Tesla a toujours été une marque automobile politique. Cela a fait indéniablement son succès, mais aujourd’hui elle en paye le prix. Les acheteurs de Tesla qui pendant de nombreuses années étaient les propagandistes du constructeur, il n’a jamais fait de publicité ce qui est sans précédent, faisaient partie, selon eux, d’une avant-garde, d’une élite. Et pour leur détracteur d’une véritable secte vouée au culte d’Elon Musk…
Rouler en Tesla, acheter des actions Tesla étaient à la fois un signe de distinction sociale, de comportement vertueux et de foi dans le progrès. Tout cela reposait notamment sur l’image de pionnier et même de prophète d’Elon Musk, génie de l’automobile électrique mais aussi de la conquête spatiale avec SpaceX ou des transports du futur avec l’Hyperloop. N’a-t-il pas promis de construire un jour une colonie d’un million de personnes sur Mars qui assurera la survie de l’humanité… Et Donald Trump a promis lors de son discours d’investiture d’envoyer des astronautes conquérir Mars.
Les acheteurs de Tesla n’étaient pas seulement des automobilistes. Ils étaient bien plus que cela. On les trouvait nombreux parmi les classes aisées « progressistes » de Californie et d’Europe. Il en allait presque de même des actionnaires de Tesla imperméables aux mises en garde contre la valorisation irrationnelle du pionnier et précurseur de la voiture électrique.
Des cours toujours stratosphériques, mais un rejet grandissant de la personne Elon Musk
Et puis patatras, Elon Musk est entré dans l’arène politique. D’abord, en achetant Tweeter et ensuite en s’engageant résolument au côté de Donald Trump. Après la réélection triomphale du candidat républicain, l’action Tesla a bénéficié, et bénéficie toujours, d’un moment de grâce et regagné beaucoup de terrain à Wall Street. Elon Musk lui-même avait reconnu que si Donald Trump ne gagnait pas, les choses allaient très mal tourner pour lui. Ce n’est pas le cas.
L’action Tesla s’échange toujours à des cours stratosphériques avec un rapport cours/bénéfices (PER) de 200 et même proche de 400 si on soustrait à ses profits l’exceptionnel, à savoir la vente de crédits carbone aux autres constructeurs et les gains enregistrés sur les bitcoins. Maintenant, l’action Tesla a été fortement secouée par l’annonce par l’administration Trump de l’augmentation des droits de douane sur les importations chinoises. Tesla fabrique une bonne partie de ses véhicules à Shanghai. Cela dit, la hausse du titre Tesla ressort encore depuis l’élection de Donald Trumps à plus de 55%… Et avec un patrimoine évalué à 410 milliards de dollars, Elon Musk est encore plus riche de 150 milliards de dollars qu’il ne l’était à la veille de l’élection présidentielle américaine le 7 novembre dernier.
Contradiction insurmontable
Mais tout cela n’efface pas une contradiction qui semble insurmontable entre les positions politiques et idéologiques d’Elon Musk et celles d’une grande partie des clients de Tesla. Cela ne serait sans doute pas un problème pour la plupart des marques automobile, cela l’est pour Tesla, le constructeur qui de fait a chamboulé le marché automobile mondial et ouvert la voie au véhicule électrique statutaire de haut de gamme.
Pour une partie de « l’avant garde », Tesla et Elon Musk sont devenus radioactifs. Ils les ont adoré et aujourd’hui ne veulent pas être associés de près ou de loin à ses orientations politiques et à son soutien affiché, par exemple, au parti d’extrême-droite allemand Afd. Selon une enquête réalisée fin janvier au Royaume-Uni par Electrifying.com, 59% des propriétaires britanniques de véhicules électriques et de ceux ayant l’intention d’en acheter un déclarent qu’Elon Musk les dissuade d’acheter une Tesla. La part des Suédois ayant une opinion positive de Tesla est tombée à 11% d’après un sondage Novus réalisé après l’investiture de Donald Trump. Les personnes ayant une opinion négative de la marque sont passées de 47 à 63%.
Baisse sensible des ventes en Europe
Résultat… En janvier 2025, Tesla n’a vendu que 1.141 voitures en France, en chute de 63,4% par rapport à janvier 2024. En Espagne, avec seulement 269 immatriculations, la dégringolade sur la même période est de 75,4% et en Suède de 46% avec 394 voitures vendues. Elle est de 59% en Allemagne. Les ventes ont également baissé en janvier de 12% au Royaume-Uni et aussi de 12% en Californie. Elles ont fléchi de 13% l’an dernier dans toute l’Europe, avant tout du fait de l’effondrement du marché allemand.
Peut-être plus significatif, les ventes de Tesla en Californie l’an dernier ont baissé de 12% et celles de son model 3, de 36%. Le sentiment de confiance et de sympathie à l’égard du constructeur de véhicules électriques a fortement baissé aux Etats-Unis en novembre et janvier dernier selon les données fournies par Caliber, une société spécialisée dans l’analyse de la réputation des marques.
Des actionnaires de Tesla s’interrogent ouvertement
La situation est telle que certains actionnaires de Tesla songeraient aujourd’hui à se séparer d’Elon Musk. Et cela même s’il contrôle fermement l’entreprise. Le Conseil est presque entièrement à sa main même s’il ne détient que 13% des actions de la société (et 9% sous forme de bonus à venir).
Cela laisse pour seul contre-pouvoir les actionnaires qui votent une fois par an lors de l’assemblée générale qui se tient en juin. L’an dernier, ils ont apporté un soutien très clair à Elon Musk. La question est de savoir si cela sera encore le cas cette année.
Le message aujourd’hui le plus populaire du Tesla Investor Club sur Reddit, l’une des plus grandes communautés d’actionnaires de Tesla, a pour objet l’éviction d’Elon Musk de son poste de Pdg. Plusieurs messages de ce type ont été publiés au cours des dernières semaines. Ils ne reprochent pas à Elon Musk ses engagements politiques, mais le fait qu’il ne peut pas consacrer le temps nécessaire à la gestion de Tesla confronté à de nombreuses difficultés commerciales, techniques et industrielles.