mondiale. La consommation de charbon en Chine atteindra même cette année un sommet historique. L’utilisation du charbon augmentera aussi aux Etats-Unis et en Europe cette année, mais restera tout de même «bien inférieure» aux niveaux d’avant la crise. En Europe, l’Allemagne, la Pologne et la République Tchèque représentent les deux-tiers de la demande de charbon. Au total, la consommation de charbon qui avait baissé de 4% l’an dernier dans le monde, sera supérieure cette année à celle de 2019.
La consommation de pétrole restera inférieure à son niveau de 2019
La consommation de gaz naturel devrait aussi dépasser son niveau de 2019 d’environ 1%. Pour ce qui est du pétrole, qui a enregistré l’an dernier la plus forte baisse de la demande de son histoire (-8,8%), le rebond est déjà sensible mais sera de l’ordre de 6%. Cela signifie que la consommation restera inférieure à celle de 2019. Ce qui est notamment lié aux limitations persistantes du transport international, notamment aérien et maritime.
Enfin, la demande d’électricité qui a baissé de 1% l’an dernier devrait augmenter de 4,5% cette année. Du côté des renouvelables, l’agence table sur une croissance supérieure à 8% de leur part dans la production électrique provenant essentiellement du solaire et de l’éolien. Si ce chiffre se vérifie, les renouvelables devraient produire 30% de l’électricité mondiale cette année, soit un gain de trois points.